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PALESTINE OCCUPEE

La véritable histoire Israël-Palestine se passe en Cisjordanie

par Ben White

samedi 21 mars 2009

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Le ciblage de la résistance civile au mur de séparation par Israel est la preuve que la solution à deux états n’est plus maintenant qu’un slogan vide de sens.

Il est fort probable que vous n’ayvez jamais entendu parler des développements les plus importants du conflit israélo-palestinien de cette semaine. En Cisjordanie, alors que c’était “l’occupation comme d’habitude“, il s’est passé un certain nombre de choses, qui, mises bout à bout, devraient éclipser Gaza, Gilad Shalit et Avigdor Lieberman.

Tout d’abord, il y a eu un grand nombre de raids israéliens sur des villages palestiniens, avec l’enlèvement de dizaines de Palestiniens. Bien sûr ce type de raids est banal en Cisjordanie, mais ces derniers temps il apparaît que les militaires israéliens ont ciblé des lieux où la résistance civile contre le mur de séparation est particulièrement forte. Pendant trois jours consécutifs cette semaine, les forces israéliennes ont envahi Jayyous, un village qui lutte pour sa survie, car il a perdu ses terres au bénéfice du mur et des colonies avoisinantes. Les soldats ont occupé des maisons, détenu des habitants, bloqué des routes d’accès, vandalisé des biens privés, battu des manifestants, et hissé le drapeau israélien en haut de plusieurs bâtiments. Jayyous est l’un de ces villages palestiniens de Cisjordanie qui résistent depuis maintenant plusieurs années au mur de séparation par des moyens non-violents. Il est clair au yeux des villageois que ce dernier assaut était une tentative pour intimider le mouvement de protestation [1].

Plus tôt cette semaine, Israël a aussi renforcé les restrictions à la circulation des Palestiniens et à leurs droits de résidence à Jérusalem Est en fermant le dernier passage qui restait dans le mur à Ar-Ram dans la banlieue de Jérusalem. Ce qui signifie que des dizaines de milliers de Palestiniens sont maintenant coupés de la ville, et que, pour y accéder, ceux qui ont le « bon » permis devront maintenant se diriger d’abord vers le nord puis utiliser le checkpoint de Qalandiya [2].

Finalement – et cette fois, cela a été un peu couvert par les médias – on a appris que la colonie d’Efrat, près de Bethléem, allait être étendue grâce à la confiscation d’environ 420 acres (140 hectares) sous forme de “terre d’état“. D’après le maire d’Efrat, le plan est de tripler le nombre d’habitants de la colonie [[]Voir aussi le texte du 5 mars concernant d’autres banlieues de Jérusalem Est.].

Si on les considère globalement, ces événements arrivés en Cisjordanie sont d’une bien plus grande importance que des sujets auxquels une grande attention est portée en ce moment, comme les discussions pour une trêve avec le Hamas ou celles qui concernent un éventuel accord d’échange de prisonniers. Le Hamas lui-même focalise tellement l’attention, aussi bien de ceux qui recommandent de l’inclure dans les discussions que de ceux qui préconisent la destruction complète du groupe, que le contexte plus large est complètement oublié. Le Hamas n’est ni le début, ni la fin de ce conflit, c’est un mouvement qui a fait partie du paysage pendant tout le dernier tiers des 60 ans de l’existence d’Israël. La charte du Hamas n’est pas un manifeste national palestinien, et elle n’est même pas tellement centrale dans l’organisation aujourd’hui. Avant que le Hamas n’existe, Isaël colonisait les territoires occupés, et y maintenait un régime ethnique excluant ; si le Hamas disparaissait demain, la colonisation israélienne ne disparaïtrait certainement pas.

Reconnaître ce qui se passe en Cisjordanie permet aussi de contextualiser la discussion sur la politique intérieure israélienne, ainsi que la question en cours concernant la formation d’une coalition de gouvernement. Quelque soient ceux qui seront finalement autour de la table du cabinet israélien, cela ne fera guère de différence pour les Palestiniens, puisqu’il y a un consensus entre tous les partis sur une chose : une posture de refus par rapport à l’autodétermination et à la souveraineté des Palestiniens. Lors de la couverture des élections israéliennes, alors qu’il était clair que les Palestiniens, pour la plupart, se moquaient de savoir lesquels des candidats au Parlement avaient gagné, la raison de cette apathie n’a pas été expliquée. Qu’ils soient Travailliste, Likoud ou Kadima, tous les gouvernements ont à coup sûr continué ou intensifié de la même façon la colonisation des territoires occupés, en imposant la loi israélienne du séparés et inégaux, une réalité maquillée derrière la fausse dichotomie “colombe/faucon“.

Ce qui nous amène à la troisième raison pour laquelle les nouvelles de Cisjordanie sont plus importantes que les discussions de trêve à Gaza ou que la rivalité Netanyahu-Livni, c’est un rappel de ce que la solution à deux états a terminé son évolution, d’objectif valable (et souvent hypocrite) à slogan vide de sens, dissimulant l’absorption complète de Palestine/Israël par Israël et le confinement des Palestiniens dans des enclaves. Dans le sillage des élection israéliennes, les commentateurs libéraux, ceux de la presse dominante, aux Etats-Unis ont commencé à se rendre compte que la réalité de la Cisjordanie signifie la fin du paradigme de la solution à deux états. L’historien et blogueur Juan Cole a récemment fait remarquer qu’il ne reste maintenant plus que trois options pour Palestine/Israël : “apartheid“, “expulsion“ ou “un état“ . Le trajet du mur, et le nombre de Palestiniens qu’il affecte directement ou indirectement, continue à faire de tout plan pour un état Palestinien une farce. Jayyous n’est qu’un exemple de la façon dont les mini-états palestiniens, clôturés, planifiés par Israël sont aux antipodes de l’intention proclamée par le quartet et tant d’autres, de deux états viables, “côte à côte“. Comme la Banque Mondiale l’a fait remarquer, la colonisation des terres ne conduit ni à la prospérité économique, ni au principe de l’indépendance. Dans Jérusalem Est occupée, pendant ce temps, Israël a continué son processus de judéisation, imposé par la bureaucratie et les bulldozers. Ar-Ram, où le nœud coulant a été resserré, est un exemple des endroits où les Palestiniens de Jérusalem risquent de perdre leur statut de résidents, victimes de ce qui est poliment dénommé “la bataille démographique“. Il est impossible d’imaginer que les Palestiniens puissent accepter un “état“ dessiné par les contours du mur d’Israël, déconnecté non seulement de Jérusalem Est, mais même de certaines parties de lui-même. Et pourtant, c’est l’essence de la “solution“ qui est proposée par les dirigeants israéliens, tous partis confondus.

Pour avoir une idée réaliste de la direction que va prendre le conflit, regardez la Cisjordanie, pas seulement Gaza.
Traduction AFPS/RP

Ben White, publié dans The Guardian le 20 février 2009 http://www.guardian.co.uk/commentisfree/2009/feb/20/israelandthepalestinians-israeli-elections-2009

Traduction AFPS/RP


[1] Depuis la publication de ce texte, la répression dans les villages qui mènent une résistance non violente contre le mur s’est encore accentuée. On note de plus en plus de blessés par balles, et un militant pacifiste américain est dans un état critique après avoir reçu une cartouche de gaz lacrymogène en tir tendu dans la tête à Nil’in le 16 mars. Les invasions de villages, de jour comme de nuit se multiplient.

[2] Ar Ram est situé entre Qalandiya et Jérusalem. Le détour allonge donc considérablement le temps de trajet