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LE MONDE | 03.03.09 | 08h58 • Mis à jour le 03.03.09 | 09h45

Gaza : des engagements financiers, mais quelle traduction concrète ?

Le Caire, envoyé spécial

mardi 3 mars 2009

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Quatre milliards et demi de dollars. C’est la somme promise sur deux ans, lundi 2 mars, par l’Europe, les Etats-Unis, l’Arabie saoudite, des émirats du Golfe persique et plusieurs dizaines d’autres pays donateurs pour la reconstruction du territoire de Gaza dévasté par 22 jours de bombardements israéliens en janvier.

Les Palestiniens, représentés à la conférence de Charm El Sheikh (Egypte) par Mahmoud Abbas et ses alliés de l’Autorité « autonome », qui n’a plus aucun rôle à Gaza depuis la guerre de juin 2007 avec ses rivaux du Mouvement de la résistance islamique (Hamas), réclamaient 2,8 milliards, dont 1,33 pour la reconstruction proprement dite des milliers de logements, usines, entrepôts, ministères, bâtiments publics et casernes détruits par Israël au prix de 1330 tués côté palestinien.

Les diplomates des 75 pays représentés à la conférence convoquée par l’Egyptien Hosni Moubarak, se sont félicités de la générosité ambiante. Les 4,481 milliards de dollars promis, « dépassent nos attentes », a dit le chef de la diplomatie égyptienne, Ahmed Aboul Gheit.

Ils s’ajoutent aux 7,4 milliards de dollars promis sur trois ans par les donateurs de la « conférence de Paris » - souvent les mêmes - dont 3 milliards ont déjà été débloqués l’an dernier pour, essentiellement, payer les fonctionnaires palestiniens et soutenir un développement économique qui, bouclages et barrages militaires israéliens obligent, demeure pour le moins languissant en Cisjordanie occupée.

Outre l’absence des deux principaux protagonistes à Charm El Sheikh, à savoir Israël et le Hamas, l’ambition annoncée de reconstruire Gaza se heurte à au moins trois problèmes immédiats.

Le premier problème, relevé par Tony Blair, envoyé spécial du « Quartet » (Etats-Unis, Union européenne, ONU, Russie) depuis plus de deux ans et qui a effectué sa toute première visite à Gaza la semaine passée, est qu’il n’y a toujours pas d’accord de trêve officiel entre Israël et les islamistes qui gouvernent le territoire.

Les cessez-le-feu unilatéralement déclarés par l’un et l’autre le 18 janvier sont fragiles et des roquettes tirées par la branche combattante du mouvement continuent de tomber - lundi encore - sur le sud de l’Etat juif suscitant de nouvelles menaces de bombardements massifs. « L’argent c’est utile, a dit Tony Blair, mais si nous n’avons pas un accord politique, le cycle destructeur recommencera. »

Le second problème découle de cet état de fait. Depuis l’éviction de l’Autorité palestinienne de Gaza à l’été 2007, Israël impose un blocus quasi total au million et demi de Palestiniens qui vivent dans cette étroite bande de terre (40 % de chômage, 80 % de la population sous le seuil de pauvreté).

Tous les appels, y compris ceux des Etats Unis, à ouvrir les points de passage entre Israël et le territoire pour laisser au moins passer l’aide humanitaire, se sont heurtés au refus de l’Etat juif.

« Situation intolérable », s’est fâché, lundi, le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon. « Notre objectif prioritaire et indispensable est d’ouvrir ces points de passage », a-t-il martelé.

L’objectif a été repris par les donateurs dans leur communiqué final : « Nous appelons à l’ouverture immédiate, totale et inconditionnelle de tous les points de passage. »

Car comment reconstruire à Gaza quand Israël interdit toute importation de ciment, d’acier et de tous autres matériaux de construction ? « Nous ne parvenons même pas à faire entrer toute la nourriture et les médicaments dont nous avons besoin pour la population », se plaint John Ging, le représentant de l’agence de l’ONU pour l’aide aux Palestiniens. Le territoire « ne doit plus être une prison à ciel ouvert », a renchéri Nicolas Sarkozy devant la presse.

Autre question posée à la conférence de Charm el Sheikh : comment traduire les projets dans le concret si les donateurs refusent de travailler avec l’autorité qui contrôle Gaza, à savoir le Hamas ?

Les négociations en cours en Egypte entre l’OLP de Mahmoud Abbas et la résistance islamiste, en vue de former un gouvernement palestinien « de consensus » d’ici à fin mars, pourraient, si elles aboutissent, pallier cette difficulté.

Mais, et Hillary Clinton dont c’était la première sortie dans le monde arabe depuis sa nomination comme secrétaire d’Etat d’Obama, l’a répété lundi : « Hamas connaît les conditions : renoncement à la violence, reconnaissance d’Israël, respect des accords passés. » Toutes choses que l’OLP a accepté il y a déjà 16 ans, rétorquent les islamistes qui ont beau jeu de souligner que le rêve d’un Etat indépendant n’a pourtant jamais été aussi éloigné.

Patrice Claude