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Nouvelles du jour

Chronique de l’occupation

Lundi, 10 décembre 2007

lundi 10 décembre 2007

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Envoyé le 10/12/07

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43301

Bethléem est attaquée par l’expansion de la colonie de Har Homa

Neuf familles de la région de Bethléem vont se retrouver sans abri. En effet, les Forces d’Occupation leur ont remis cette semaine des ordres de démolition pour leurs maisons.
L’occupation a également annoncé la construction de 307 logements dans la colonie voisine de Har Homa, juste à la lisière de Bethléem.

A Um Rukbe, au sud d’Al Khadr, à l’ouest de Bethléem, six maisons à proximité du Mur de l’Apartheid et de la route réservée aux sionistes sont prises pour cible : cinq étaient nouvellement construits, et l’une était dans la phase finale de sa construction.

D’autres ordres de démolitions ont été remis : Dans le village de Nahalin, à l’ouest de Bethléem, l’ordre de démolition concerne la maison de Saidi Ahmad Najajra, à Za’atara, à l’est de Bethléem, un autre ordre de démolition concerne une maison de quatre étages appartenant à Issa Mahmoud Ta’mre, et à Ras Al Wad, l’ordre frappe la grande maison d’Ibrahim Mahmoud Awad Salahat.

L’occupation utilise le système de permis de construire pour empêcher les communautés palestiniennes de s’étendre. Les Palestiniens dans des régions comme Bethléem se voient refuser leurs demande de permis de construire, ce qui oblige un grand nombre de personnes à construire sans permis.

L’occupation détruit ensuite les maisons en toute impunité. Par contre, dans les colonies voisines, les constructions se poursuivent en toute impunité.

Les restrictions imposées aux communautés palestiniennes sont aggravées par la construction du Mur.

Dans le secteur d’Al Khadr, le premier village à être ciblé hier, le Mur confisquera environ 22000 dunums des terres du village, laissant seulement les 2500 dunams de l’agglomération. 70% du Mur est maintenant achevé autour du village.

L’occupant a gelé temporairement la construction du mur, puisqu’il manque d’argent pour le projet illégal. Cependant, il n’y a pas eu de gel de l’expansion des colonies illégales qui entourent Bethléem, ni des ordres de démolition de maisons palestiniennes. Les neuf familles palestiniennes vont passer un hiver lugubre alors qu’elles risquent de se retrouver sans abri.

Source : http://stopthewall.org/  Traduction : MG pour ISM

ISM et Stop The Wall - Bethléem - 09-12-2007

http://www.ism-france.org/news/article.php?id=7967&type=temoignage≤sujet=D%E9molitions%20de%20maisons

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43302

11 militants des Droits de l’Homme arrêtés dans E1, Jérusalem Est Occupé

Trois militants Palestiniens, cinq Israéliens, et trois internationaux (suédois) ont été expulsés de force d’une maison palestinienne et ont été arrêtés aujourd’hui dans le secteur E-1.

Tôt ce matin, des Palestiniens construisaient une maison dans le secteur controversé E-1. Les Palestiniens se voient systématiquement refuser les autorisations de permis de construire sur leurs propres terres, et les maisons qui ont été construites sont démolis.

Les militants des droits de l’homme sont restés à l’intérieur pendant quelques heures avant que d’importantes forces de police et l’armée les expulsent en utilisant la force.

Le secteur E-1, ou Est-1, est situé entre Ma’ale Adumim et Jérusalem, sur des terres appartenant à des villages palestiniens voisins. Le gouvernement sioniste prévoit de construire une colonie de 3500 appartements et une zone industrielle dans ce secteur.

Cela reliera la colonie de Ma’ale Adumim à Jérusalem-Est occupée, séparant en deux la Cisjordanie tout en la séparant de Jérusalem.

De plus des terres ont été récemment confisquées pour construire une route qui reliera les deux enclaves palestiniennes et créera de chaque côté un « bloc de colonies ».

Le 24 septembre, l’armée d’occupation a confisqué 1100 dunams de terres palestiniennes pour fournir une « contiguïté du réseau routier » par la construction d’une route pour Palestiniens seulement qui traversera le secteur E1. (voir la carte fournie par l’armée israélienne)

Les blocs de colonies seront annexés à la zone sioniste et bénéficieront d’une contiguïté territoriale, alors que les Palestiniens devront se contenter d’un ensemble de tunnels et de ponts qui leur permettront de circuler entre les différentes enclaves de la Cisjordanie. Ces routes d’apartheid seront contrôlées par l’entité sioniste pour des raisons de sécurité, et diviseront encore davantage le futur Etat palestinien « viable » par de nouvelles confiscations de terres.

Cette famille palestinienne n’est pas la seule à être forcés de quitter sa maison.

La communauté Bédouine de Jahalin, forte de 2700 habitants a également chassée de sa terre où ils vivaient en tant que réfugiés depuis qu’ils ont été forcés de quitter le désert du Néguev après la Nakba.

Le régime sioniste envisage de déplacer les bédouins sur des terres appartenant aux villages palestiniens voisins. Dans certains cas, par le passé, les Bédouins ont été déplacés de force sur des propriétés privées appartenant à des habitants de ces communautés.

Tous les militants ont été libérés à 16h cet après-midi

Pour plus d’informations, contactez :
0545573285 ou 0547847942

Source : http://www.palsolidarity.org/  Traduction : MG pour ISM

ISM - Jérusalem - 08-12-2007

http://www.ism-france.org/news/article.php?id=7958&type=temoignage≤sujet=Colonies

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43303

Des soldats des forces coloniales torturent un adolescent sur de fausses accusations

Les interrogateurs lui ont placé sa veste sur la tête, ont enroulé les manches autour de son cou et les ont serrés jusqu’à étouffer le jeune détenu.

Ils l’ont ensuite frappé à coups de poing dans l’abdomen, sur le côté et à la tête et ils lui ont donné un coup de crosse de M16 dans les jambes.

Il a été interrogé ainsi pendant 2 heures et frappé à chaque fois qu’il niait les accusations.

Au cours du dernier épisode répressif de l’armée d’occupation contre les habitants du village d’Azzoun, des policiers en civil ont enlevé un adolescent de 16 ans pour le soumettre à un interrogatoire prolongé entrecoupé de coups.

L’adolescent d’Azzoun, Mahmoud Radouan et son ami circulaient dans une charrette tirée par un âne sur la route 55, juste à l’extérieur d’Izbat At Tabib, pour se rendre dans le champ de son ami situé dans les environs d’An Nabi Elyas, lorsque des policiers déguisés en Palestiniens conduisant ce qui semblait être un taxi palestinien ont arrêté les deux jeunes, en pointant une arme sur eux et en les forçant à s’asseoir sur la route à côté de la rambarde.

Au bout de 30 minutes, les policiers ont libéré l’ami de Mahmoud mais lui, ils l’ont gardé en lui disant : « Nous avons quelque chose sur vous, nous savons que vous posez des problèmes. »

Il a été ensuite interrogé dans le taxi et au commissariat de police d’« Ariel » où il a ensuite été emmené. L’interrogatoire portait sur des accusations de jets de pierres sur les voitures circulant sur la route 55 ainsi que sur les jeeps de la police et de l’armée lors des invasions d’Azzoun.

Mahmoud a été menacé à maintes reprises. Les interrogateurs lui ont dit qu’il devait avouer le jet de pierres s’il voulait rentrer chez lui ou alors il serait présenté devant le tribunal et condamné à une amende. Ils l’ont menacé de lui « poser des problèmes » ainsi qu’à sa famille. Ils l’ont insulté à de nombreuses reprises et ont prononcé des grossièretés à son égard ainsi qu’à l’égard des femmes de sa famille.

Les interrogateurs lui ont placé sa veste sur la tête, ont enroulé les manches autour de son cou et les ont serrés jusqu’à étouffer le jeune détenu.

Ils l’ont ensuite frappé à coups de poing dans l’abdomen, sur le côté et à la tête et ils lui ont donné un coup de crosse de M16 dans les jambes.

Il a été interrogé ainsi pendant 2 heures et frappé à chaque fois qu’il niait les accusations. Malgré le passage à tabac qui accompagnait son interrogatoire, Mahmoud a continué à proclamer son innocence, en niant les accusations et en déclarant qu’il n’avait pas pris part aux jets de pierres.

Les interrogateurs de l’adolescent ont continué à contraindre Mahmoud à avouer en menaçant de le placer en isolement et de le suspendre au plafond et de le torturer jusqu’à ce qu’il cède.

Par la suite, n’ayant pas réussi à le faire avouer, ils ont emmené Mahmoud dans un couloir où il est resté assis, attaché à un banc en métal, pendant environ 4 heures.

Vers 22h, Mahmoud a été emmené dans un véhicule de l’armée et deposé près du village de Harris, loin de son village d’Azzoun. Après avoir attendu pendant une heure sur le bord de la route près de Harris, un jeune du village lui a prêté un téléphone afin qu’il puisse appeler sa famille.

Au bout de dix minutes, Mahmoud a pu faire signe à un taxi de s’arrêter et ils est arrivé à Azzoun vers minuit.

Le calvaire, basé sur des fausses accusations a duré près de 10 heures et illustre bien ce que beaucoup de jeunes palestiniens endurent dans le cadre de la politique coloniale sioniste qui cible les jeunes sans motifs et sans preuves.

Ce n’est pas la première fois que Mahmoud est injustement soumis à des passages à tabac et à des interrogatoires. Il y a juste un an, c’était en hiver, Mahmoud, qui avait alors 15 ans, a été arrêté à son domicile à 1 h du matin.

Les forces d’occupation ont frappé à la porte de sa maison, à la recherche de son frère, Mohammed, mais ils sont revenus 15 minutes plus tard pour embarquer Mahmoud et l’emmener au commissariat de police de la colonie illégale de « Ma’ale Shamron » pour un interrogatoire.

Deux autres jeunes hommes d’Azzoun, âgés de 14 ans, ont également été emmenés pour être interrogés. À « Ma’ale Shamron », les policiers ont ouvert un dossier sur les jeunes, puis ils les ont emmenés au commissariat de police de la colonie illégale d’Ariel.

Pendant tout le trajet qui a duré 1 heure, les soldats ont frappé Mahmoud avec des matraques sur la tête et sur tout le corps, en maudissant sa famille et en l’accusant de jeter des pierres, le prétexte de la détention.

À « Ariel », Mahmoud a été emmené sur un toit où 2 enquêteurs israéliens lui ont mis un sac en plastique sur la tête, l’ont jeté à terre, lui ont menotté les bras dans le dos et lié les pieds et ils lui ont donné des coups de pied et de poing sur tout le corps pendant environ 20 minutes.

Pendant tout ce temps, les deux hommes ont continué d’accuser Mahmoud de jeter de pierres et ont insulté sa mère et sa famille.

L’adolescent a finalement été emmené à l’intérieur d’une cabane, où il est resté assis, toujours menottés et les pieds liés, de 3 heures à 6 heures du matin. Les policiers qui passaient le frappaient ou le giflaient pour le réveiller quand il s’endormait.

Lorsque les agents de renseignement israéliens sont arrivés peu après 6 heures du matin, ils ont commencé à interroger les 3 jeunes chacun séparément. Mahmoud a été interrogé 3 fois pendant 30 minutes.

Au cours de ces périodes d’interrogatoire, ses interrogateurs lui ont posé la même question, lancé les mêmes accusations, et ils ont tenté à maintes reprises de faire avouer Mahmoud du jet de pierres. « Vous jeter des pierres. Où est votre arme ? Votre ami dit que vous jetez des pierres. »

Ces déclarations et accusations ont également été faites aux deux autres jeunes, dans leur tentative de les obliger à se confesser d’actions qu’ils nient avoir commis.

Puis Mahmoud a été emmené dans la colonie illégale de Qedumim pendant 20 minutes avant d’être finalement libérés près du village de Jinsafut, à environ 8 km à l’est d’Azzoun.

Ces deux incidents ne sont pas isolés et ils illustrent la politique et les pratiques actuelles et systématiques qui servent à ridiculiser et à terroriser les jeunes palestiniens.

Les habitants pensent que les impositions de couvre-feux et de barrages routiers à Azzoun, les interrogatoires comme ceux-ci font partie d’une stratégie à long terme pour fabriquer une histoire de la violence dans le village afin de justifier la construction d’une barrière de séparation qui bloquera la principale entrée d’Azzoun ainsi que l’accès à la route 55.

Source : http://www.palsolidarity.org/  Traduction : MG pour ISM

[commentaire : il n’y a ni discussion, ni négociation, ni quoi de ce soit avec des individus de cet acabit. Mais il faut bien comprendre qu’ils ne sont jamais que la traduction, la conséquence inévitable de ce fait fondamental, qui est à la source de tout le reste : la présence de l’établissement sioniste en Palestine n’a pas une once de légitimité. C’est une pure construction colonialiste, et donc inévitablement raciste et fasciste : c’est sa nature même. ]

ISM - Qalqilia - 06-12-2007

http://www.ism-france.org/news/article.php?id=7954&type=temoignage≤sujet=Torture

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43304

« Effacer l’idée de deux Etats »

Le député au Parlement israélien, Jamal Zahalka, a tenu un discours devant le Front de Libération de la Palestine et a appelé l’Autorité à abandonner la ligne officielle de l’OLP

L’opposition, au sein de la population arabe [en Israël], contre la définition de l’Etat d’Israël comme Etat juif, monte d’un degré : dans un discours qu’il a tenu hier lors de l’assemblée de l’organisation du « Front de Libération de la Palestine », le député Jamal Zahalka, président du groupe parlementaire Balad [Assemblée nationale démocratique], a déclaré que la direction palestinienne devrait laisser tomber le mot d’ordre « deux Etats pour deux peuples ».

La session de commémoration des 40 ans de la création du « Front Populaire de Libération de la Palestine » s’est tenue dans la petite ville d’Al-Bireh, en Cisjordanie. Y ont participé des personnalités comme le secrétaire adjoint de l’organisation, Abed El-Rahim Malouah, et le président du parti de « l’Initiative nationale démocratique palestinienne », le membre du conseil législatif palestinien, le Dr Moustapha Barghouti.

Le député Jamal Zahalka a profité du discours qu’il a prononcé à cette occasion pour appeler les Palestiniens et leurs dirigeants à ne pas consentir à la solution de deux Etats pour les deux peuples, qui constitue la ligne officielle adoptée par l’OLP au cours des 20 dernières années.

« Nous vous demandons d’effacer le mot d’ordre "Deux Etats pour deux peuples" », a dit Zahalka. « Nous, "à l’intérieur" (en Israël - note d’I. Inbari), nous refusons de reconnaître qu’Israël est un Etat juif, nous refusons de reconnaître le caractère juif de l’Etat. Les Israéliens l’exigent, afin d’acquérir une légitimité permettant de chasser notre peuple et afin de dépouiller de ses droits le peuple palestinien de "l’intérieur". »

Le président du groupe Balad a également profité de la tribune qui lui était offerte pour appeler les Palestiniens à se réconcilier et à s’unifier. « C’est un appel que nous vous adressons, nous les Arabes palestiniens de "l’intérieur" : préservez l’unité nationale palestinienne qui est la chose la plus précieuse que nous ayons », a-t-il dit.
Crainte d’une aggravation de la division palestinienne
Le député Jamal Zahalka, l’un des hauts responsables au sein de Balad - un parti qui a exprimé une opposition résolue à la conférence d’Annapolis - a mis en garde contre les conséquences de la conférence internationale. « Ce que nous craignons par-dessus tout, c’est qu’Annapolis n’entraîne une aggravation de la division palestinienne ; et toute démarche politique allant dans ce sens est totalement inacceptable », a-t-il déclaré.

L’appel adressé par le député Jamal Zahalka à la direction de l’Autorité Palestinienne de ne pas accepter la solution de deux Etats pour les deux peuples, est venu deux jours après que le président du parti Hadash, le député Mohamed Barakeh, ait expliqué pourquoi il fallait justement conserver ce mot d’ordre devenu la devise de son parti quasiment depuis sa création.

« Qui a dit que le slogan "deux Etats pour deux peuples", que nous épousons, est le mot d’ordre du Premier Ministre, Ehoud Olmert ? Devons-nous le jeter à la poubelle ? », avait dit Mohamed Barakeh lors d’un discours tenu avant-hier, à la session d’ouverture du septième congrès du parti Hadash qui s’est tenu à Nazareth. « Lorsque nous parlons de deux Etats pour deux peuples, nous parlons de deux Etats avec un droit à l’autodétermination, et pas nécessairement deux Etats ethniques qui sont une invention sioniste-israélienne et que nous refusons », a-t-il dit.

Le député Mohamed Barakeh a ajouté qu’il était opposé à la définition de l’Etat comme Etat juif et il a même qualifié le caractère juif d’Israël comme « une épée posée sur notre cou et sur le cou du peuple palestinien ».

Par Jamal Zahalka :
 Ne signez pas !

Sur le même thème :
 Palestine-Israël : Un pays, un Etat - Conférence de Madrid
 « Défions les limites : Un état unique en Israël/Palestine »
 « Aucun État n’a le droit d’exister comme État raciste »
 Un ou deux Etats pour Israël et la Palestine ?

Info-Palestine et Itamar Inbari - Ma’ariv – lundi 10 décembre 2007

http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=3342

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43305

L’automne à Gaza plage

La grande ville palestinienne vaut mieux que sa réputation de capitale des groupes armés. Le siège n’est pas éternel. Préparez-vous.

Il est là, le vieux, derrière une fenêtre à barreaux. La porte est fermée, l’entrée interdite, pour ne rien abîmer. Sayyed Hachem, dont l’arrière-petit-fils fut Mohammed, le Prophète du Coran, gît sous la pierre d’un tombeau sommaire qu’on distingue mal dans la pénombre. « Sayyed passait par là, il a planté son bâton dans le sol, et la ville est née », dit avec malice un fidèle qui ne croit rien de cette légende anachronique. Mais Gaza en arabe, avec un « r » de plus, veut dire piqûre, le trou du bâton dans le sol.

La salle de prière, toute petite, est de l’autre côté de la cour fermée où quatre vieillards prennent le soleil. Des flics du Hamas (c’est écrit sur leur veste de plastique) sont agenouillés vers La Mecque. Une porte donne accès au minaret, si étroite qu’un homme gras ne pourrait y entrer. « Hier, l’imam a dû monter dans la tour pour l’appel, sans micro. Il n’y avait plus d’électricité ! » L’homme qui sait tout, en fait, n’est pas un guide. Il ordonne qu’on le suive dans la ruelle derrière la mosquée de Sayyed Hachem, jusqu’à la pâtisserie Ramadan. C’est la sienne. Il prépare une grande assiette de feuilletés délicieux et sucrés, raconte la misère du siège : toutes les fournitures ont triplé de prix, et les clients n’ont plus le sou. Mais quand on veut payer pour les pâtisseries, il se détourne, offusqué.

C’est trop idiot. Déchirez cette page ! A quoi bon parler d’une ville où vous n’irez pas ? Gaza est prise au piège. Mais quand même : déchirez-la, et gardez-la. Ça en vaut la peine. Pas la page, la ville. Elle finira bien par s’ouvrir. Et alors, vous comprendrez pourquoi des Palestiniens y sont revenus, sachant pourtant qu’ils entraient dans une prison. De loin, vous pensez : espace urbain hors la loi, kalachnikov au coin des rues, chasseurs israéliens qui cherchent d’en haut des proies, bourdonnant. Il y a de ça, mais pas seulement. Ce port de la douleur a une humanité aimable. Cette cité antique, qui subit toutes les pénuries, a l’énergie de la jeunesse.

Gaza, c’est un peu comme Lausanne. Un peu... La vieille ville a été construite sur une éminence, basse ici, à 2 kilomètres de l’eau. Au fil des siècles, les maisons ont rempli le vide entre la colline et le port. Rimal, c’est leur Ouchy : les beaux quartiers près de l’eau. Fin de la comparaison. Car là, il y a aussi les odeurs fortes d’une ville qui ne fonctionne plus. Les volailles et les chèvres au pied des tours d’une population qui se nourrit comme elle peut. Le cadre est assez moderne, inachevé, avec un retour de sauvagerie. Et de sable. Une rue sur deux est asphaltée, et le vent, qui peut souffler fort en hiver, amène des grains qui crissent sous la dent. Rimal, à cause de ce sable, semble être construite en étages sur la plage.

La rue principale, à 300 mètres de la mer, s’appelle Charles de Gaulle. On sait bien d’où vient cette reconnaissance : après la guerre des Six-Jours, le général avait mis en garde le peuple israélien, « sûr de lui et dominateur ». Mais dites « charea de Gaulle » à Gaza : personne ne connaît. La rue, pour tous les Gaziotes, s’appelle Ansar, comme la prison que les occupants israéliens avaient aménagée ici, et qui est aujourd’hui tenue par le Hamas.

Pour aller à la plage, il faut tourner à droite devant la villa de Mahmoud Abbas, le président palestinien qui bien sûr ne peut plus y mettre les pieds. C’est une sorte de chalet bas, gardé par des hommes en noir de la Force exécutive, qui interdisent la visite. Au bas de la pente, Ahmed Orabi, la route côtière, conduit au palais présidentiel que Yasser Arafat n’occupait guère et laissait à ses hôtes.

Les installations de la plage sont en lambeaux et dévastées. Il y a eu ici de rudes combats en juin. On dirait le Lido de « Mort à Venise » après une très grosse tempête. Mi-novembre, l’eau est encore incroyablement chaude dans ce cul-de-sac de la Méditerranée dont les rouleaux, par vent fort, ont des allures océanes.

Le sable blond part au sud jusqu’à l’horizon. Une famille a installé une table et des chaises près de l’eau. Les femmes sont couvertes de la tête au pied. Le père vient, avec à la main un thermos de thé et un verre. Après quelques mots sur le beau soleil, il laisse entendre qu’une chemise, si près des dames, serait décente.

Un peu plus loin, des pêcheurs, qui ne peuvent plus aller au large pour cause de blocus, réparent leurs filets. Un cheval, qu’on peut louer, regarde fixement vers le nord, de l’eau jusqu’au ventre, comme s’il rêvait d’ailleurs.

Rimal, le beau quartier, touche au nord Shati - la plage en arabe. C’est le camp de réfugiés le plus proche du centre-ville. Le camp de la plage... Certaines de ses rues sont si étroites que deux piétons s’y croisent à peine. L’une d’elles, un peu plus large, est gardée aux deux extrémités. La maison entre les deux barrages est celle d’Ismaïl Haniyeh, le premier ministre du Hamas. Il est enfant de réfugiés.

Impossible de trouver une carte à Gaza. Heureusement, les trois avenues qui montent de la mer facilitent l’orientation. Omar al-Mukhtar est la plus commerçante, si ça a un sens aujourd’hui. Le seul lieu de déambulation marchande, autour de la place triangulaire du soldat inconnu, un anonyme de la guerre de 1948, celle de la partition refusée. Quand les Israéliens sont venus, en 1967, ils ont enlevé la statue.
Talatine longe les trois universités groupées, Al-Azhar, Al-Aqsa, et l’islamique, qui furent avant juin des places fortes rivales. Sur le trottoir, des étals offrent les posters, les drapeaux et les stickers des groupes armés. C’est un quartier qui respire l’adolescence - déjà voilée : toutes les étudiantes sont couvertes.

La montée en pente douce vers la vieille ville se fait sur deux musiques. « Für Elise », de Beethoven, qu’utilisent tous les marchands ambulants pour signaler le passage de leur charrette tirée par un âne. L’autre chant, c’est l’appel à la prière. Chaque ville musulmane (quoi qu’en disent les croyants qui semblent prendre cette remarque pour une mise en cause du monothéisme radical de l’islam) a son registre musical particulier. La polyphonie de Gaza, on le comprend à la longue, a inspiré Robert Wyatt, qu’il le sache ou non. Vous verrez : en fermant les yeux, vous entendrez la voix haut perchée et voilée du batteur de Soft Machine dans les minarets de Zeitoun...

Dans la vieille ville, autour de As Saha (la place, tout simplement), les rues, sauf celle des marchands d’or, deviennent tortueuses. Gaza, là, a l’air fatigué, usé. Elle est construite sur des couches de civilisations. L’histoire de la bande, c’est celle d’une succession sans fin d’invasions, des Egyptiens aux Turcs et aux Britanniques, en passant par Alexandre qui avait réduit les Gaziotes rebelles en esclavage. Comme des vagues qui montent de la mer, puis se retirent. La dernière, l’israélienne, bat encore aux portes qu’elle tient fermées.

Les vieilles mosquées, celle de Sayyed Hachem, celle d’Al-Omari, sont dans ce quartier. Le Qasr Al-Bacha est à deux pas. On l’appelle aussi le château de Napoléon, parce que Bonaparte y a passé deux ou trois nuits en 1799. Le gardien n’a de clé que pour la prison des femmes, au rez-de-chaussée : une pièce unique, dont le mur touche une école de filles qui jouent dans la cour, toutes voilées de blanc.

L’église Saint-Porphyrus est deux rues plus loin. Toute petite, avec dedans la rutilance orthodoxe. Le père Artinious Alexious montre un très vieux pilier à côté de l’autel : « La colonne de Samson », prétend-il. La tradition dit que l’homme fort de la Bible, trahi par Dalila, est mort là, brisant les colonnes du temple pour ensevelir avec lui les centaines de Philistins dont il était le prisonnier. Un chouada, un martyr, comme diraient les autres. Philistins, Palestiniens : en arabe, c’est la même chose. Une très vieille histoire, vraiment.

Cet espace est normalement réservé aux renseignements utiles pour le voyage. Compte tenu de la situation momentanément particulière de Gaza, un tel service au lecteur peut paraître superflu. Prenez-le, par la bande, comme une tentative de portrait instantané.
Vous pensiez y aller par les airs ? Il y a un aéroport, au sud de Rafah près de la frontière égyptienne, inauguré en 1998. Il porte maintenant un nom ronflant : Yasser Arafat International Airport. Problème : il est à moitié détruit, fermé.

Vous pensiez y aller en train ? Il y avait une ligne parallèle à la mer, venant d’Egypte, puis d’une frontière à l’autre. Elle est à l’abandon, plus de voitures, plus guère de rails.

Vous pensiez y aller en bateau ? Les travaux du port de Gaza, entrepris avant la 2e Intifada, n’ont jamais été menés à bien. De toute manière, des navires de guerre israéliens empêchent tout accès par la mer et n’autorisent la pêche que dans une zone étroite.

Vous voulez y aller par la route ? Il n’y en a aujourd’hui qu’une de possible, celle qui arrive au point de passage d’Erez, qu’on vienne de Tel-Aviv ou de Jérusalem. Erez est un gros blockhaus : barrières, couloirs, contrôles. Au premier guichet, des agents israéliens. Si vous n’avez pas une autorisation spéciale, et agréée, le voyage s’arrêtera là.
Vous avez pu passer ? De l’autre côté commence le pays virtuel, actuellement sans lois, sans fonctionnaires. Juste un essaim de porteurs qui se jettent sur votre moindre sacoche et la tiennent à plusieurs. Et des taxis - la ville est toute proche.

Quelle monnaie attendent-ils ? De beaux et solides nouveaux shekels israéliens.

Un logement ? Etant donné que pas mal de propriétaires ont eu la sage idée de sortir avant que ça se gâte, on trouve facilement à Gaza un appartement équipé, plutôt cossu, pas trop cher.

Vous préférez l’hôtel ? Il y en a plusieurs, confortables, sur le bord de mer. Le Commodore, par exemple : 66 $ la chambre sur la mer, 164 $ pour la fastueuse suite royale ; joli restaurant. Tél. 00972 82834400, http://www.commodoregaza.ps. Ou le Al Deira, plus cher : 110-150 $. Son restaurant terrasse est à Gaza le carrefour des rumeurs. Tél. 00972 82838100, http://www.aldeira.ps.

Vous voulez manger ? Les Israéliens laissent entrer le nécessaire. Dans les petits supermarchés et les échoppes de fruits et légumes, on trouve donc le nécessaire, avec des surprises : une semaine avec bananes, une semaine sans.

Vous voulez boire un verre ? Voyez avec le Hamas ou le Djihad islamique. Prenez plutôt une chicha (narghilé) : en arabe, on dit aussi boire, pas fumer.

Vous voulez bouger ? Le taxi, en ville, coûte 1 ou 2 shekels (30-50 centimes). Toute voiture, ou presque, est un taxi. Il y en a de collectifs pour aller à Khan Younis et à Rafah, à la frontière égyptienne.
Mendicité ? Les Palestiniens, même sous blocus, sont trop fiers.

Note à l’intention d’Ehoud Barak :

N’envoyez pas votre armée avant la parution de cet article. Ce serait inamical. Et ne l’envoyez pas du tout. N’étiez-vous pas à Annapolis ?

Du même auteur :
 "Gaza : la « cuisine » où se fabriquent les Qassam" - 5 décembre 2007 - Le Temps.
 "Dans Gaza la rebelle" - 1er décembre 2007 - Le Temps.

Info-Palestine et Alain Campiotti - Le Temps – dimanche 9 décembre 2007

http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=3334

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