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Coordination de l’Appel de Strasbourg pour une paix juste au Moyen-Orient

Lettre ouverte à l’ambassadeur d’Israël en France

par Michel Flament, coordinateur

jeudi 18 octobre 2007

Strasbourg, le 18 octobre 2007

Monsieur l’Ambassadeur,

C’est avec un grand intérêt que je m’étais rendu, lundi dernier, à l’Institut d’Etudes Politiques de Strasbourg pour tenter d’avoir quelques éclaircissements actualisés sur la situation au Moyen-Orient et plus particulièrement en Israël et dans les Territoires palestiniens occupés. Une bonne centaine d’étudiantes et d’étudiants avaient, eux aussi, fait preuve du même intérêt.

Vous êtes un diplomate très diplomate et incontestablement vous excellez dans cet art. ; mais, quand devant un tel parterre de jeunes femmes et de jeunes hommes attentifs, après vous êtes livré à une opération de charme, fleurie d’innombrables précautions oratoires, vous vous livrez à l’exercice d’une propagande basée sur des contre vérités, des omissions et des dérobades répétées, les limites de la décence sont franchies et le « charme » rompu.

Diplomate international, au fait des moindres détails de la réalité de la situation sur le terrain, certains de vos propos destinés à formater l’opinion de jeunes personnes venues pour assister à un débat ouvert, éventuellement contradictoire, trompent, désinforment dans une présentation qui n’a d’objectivité que le nom.

Ayant enregistré vos propos, et vos réponses aux trop rares interrogations filtrées par un modérateur peu impartial, et les ayant re-écoutées quelques heures plus tard en faisant abstraction de mon opinion personnelle sur la réalité de la situation, j’ai été frappé par la répétition de certaines phrases sorties d’un moule standard bien connu, largement amorti par l’utilisation incessante de son contenu par la plupart de vos compatriotes étant « aux responsabilités ». J’exclus de ce milieu à pensée unique les courageux israéliens qui luttent pour la paix en dénonçant au quotidien et à leurs risques et périls les agissements de vos gouvernements successifs et de leur armée depuis maintenant bientôt 60 années.

A plusieurs reprises, vous avez parlé d’Etat juif, laissant ainsi supposer que cet Etat ainsi qualifié se devait d’être juif avant tout. Ensuite, lorsqu’il vous est demandé des précisions sur les 1 300 000 Palestiniens vivant en Israël et sur la discrimination dont ils sont, de manière internationalement reconnue, victimes, vous niez totalement celle-ci et n’avez comme seule réponse que l’apologie de l’extrême tolérance d’Israël, terre d’accueil au bien être incomparable.

Bien sûr, vous ne faites aucune allusion aux centaines de milliers d’immigrés non juifs que vous tentez d’attirer en les appâtant par des primes et autres avantages de toutes natures pour garder une population laborieuse suffisante, leur laissant les plus basses besognes. Vous ne leur décrivez pas à l’avance qu’à leur arrivée, ils seront dirigés vers des colonies, toutes illégales et conquises par la force, où leur sécurité sera assurée par des armes qu’on leur apprendra à manier afin de garder, coûte que coûte, le terrain volé aux Palestiniens sur lequel ils vivront désormais.

Vous avez également loué la force militaire d’Israël qui agit pour protéger Israël . Est-ce protéger son pays que de se livrer au quotidien à des exactions dénoncées par tous les organismes de défense des Droits humains et ceci, en plus, sur le territoire d’un pays voisin occupé, morcelé, humilié ?

Comme tant d’autres de vos compatriotes, vous décernez à votre gouvernement un satisfecit pour la soi-disant évacuation exemplaire de Gaza, laissant entendre qu’elle constitue un précédent et laissant croire qu’il pourrait en être de même demain ou après demain en Cisjordanie occupée par votre armée et où se trouvent environ 400 000 colons ! La sécurité des colonies implantées à Gaza représentait un poids insupportable pour Israël. Ces colonies étaient fort justement attaquées fréquemment par des résistants palestiniens de la Zone, comme le droit international l’autorise. La plupart de ces colons évacués ont tout simplement été dirigés vers la Cisjordanie pour renforcer l’occupation de celle-ci.

Suite à cet épisode à base de mise en scène et de médiation outrancières, vous avez fait de la Zone de Gaza un ghetto et, n’ayant plus de colons sur place, rien ne s’opposait plus à ce que vous priviez ses 1 500 000 habitants des plus minimes moyens de survie puisque pas un seul mètre du périmètre de la Zone de Gaza n’est hors de vôtre contrôle qu’il soit terrestre, aérien ou maritime. Vos incursions fréquentes, vos tirs d’artillerie, vos chars, vos drones s’efforcent par tous les moyens d’y semer la terreur.

Les Institutions internationales, dont Israël fait partie, publient rapport sur rapport dénonçant la situation, certaines parlant même de génocide. Vous demeurez impassible, impitoyable et arrogamment sûr de votre bon droit qui est un Non Droit ! !

Concernant la prochaine ( ?) conférence d’Annapolis, vous émettez l’opinion qu’elle « pourrait servir de base à une déclaration commune » et comparez le dialogue en tête à tête de MM Olmert et Abbas à celui le MM Adenauer et Schuman. C’est faire injure à ces derniers qui, eux, étaient des bâtisseurs et qui, pendant qu’ils construisaient les fondations bien solides d’une réconciliation dont on connaît les heureux effets, n’avait ni l’un ni l’autre une armée d’occupation qui continuait à martyriser les populations civiles du pays voisin bien dissimulée derrière l’écran médiatique intégralement braqué sur ladite conférence.

Vous avez également utilisé le mot « délicatesse » en parlant de la manière dont il faut traiter de ce sujet. Cette délicatesse est à des années lumières des préoccupations de vos dirigeants et de son armée et, quotidiennement, la dizaine de palestiniens grièvement blessés ou morts ne sont pas, eux, victimes d’un comportement militaire digne d’être qualifié de délicat. Il en est de même des quelques 12 000 prisonniers que vous détenez et dont vous ne parlez pas, annonçant par ailleurs avec force médiatisation, la libération, de temps à autre, de quelques uns ou unes de ceux-ci immédiatement remplacés par d’autre en cours de kidnapping. Ces prisonniers sont en réalité les otages de votre gouvernement qui espère ainsi vider de sa substance toute la force vive de la Palestine.

Vous espérez que Mahmoud Abbas aura la sagesse de faire les concessions nécessaires lors de cette conférence tant attendue. Or la limite des concessions possibles a déjà été très largement dépassée et le fait d’énoncer en public cette espérance montre le degré de mépris que vous avez à l’égard de l’interlocuteur de Mr Olmert, laissant entendre qu’il est encore prêt à céder donc à reculer donc à être la cible de ses concitoyens pour la plus grande satisfaction d’un Etat occupant qui pendant ce temps de discussion gagnera encore plus de terrain au propre comme au figuré.

Vous espérez également un Etat palestinien avec de fortes « institutions nationales, de justice, de police, de sécurité » Le découpage, dores et déjà réalisé de la Palestine occupée est en voie d’extension rapide et tentaculaire ; il empêche toute unité nationale dans les faits, même si, dans les esprits et en dépit des luttes intestines, cette unité nationale et patriotique est une réalité ; comment pourrait-on en douter devant leur capacité à résister ?

Enfin, pour clore votre présentation, vous avez fait allusion au temps qui passe si vite . Et là, Monsieur l’Ambassadeur, vous avez oublié d’ajouter que depuis le temps qu’Israël prend le temps de préparer d’éventuelles négociations qui, en temps voulu, pourraient donner lieu à de probables constats de certaines convergences, votre armée, jour après jour, de façon non conditionnelle cette fois, ravage ce pays voisin, humilie, blesse, tue des citoyens palestiniens qu’ils soient ou non civils, étend la surface de ses colonies voire en crée de nouvelles, viole les Lois internationales et les Conventions de Genève.

Tout cela, Monsieur l’Ambassadeur, je ne vous l’ai pas appris.

Diplomate, vous n’étiez surtout pas venu à Strasbourg pour le dire et encore moins pour le reconnaître.

Recevez, Monsieur l’Ambassadeur, l’expression de mes sentiments attristés.

Michel Flament.
Coordinateur