Accueil > Sociétés Civiles à Parlement Européen > « Sommet » d’ Annapolis : Les prévisions sont mauvaises

Source : bitterlemons.org

« Sommet » d’ Annapolis : Les prévisions sont mauvaises

Par Ghassan Khatib

dimanche 14 octobre 2007

Alors qu’approche la réunion d’ Annapolis, les Palestiniens sont de moins en moins enthousiastes quant aux résultats attendus. On peut trouver beaucoup de bonnes raisons à ce pessimisme

et tout d’abord l’amère expérience que les Palestiniens ont vécue avec de tels sommets dans le passé, surtout quand ils sont parrainés par les Etats-Unis. Le dernier du genre fut le sommet de Camp David en 2000.

Une autre bonne raison est la déconnection complète entre les discussions politiques et les préparatifs concernant cette réunion et la situation de plus en plus difficile que vivent les Palestiniens. Le dernier rapport de l’OCHA (United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs) indique que le restrictions de mouvement qu’Israël impose aux Palestiniens en Cisjordanie sont toujours plus grandes alors que des organisations israéliennes constatent une augmentation de l’activité de colonisation. Devant cette réalité, il est inévitable d’être sceptique et l’opposition palestinienne saisit le prétexte de ce scepticisme pour organiser un autre sommet à Damas, où tous ceux qui ont des réserves vis-à-vis de la réunion d’Annapolis pourront se faire entendre.

Pourtant, au niveau officiel, la direction palestinienne semble enthousiaste et optimiste à la fois. Le Président Mahmoud Abbas a formé une équipe de négociateurs où l’on trouve les visages familiers des membres du premier cercle politique du défunt Président Arafat depuis le début du processus d’Oslo, qui, en plus de Abbas lui-même comportait Ahmed Qurei et Yasser Abed Rabbo. Mais cette équipe ne rassure pas le public. Au contraire, parmi les Palestiniens ordinaires et une grande partie de l’élite politique et intellectuelle, la formation de cette équipe rappelle les images malheureuses des fantômes des négociations passées qui ont échoué. Dans l’analyse des échecs du passé, beaucoup de gens évoquent comme responsabilité première la qualité des négociateurs, le manque de transparence et de sens de décision collective et l’absence de termes de référence spécifiques, notamment le droit international.

Dans le même temps, la division interne entre la bande de Gaza et la Cisjordanie, de même que les tensions persistantes entre le Hamas et le Fatah, sont une épée à double tranchant pour la direction palestinienne. D’un côté cela encourage les Américains et les Israéliens à aller plus vite vers un processus, avec l’idée que cela renforcera la position d’Abbas. Mais en même temps, cette séparation affaiblit la position palestinienne face à Israël au point qu’il est tentant de considérer l’enthousiasme actuel des Américains et des Israéliens pour ces négociations comme une tentative d’exploiter la faiblesse de la direction palestinienne afin d’ extorquer de nouvelles concessions à la partie palestinienne.

Pendant ce temps, les préparations pour la réunion d’Annapolis sont face à deux défis majeurs. Le premier est la participation arabe. Les Etats arabes, surtout l’Arabie saoudite qui n’a jamais participé à la moindre réunion officielle avec Israël, ont essayé d’encourager Israël à accepter de mettre fin à l’occupation en offrant d’apporter, par leur participation, leur soutien à cette réunion. Ce qui constituerait une victoire pour Israël en termes de normalisation, surtout en cas de participation saoudienne. Mais, alors que la position israélienne sur la réunion d’Annapolis devient plus claire, après la déclaration du Premier ministre israélien Ehud Olmert qui affirme que la réunion ne débouchera que sur une déclaration jointe de principes généraux, les Saoudiens et les Syriens hésitent.

L’autre défi vient d’Israël. Les Israéliens sont de plus en plus réticents à ce que la réunion inclue des discussions importantes sur les questions liées au statut final et, à l’approche de la réunion, Olmert est confronté à des critiques grandissantes qui viennent de tout le champ politique y compris son propre parti, Kadima. En conséquence il essaie de se réfugier dans les généralités. Moins les questions discutées pendant la réunion seront importantes, mieux ça vaudra pour Olmert. Mais cela sera très embarrassant pour Abbas qui a affiché son optimisme et ses attentes -relativement importantes- concernant cette réunion.

S’il n’est si sage ni réaliste que les Palestiniens attendent beaucoup de la réunion d’ Annapolis, il est possible d’ utiliser celle-ci pour mettre en évidence que les pratiques illégales d’Israël dans les territoires palestiniens occupés sont le réel obstacle à la paix. Cette stratégie palestinienne pourrait réussir à persuader la communauté internationale d’exercer des pressions sur Israël afin qu’il se comporte, dans les territoires palestiniens occupés, en accord avec les principes qui sous tendent la tenue de cette réunion, à savoir : la recherche d’une solution à deux Etats sur la base des résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité des Nations unies. Il faut expliquer clairement aux 36 pays qui doivent participer à la réunion d’Annapolis qu’il y a une contradiction criante dans la position d’Israël qui entreprend de négocier une paix basée sur la solution à deux Etats tout en sapant toute possibilité d’émergence d’un Etat palestinien par la poursuite de l’expansion des colonies illégales. Non seulement celles-ci sont un obstacle à la paix mais elle augmentent aussi la charge sécuritaire qui pèse à la fois sur les Palestiniens et les Israéliens.

http://www.bitterlemons.org/issue/pal1.php

traduction : C Léostic, Afps