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Les médias, encore les médias, toujours les médias ! à quand la « rupture » annoncée ? (ndlr)

Lettre ouverte à Marc Kravetz, chroniqueur à France-Culture

par un auditeur attentif et déçu

mardi 3 juillet 2007

Concerne :
Les matins de France Culture
http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/matins/

Monsieur,

Je suis un auditeur assez assidu de France Culture, et en particulier de l’émission d’information à laquelle vous participez à peu près chaque jour.

Ce matin, lundi 02 juillet en particulier, j’ai écouté la chronique que vous avez consacré à la fin des émissions de dessins animés de la série “Farfur” diffusés par la chaîne de télévision du Hamas depuis la Bande de Gaza.

Cette série est clairement une émission à fort contenu politique qui fait jouer un rôle clé à un personnage, Farfur, qui possède une tête de Mickey Mouse et une voix pointue, et dialogue le plus souvent avec des enfants.

Le contenu des dialogues insiste sur la dignité singulière de l’identité culturelle Palestinienne, sur la responsabilité dont la tradition religieuse musulmane investit le peuple Palestinien pour ce qui est de la sauvegarde des lieux saints de Jérusalem, et par ailleurs sur la légitimité de la lutte armée du peuple Palestinien contre ceux qui entendent s’emparer de leur pays.

Il est vrai que ces émissions s’adressent à des enfants, et que ceux qui comme nous ne sommes pas directement impliqués dans un conflit mettant en cause notre existence même tendent naturellement à écarter des sujets aussi graves des préoccupations de l’enfance.

Je crains cependant qu’un souci de cet ordre comporte ici une forte dose d’hypocrsie, car après tout ces mêmes enfants qu’on aimerait savoir à l’abri de la violence même verbale y sont en fait plongés chaque jour et, comme vous ne l’ignorez pas, y meurent en grand nombre.

Votre chronique de ce jour traitait en fait du dernier épisode de cette série, qui fait disparaître “Farfur”, victime d’une agression de gens qui veulent lui prendre sa terre, et que vous avez décrit, dans votre chronique, comme “des juifs”.

Il m’a semblé que votre propos était de souligner -implicitement- le caractère foncièrement antisémite du fondamentalisme musulman qu’on attribue au Hamas.

Il se trouve que, peu de temps après vous avoir entendu, j’ai trouvé, sur le site internet dela BBC, un récit du même épisode qui diffère du vôtre sur un point essentiel : les agresseurs, finalement assassins de Farfur ne sont pas désignés comme “des juifs” mais comme des israéliens. Je n’imagine pas que la nuance vous échappe.

Plus précisément, le compte rendu de la BBC est le suivant :

Hamas ’Mickey Mouse’ killed off

A Palestinian TV station has killed off a controversial Mickey Mouse lookalike that critics said was spreading anti-US and anti-Israeli messages to children.
The Hamas-affiliated al-Aqsa channel aired the last episode on Friday, showing the character, Farfur, being beaten to death by an "Israeli agent".
"Farfur was martyred defending his land," said the show’s presenter Saraa.
Vous pourrez vérifier sur le lien que voici : http://news.bbc.co.uk/2/hi/middle_east/6257594.stm

Bien entendu, que des gens soient agressés dans leur propre pays par des étrangers qui veulent s’en emparer est complètement intolérable.

Cela se produit cependant, et manière tellement banale qu’on n’en parle même presque plus, en Palestine, où les colons venus s’installer dans des implantations dont toutes sont condamnées par le droit international, et certaines par la loi de l’établissement sioniste lui même, agressent physiquement les Palestiniens sous le regard amusé des forces d’occupation. Régulièrement, des Palestiniens sont tués.

Alors bien sûr, je m’attends à ce que vous fassiez valoir que vous ne mettez pas en cause la légitimité de la lutte nationale du peuple Palestinien, mais le fait de reconnaître dans les agresseurs non des sionistes mais des juifs. J’ai essayé de trouver sur internet une copie de ce fameux dernier épisode. En vain. J’en ai trouvé d’autres où les deux vocables étaient employés.

Je ne suis pas scandalisé de cette confusion. Parce qu’elle est entretenue, reprise, et avec quelle insistance, par un certain nombre de personalités les plus prolixes du judaïsme, de ceux qui, comme Alexandre Adler que vous connaissez peut-être, qualifient Ronny Braumann de “juif traître”, du grand rabbin Sitruk qui déclarait naguère qu’il est du devoir de tout juif d’être un “agent d’Israël” et par tous ceux qui affirment, avec une agressivité invraisemblable, qu’être antisioniste (non, vous ne vous trompez pas, c’est mon cas) n’est après tout qu’une autre modalité, particulèrement hypocrite, de l’antisémitisme. Cette même confusion se retrouve encore bien entendu à la racine du pseudo-raisonnement qui prétend fonder le droit des sionistes à s’emparer d’un pays qui n’est pas le leur par la contrepartie nécessaire aux abominations (évidemment incontestables, celles-là), dont les juifs ont été les victimes en Europe.

J’ajoute que les dessins animés produits en abondance par la machine hollywwodienne pendant la seconde guerre mondiale n’identifiaient pas les méchants comme des nazis, mais comme des Allemands...

Cette lettre, Monsieur, est la conséquence d’une lassitude et d’une déception.

La lassitude est celle qu’on éprouve en constatant que l’audioviduel public est placé, pour ce qui est du conflit du Proche Orient, sous la surveillance et la direction à peu près sans faille d’un seul parti, celui qui accorde au sionisme un soutien inconditionnel.

Me déception vient de la tristesse que j’éprouve à voir que vous aussi vous rangez dans le camp de la détestation systématique de la Palestine qui résiste.

Les émissions que vous aviez consacrées naguère à un état des lieux en Palestine me laissaient espérer autre chose.

Je vous prie, Monsieur, de bien vouloir agréer l’assurance de ma considération distinguée.

M.-E. H.
02 juillet 2007