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Contre la langue de bois devenue « de plomb »

Lettre de Jean-Claude Lefort, député, au Ministre des Affaires étrangères

Puissent d’autres élus avoir le courage de s’exprimer ainsi ! merci Mr Lefort.

jeudi 9 novembre 2006

Monsieur le Ministre,

Actuellement en Thaïlande, je suis attentivement la situation dramatique qui prévaut actuellement au Proche-Orient. Et de nouveau je constate que le peuple Palestinien subit, en particulier dans la bande de Gaza, une nouvelle agression meurtrière des plus condamnables - une agression qui provoque un silence assourdissant de Communauté internationale.

La France appelle quant à elle à « la retenue et à la modération » ! Avec modération ou non, tuer des civils, des enfants, des personnes des services de secours, c’est tuer. C’est , en l’occurrence, perpétrer de plus un véritable crime de guerre. C’est violer les Conventions internationales et c’est semer la haine et le malheur dans les territoires.

La condamnation des opérations militaires meurtrières israéliennes ne peut souffrir de « modération ». Elle doit être claire, nette et sans ambiguïté. Ce n’est malheureusement pas le cas aujourd’hui quand, il y a peu, Israël était déclaré en « état de légitime défense » suite à l’enlèvement de deux soldats au Sud Liban et pouvait ainsi s’engager, avec le soutien international, dans la guerre « légitime » au Liban. Les soldats n’étant toujours pas libérés et les négociations ayant aujourd’hui relayées une guerre particulièrement destructrice.

Les Palestiniens sont en état de légitime défense depuis plus de 60 an, et spécialement depuis 1967. Mais leur situation est toute différente : ils doivent, eux, non seulement accepter l’occupation mais assurer la sécurité des occupants. Et la France appelle à la modération... Il est vrai, que vous ayez exprimé récemment votre compréhension en faveur de la construction par Israël du mur d’apartheid en Cisjordanie condamnée formellement par la Cour de justice internationale.

Une fois encore l’armée israélienne se comporte de manière inqualifiable, provoquant des dizaines de morts, tout ceci au mépris des droits humains consacrés et du droit international pertinent.

Elle cherche aussi de la sorte à gêner les efforts du Président Mahmoud Abbas pour unifier les principales forces politiques palestiniennes, sur une base politique conforme à sa propre démarche politique, en les regroupant dans un gouvernement d’union nationale.

Tout se passe au Proche-Orient comme si il était admis une fois pour toute que la cause de la situation était le fait des Palestiniens et non pas de cette situation pourtant établie et condamnée par les Nations unies, à savoir l’occupation israélienne. Une occupation qui rend imprescriptible le droit à la résistance du peuple Palestinien, comme toute occupation rend légitime toute résistance ainsi que le précise la Cour de justice internationale dans son avis portant sur la construction du mur.

Tout cela aboutit à exonérer l’Etat d’Israël, le seul à être dans ce cas sur cette planète, de l’application des résolutions de l’ONU. Et corollairement cela conduit à l’inaction et au refus de l’ONU paralysée d’imposer la paix, comme elle en a le devoir absolu et non pas seulement le droit.

Et non seulement l’Etat israélien n’est pas sommé de respecter le droit international mais ce sont les Palestiniens qui sont mis sous embargo et à qui on coupe les vivres. On va tout droit vers un chaos dont personne ne peut vouloir, sauf à raison perdre ! C’est un « monde à l’envers » que vous laissez se développer sous nos yeux et qui modèle, croyez-le bien, l’imaginaire de millions de personnes et de jeunes à travers le monde. Il ne peut manquer d’en résulter des conséquences marquantes.

Certes, vous indiquez aujourd’hui, et vous l’avez réaffirmé au cours d’une émission diffusée notamment sur « TV5- Monde », que vous travaillez à réunir les conditions pour la tenue d’une Conférence internationale sur le Proche-Orient.

Cette idée est la nôtre, vous le savez, depuis des années. Nous partons du constat que les accords passés n’ont pas été concluants puisque nous en sommes-là où nous en sommes. Il faut en effet un accord global qui soit basé sur les résolutions de l’ONU s’agissant de la frontière de 1967, de Jérusalem-Est comme capitale de l’Etat palestinien et la définition d’une juste solution pour les réfugiés. Cette idée d’un accord global n’est pas illusoire puisque nous en étions à deux doigts à Taba selon les négociateurs israéliens et palestiniens. Et il faudra en garantir son application, inclus par la présence d’une force internationale sur place.

Mais ce qui se passe actuellement à Gaza contribue à l’évidence à repousser la perspective d’une telle Conférence qui n’est pas, il est vrai, souhaitée par tous.

C’est pourquoi, aujourd’hui, la France ne peut se « satisfaire » de l’annonce de son action en faveur de cette Conférence internationale dont la date de tenue est loin d’être fixée et le contenu loin d’être précisé. S’agissant de l’Iran vous dîtes que ce pays doit se « plier » aux résolutions de l’ONU. C’est conforme à la Charte mais alors pourquoi Israël n’est jamais contraint de se « plier » aux résolutions qui la concernent directement ? Pourquoi ? Mais pourquoi ?

Pour l’heure, les choses étant ce qu’elles sont, il faut créer les conditions de la tenue de cette Conférence. Mais cela passe incontestablement, de manière incontournable, les choses étant intimement liées, par une action immédiate pour un arrêt sans conditions des actes meurtriers commis, à Gaza notamment, par l’armée israélienne et le gouvernement de Monsieur Ehud Olmert - un gouvernement qui comporte désormais une aile des plus radicales sans que cela n’émeuve personne au niveau international à la différence notable de ce qui a été fait à l’occasion de la victoire du Hamas.

Les choses étant liées, la France s’honorerait à donner une suite immédiate aux appels pressants du Président palestinien Mahmoud Abbas en demandant la convocation en urgence du Conseil de sécurité de l’ONU pour mettre fin à la situation insupportable qui prévaut actuellement dans les territoires palestiniens.

C’est ce que je vous demande de faire instamment alors que vous n’en avez rien dit au cous de l’émission citée.

Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre des Affaires étrangères, en l’expression de mes salutations distinguées.

Jean-Claude Lefort Député du Val-de-marne Membre de la Commission des Affaires étrangères