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Opinion

Les trois enseignements de la « victoire des islamistes » en Egypte

Lundi, 25 juin 2012- 10h17 AM

lundi 25 juin 2012

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Par Yamin Makri

Mais nous ne sommes pas naïfs, l’élection d’un président sans prérogatives claires, dont on ne connaît pas les pouvoirs, dans un pays sans constitution avec une assemblée législative dissoute par les Généraux ne présage rien de bon.

L’accession des Frères musulmans à la présidence du pays le plus peuplé du Monde arabe est une victoire symbolique énorme et il sera certainement décrit comme l’événement de ce début du XXIe siècle.

Car ce qu’il faut d’abord retenir c’est que le peuple égyptien à réussi à faire élire un homme du peuple honni à la fois par les généraux, par les autres dictatures arabes et par toutes les capitales occidentales inféodées aux intérêts sionistes. C’est un signe qui annonce d’autres bouleversements et cet événement historique redonne espoir à tous les mouvements de résistances populaires bien au-delà de l’aire arabophone-musulmane.

Mais nous ne sommes pas naïf, l’élection d’un président sans prérogatives claires, dont on ne connaît pas les pouvoirs, dans un pays sans constitution avec une assemblée législative dissoute par les Généraux ne présage rien de bon. L’Égypte a aujourd’hui un Président élu qui devra agir au sein d’un État et d’institutions politiques, judiciaires et économiques qui sont solidement aux mains de la dictature militaire.

Le peuple égyptien est encore bien loin d’avoir réussi à prendre en main les destinées de son pays et ce président élu n’est en rien une garantie. Seule la rue et les lourds sacrifices des forces vives de la société civile resteront les véritables garanties de l’évolution du long processus d’émancipation qui est en cours.

Malgré toutes ces limites, les événements actuelles dans ce pays, qui à été et qui reste un pays phare pour toute l’aire musulmane, aura d’énormes conséquences qui dépasseront de très loin les contingences égyptiennes.

Nous pouvons en retenir d’ores et déjà trois qui ont trait à l’évolution des révoltes arabes, au renouveau de la résistance palestinienne et à la mutation des mouvements dits « islamistes ».

1/ Tout d’abord cette élection va redonner espoir aux mouvements des printemps arabes qui s’inquiétaient profondément après l’étouffement du soulèvement au Bahreïn, les débuts d’éclatement de la Libye post-Kadhafi et la guerre civile qui s’enclenche aujourd’hui en Syrie.

Malgré les larmes et le sang, malgré les manipulations des différents États arabes et occidentaux, cette confirmation du choix populaire en Égypte va renforcer ceux qui pensent que la résistance des peuples arabes contre les potentats, rois et généraux doit tout de même se poursuivre jusqu’à l’émancipation réelle des peuples. La résistance populaire reste la seule voie crédible, l’exemple égyptien le prouve encore aujourd’hui.

2/ L’Égypte des Généraux avec le royaume Saoudien sont les principaux alliés de l’État sioniste dans la région. Cette élection ne change pas radicalement la donne mais elle rendra plus difficile les manigances américano-sionistes qui essaieront d’imposer d’autres faux traités de paix. L’accession à la présidence de l’État égyptien d’un élu du peuple va donner un nouvel espoir à la résistance palestinienne qui a tant souffert des régimes arabes complices soumis aux désiradatas des États-unis.

Les Frères musulmans ont évidemment donner des gages à l’Occident pour ne pas remettre en cause les accords de paix avec l’agresseur sioniste, nous le savons bien. Une élection n’est pas le seul fruit d’un choix populaire. Cette démocratie idyllique n’a jamais existé, en Égypte ou ailleurs. Washington et ses alliés sionistes ont accepté de « laisser faire » cette élection « démocratique » à cette seule condition. Mais le peuple égyptien et le mouvement des Frères musulmans sont foncièrement anti-sionistes, un président élu, quel qui soit, devra maintenant en tenir compte.

3/ Durant les années vingt, lorsque Hassan Al-Banna mis en place le mouvement des Frères musulmans, il ne visait pas la prise du pouvoir politique mais la réforme de la société égyptienne et la prise ne charge de son identité musulmane et arabe. À l’image de Ibn Badis en Algérie ou de Said Nursi en Turquie, l’objectif n’a jamais été politique mais d’abord sociétal et cvilisationnel. Par la suite, ce n’est que la répression politique qui obligea ces mouvements « islamistes » - comme beaucoup les désigne - à s’orienter vers la prise du pouvoir politique.

Pour Hassan Al-Banna et tous les autres leaders du mouvement réformiste musulman, le pouvoir politique changera de lui-même lorsque les peuples émancipés et conscients de leur responsabilité feront les bons choix.

Un siècle plus tard, c’est sur cette terre égyptienne où pris naissance le mouvement de Hassan Al-Banna que l’un de ses dirigeants accède à la présidence. Ce mouvement « islamique » qui était surtout un mouvement d’éducation populaire et de la réforme sociale devra maintenant muter et établir des alliances politiques au niveau national mais aussi international afin de répondre aux impératifs sociaux-économiques de la gestion d’un État.

Cette victoire politique des Frères musulmans égyptiens, paradoxalement, annonce aussi la fin de « l’islamisme politique » tel que nous l’avons connu durant le siècle dernier. Leur arrivée au pouvoir en Égypte et ailleurs les transformeront tandis que dans les sociétés civiles, forts de leur identité retrouvée et reconnue, il faudra initier quelque chose de nouveau pour poursuivre le chemin des émancipations des individus et des peuples.