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L’invité du blog de Paul Jorion : François Leclerc

« DÉSASTREUSES PROMESSES AU SOMMET »

Vendredi, 25 novembre 2011 - 8h06 AM

vendredi 25 novembre 2011

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L’actualité de la crise

Deux interprétations contradictoires peuvent être données de l’échec de l’émission des Bunds allemands intervenue hier. Soit que les marchés craignaient que l’Allemagne soit entraînée dans une solidarité financière accrue au sein de la zone euro, soit qu’ils entendaient au contraire s’opposer ainsi à cette perspective, en donnant un avant-goût de ce qui allait se passer.

Les partisans d’une intervention de la BCE, les Français au premier rang, espéraient pour leur part que cet événement imprévu allait contribuer à débloquer la situation à Berlin.

La fenêtre d’un accord de compromis a minima négocié entre Allemands, Français, et cette fois-ci Italiens, est néanmoins très étroite. En quoi celui-ci pourrait-il consister, dans les circonstances actuelles ? Quelles seraient ses chances de succès ?

Il pourrait s’appuyer sur un projet musclé de révision des Traités européens, en appui de la poursuite de la stratégie de diminution des déficits et de la dette publique. En contrepartie, l’émission d’euro-obligations serait rendue possible, en choisissant la plus restrictive des options proposées dans le « Livre Vert » de la Commission européenne. Accessoirement, la BCE maintiendrait au niveau actuel ses achats d’obligations sur le marché secondaire, et le FMI se tiendrait prêt à aider les Espagnols et les Italiens avec le filet de sécurité de ses prêts de précaution.

Dans un premier temps, un accord portant sur la révision des Traités pourrait être affiché, dans l’espoir d’une évolution de la position allemande, lors du sommet du 9 décembre prochain par exemple. Mario Monti, favorable aux euro-obligations mais opposé à l’intervention de la BCE, pourrait y pousser et donner son accord à une telle révision, à condition que les investissements stratégiques de croissance soient exclus du calcul des déficits publics.

Si ce compromis devait intervenir, il permettrait d’éviter l’éclatement de la zone euro, mais il est condamné par avance, pour deux simples raisons.

1/ Il fait l’impasse sur la crise montante de la dette privée et sur les difficultés rencontrées au sein du système bancaire européen.

Signe des difficultés qu’elles rencontrent, les banques allemandes viennent de demander à l’Autorité bancaire européenne (EBA), un délai avant de soumettre leurs plans de recapitalisation. Elles souhaitent également que soit revu l’exigence de valorisation des obligations souveraines au prix du marché… car celle-ci accroît leur vulnérabilité (c’est le monde à l’envers).

2/ Son application entraîne l’Union européenne plus profond dans la récession, rendant encore plus aléatoire l’objectif de réduction des déficits.

Estimant qu’une récession peut encore être évitée, mais reconnaissant « une croissance qui décline, et est très faible », l’OCDE est très inquiète, selon ses propres termes. Tout en s’inscrivant sans surprise dans le schéma stratégique des dirigeants européens, elle se raccroche à l’idée de l’intervention du Fonds européen de stabilité, montrant combien elle est déconnectée de la réalité.

Cette stratégie s’appuie sur une analyse fausse à deux titres. Elle voit dans le seul endettement public la cause de la crise européenne, et elle s’oppose à toute intervention de la BCE, au prétexte qu’elle déclencherait un dérapage inflationniste.

Les marchés ont pourtant clairement signifié qu’ils ne croient pas à ses chances de succès, ayant observé ses résultats là où elle est appliquée. Paradoxalement, ce sont eux qui appellent à la raison des autorités européennes, ne croyant plus qu’à une intervention de la BCE pour étouffer le feu. Sans doute même son annonce ne suffirait-elle pas, vu le contexte, et il faudrait que celle-ci passe à l’acte.

Dans le meilleur des cas, le lent processus en cours va donc se poursuivre, associant mesures de rigueur budgétaire et détérioration accrue de la situation sociale. Seule promesse possible de gouvernements dépassés par l’implosion qu’ils constatent mais se repliant sur de désastreuses solutions qu’ils croient éprouvées.