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Tunisie

Neuf mois après la révolution, le mouvement des jeunes chômeurs diplômés ne faiblit pas

Jeudi, 6 octobre 2011 - 6h43 AM

jeudi 6 octobre 2011

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Neuf mois après la révolution, le mouvement des jeunes chômeurs diplômés ne faiblit pas en Tunisie

Manifestation de diplômés chômeurs

Le chômage des jeunes a été le terreau sur lequel s’est développé la révolution tunisienne. Neuf mois après le départ de Ben Ali, une partie de la jeunesse se sent toujours marginalisée et les manifestations de diplômés chômeurs continuent. Nous avons recueilli les doléances de l’un de ces jeunes insatisfaits, que nous avons transmises à un responsable du ministère de l’Emploi.

Jeudi matin sur l’avenue Habib Bourguiba, on se serait cru aux premiers jours de janvier 2011, alors que la révolution battait son plein. Des jeunes scandaient « Le travail est un droit, bande de voleurs ! », le même slogan entonné contre le gouvernement de Ben Ali. Dans plusieurs régions de Tunisie, les diplômés chômeurs continuent à se mobiliser.

Le 14 janvier dernier, Ben Ali a fui le pays en laissant derrière lui 700 000 chômeurs diplômés.

Manifestation des jeunes diplômés à Tunis, jeudi 29 septembre, durant laquelle un journaliste se confronte avec un policier.Contributeurs

Maher Hamdi

Karim Mejri
."Les critères de recrutement dans la fonction publique ne sont pas justes"
Maher Hamdi est membre de l’Union des diplômés chômeurs.

Nous avions déjà manifesté lundi devant le ministère de l’Education, mais nous avons été violemment pris à partie par la police. Nous nous sommes donc réunis à nouveau jeudi pour dénoncer la violence policière, car les méthodes n’ont décidément pas changé.

Notre association a été créée officieusement le 25 mai 2006, mais elle n’a jamais eu d’existence légale sous le régime de Ben Ali. Après le 14 janvier, nous avons adressé une demande de reconnaissance au ministère de l’Intérieur qui n’a pas donné suite à notre requête. Sans décision du ministère sous 90 jours, il nous était possible de nous adresser directement à l’imprimerie du Journal Officiel pour faire reconnaître notre association. C’est ce que nous avons fait.

Nous nous considérons pourtant représentatifs de la jeunesse au chômage. Nous avons plus de 120 bureaux dans toutes les régions du pays, même si certains ont été fermés par les autorités. Nous ne faisons pas que contester, nous présentons également des propositions de réformes du système éducatif et du système de l’emploi. Malheureusement, les ministères font la sourde oreille. Celui de l’Education nationale a refusé de nous rencontrer. Quant aux responsables du ministère de l’Emploi, nous nous sommes réunis avec eux deux fois, mais sans que rien ne sorte de ces entretiens.

Ce que nous ne contestons, ce n’est pas tant le nombre de postes créés que les critères de recrutement. Par exemple, pour les concours de l’Education nationale, le ministère a instauré un système de score qui prend en compte les résultats obtenus par l’étudiant au concours, les stages qu’il a fait et sa situation familiale. Or tout le monde sait que la prise en compte des stages favorise les privilégiés de l’ancien régime, puisqu’à l’époque de Ben Ali, ceux qui avaient des proches bien placés obtenaient plus facilement des stages. Nous trouvons aussi injuste que la situation sociale du candidat ne soit pas prise en compte, de même que son âge et l’année de l’obtention de son diplôme.

Cinq listes indépendantes de jeunes diplômés chômeurs se présentent à l’élection de la constituante [le 23 octobre]. Le but est de profiter des trois minutes d’antenne accordées à chaque liste pour faire passer notre message. Nous aimerions notamment que le droit au travail soit inscrit dans la nouvelle Constitution. Mais je ne me fais pas trop d’illusions."
Maher Hamdi
."Les représentants des associations n’ont pas la culture du compromis"
Karim Mejri est conseiller auprès du ministère de la Formation professionnelle et de l’Emploi.

Le ministère n’avait pas du tout cette culture du dialogue avec la société civile. Nous essayons donc de changer cela, avant d’en venir à des propositions concrètes. Malheureusement, au bout de deux mois, le responsable de l’Union des diplômés chômeurs (UDC) a mis fin aux réunions et l’association a sorti une tribune vindicative dans la presse en qualifiant ces réunions de « séances de psychologie ».

La réforme du secteur de l’emploi est l’un des grands chantiers de la Tunisie post-Ben Ali. Nous avons organisé au mois d’avril dernier des séances de travail avec les directeurs régionaux de chaque gouvernorat. Ces derniers se sont ensuite entretenus avec les responsables des associations sur place et nous ont rendu leurs rapports, qui incluent des propositions. Nous essayons de les prendre toutes en compte, même si elles sont parfois contradictoires.

L’UDC critique nos critères de sélection pour entrer dans la fonction publique, notamment sur la question des stages. Je ne nie pas les passe-droits dont bénéficiaient un certain nombre de stagiaires du temps de Ben Ali, mais il faut bien aussi que les employés recrutés aient un minimum d’expérience. De plus, même si ces jeunes ont été privilégiés pour obtenir les stages, ils ont ensuite bel et bien travaillé. Et eux aussi réclament un emploi aujourd’hui… Ensuite, il est vrai que nous avons choisi de regarder la situation familiale plutôt que la situation économique des candidats. Nous avons préféré cette option parce qu’il est trop facile en Tunisie de mentir sur ses conditions sociales.

Il est vrai qu’il y a un manque de coordination entre les ministères, pour la simple et bonne raison qu’il y a à peine 8 mois, il n’y avait pas de coordination du tout. Nous sommes dans une période transitoire et nous essayons de faire de notre mieux, chose que ne prennent pas en compte les représentants des associations, qui n’ont pas la culture du compromis.

Il faut bien comprendre que l’ouverture de postes de fonctionnaires prend du temps. Il ne s’agit pas seulement de recruter, il faut aussi encadrer et former les candidats, car certains ont obtenu leur diplôme il y a des années. Tout cela nécessite du temps et des moyens. Sous Ben Ali, un décret créant des postes dans la fonction publique prenait un an et demi pour entrer en vigueur. Aujourd’hui, nous y parvenons en six mois."
Karim Mejri
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