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Et dire qu’il parle en notre nom ! (ndlr)

Discours de M. Claude Géant au CRIF PACA

Mercredi, 13 juillet 2011 - 6h12 AM

mercredi 13 juillet 2011

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UNE VALEUR (Petit Robert) : " ce qui est vrai, beau, bien ( selon un jugement en accord avec celui de la société, de l’époque)"

Quelle époque ! (ceci est un point d’exclamation et non d’interrogation)

Michel Flament

Coordinateur

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Intervention de M. Claude Géant, ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration dans le dîner du CRIF de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, organisé à Marseille le jeudi 30 juin 2011.

Je suis particulièrement heureux et fier de partager avec vous, ce soir à Marseille, ce dîner du CRIF qui est une belle et chaleureuse expression de la convivialité républicaine.

Si nous sommes ici réunis, c’est pour manifester notre attachement à des valeurs communes, à des valeurs qui nous lient et que nous voulons transmettre.

Ces valeurs, ce sont celles qui irriguent la République, lui donnent chair et consistance. Ces valeurs ce sont les vôtres, et tellement les vôtres qu’à la synagogue, vous dites « une prière pour la République ».

La République, telle que nous la voulons, telle que nous l’avons construite ensemble, suppose ce sentiment d’appartenance à une communauté de destin qui fait la force d’un peuple et son unité.

La communauté juive est l’image même de ce que doit être cette appartenance à une communauté, ce lien qui nous unit aux autres sans gommer notre individualité, sans brimer notre autonomie.

Ce lien n’est pas une entrave. C’est une liberté. C’est une responsabilité. Appartenir à une communauté, c’est se sentir responsable de tout autre comme de soi-même et devoir en répondre.

Cette appartenance émancipe. Faire partie d’un tout, d’un ensemble solidaire, ce n’est pas s’y perdre, mais s’y retrouver.

C’est ainsi que se conçoit l’idéal d’émancipation qui est le nôtre. Cet idéal de civilisation est celui d’une République pour laquelle une différence de fait ne saurait fonder une différence de droit.

Et cet idéal, la communauté juive le défend, non pas de manière abstraite et incantatoire, mais par sa pratique du vivre-ensemble.

Ce serait trop peu de dire que la communauté juive y adhère, puisqu’elle porte et incarne dans ses traditions les plus fortes les principes même de la vie républicaine.

Ainsi, la pratique du texte, consubstantielle à la tradition juive, instituée bien avant l’existence effective de la République française, est un apprentissage de l’autonomie et déjà une préparation à la citoyenneté.

La pratique du texte est un exercice de réflexion collective. Ce n’est pas par hasard. Elle apprend à questionner ses propres certitudes, à répondre, à écouter et à rendre compte. Elle apprend les vertus de l’échange. Elle apprend qu’il est toujours préférable de penser à plusieurs, plutôt que tout seul.

La pratique du texte élève, cultive le meilleur en chacun et porte à l’exemplarité. Elle permet de comprendre qu’ « il n’y a rien de plus utile à un homme qu’un autre homme », comme l’affirmait Spinoza.

Cette tradition est le ferment d’une citoyenneté active. Elle prépare à la vie démocratique, parce que la démocratie est le régime qui convient le mieux à la vie sociale.

Bien sûr, la République construit ses propres creusets et conçoit, suivant le même idéal de liberté de conscience et de pensée, l’Ecole et l’espace du débat public.

Certes, la République vit dans les cultes qu’elle institue et se doit d’entretenir, comme celui des Grands hommes. Elle commémore les grands moments de notre histoire commune à laquelle la communauté juive a tant apporté et depuis si longtemps.

Cependant, la République vit aussi, perdure et se prolonge à travers d’autres cultes que les siens propres, des cultes dont elle garantit le libre exercice, dès lors qu’ils n’entravent pas la conscience mais favorisent le développement de l’esprit.

Dès lors qu’ils ne menacent pas l’ordre public mais au contraire promeuvent les principes d’une vie harmonieuse dans lesquels chacun, croyant ou non croyant, peut se reconnaître, les cultes fortifient la République.

Ainsi, l’Etat laïc, en aucun cas, n’est antireligieux, pour cette raison très simple que la morale civique qu’il cherche à promouvoir vise elle-même à rassembler.

Sans doute toute manifestation susceptible de diviser le corps social, de séparer, de discriminer, d’isoler, est sanctionnée par la loi. Mais une religion belliqueuse, une religion qui opprimerait ou qui humilierait serait plutôt une contradiction dans les termes, un dévoiement de sa vocation initiale.

Entre croyance et fanatisme, il y a une différence de nature et non pas de degré, comme entre la violence et le droit.

Souvenons-nous de Spinoza qui, toute sa vie, a porté le manteau troué du coup de couteau que lui avait donné un fanatique à la sortie de la synagogue. Cette histoire nous rappelle que le fanatisme, d’où qu’il vienne, doit être condamné avec la plus grande fermeté.

Elle nous rappelle notre devoir de vigilance et de protection.
La loi du 9 décembre 1905, au fondement de l’Etat Laïc, poursuit ce double objectif.

Dans son aspect positif, l’Etat laïc est un Etat protecteur : il assure la liberté de conscience, la liberté de croire et de ne pas croire, et en prévient les violations.

Tel est le contenu du premier article de notre loi fondamentale qui fait clairement prévaloir une conception ouverte et apaisée de la laïcité.

Ministre en charge des cultes, c’est dans cet esprit d’ouverture que je travaille, soucieux de veiller au respect des grands équilibres d’une loi qui a fait ses preuves, mais soucieux également d’en assurer mieux l’effectivité.

En ce sens, il m’apparaît opportun que les fêtes juives de Pessah, puissent être prises en compte dans le fonctionnement des administrations et des services publics. Il conviendrait notamment de veiller à ce que les examens et concours de la République ne se déroulent pas durant cette période.

C’est pourquoi j’ai demandé au ministre de la Fonction publique, par une lettre que je lui adressé le 2 mai dernier, de veiller à ce que les fêtes de Pessah figurent, dès l’an prochain, dans le calendrier des principales fêtes religieuses prises en compte à cet effet.

C’est par de telles inflexions, que la laïcité témoigne de sa vitalité et assure sa pérennité.

La perception équilibrée de la laïcité que défend le gouvernement exprime plus largement notre attachement aux principes d’une République qui rassemble.

La France que nous aimons, la France que nous voulons, se reconnaît dans des valeurs qui définissent son identité.

Oui, ce sont ces valeurs qui font notre identité.

C’est le combat que nous menons, ce sont les efforts que nous déployons pour défendre ces valeurs qui donnent sens à notre engagement républicain et qui tracent la perspective de notre histoire commune.

Chacun d’entre nous peut dire, d’où qu’il vienne, d’où que vienne sa famille : « j’appartiens à la République, je suis Français, parce que je crois en l’égalité des droits, en l’égale dignité des personnes, quels que soient l’origine, le genre ou la religion ». « J’appartiens à la République et je suis fier d’être Français, parce que je défends ces principes ».

Le projet historique de la France est depuis longtemps un projet de civilisation que la communauté juive, avec d’autres, a largement contribué à faire avancer.

Mais les progrès du droit et de la liberté ne sont pas rectilignes.
L’herbe mauvaise de la barbarie pousse sur tous les terrains. Elle a tôt fait de profiter de notre négligence pour croître et étouffer les meilleures cultures.

J’étais, le 1er mai de cette année, au mémorial de la Shoah. C’était la première fois qu’un ministre de l’Intérieur s’y rendait. C’était une cérémonie poignante qui invite au recueillement, qui ravive notre mémoire mais qui oblige aussi à agir pour que demain, cela ne revienne jamais.

Lutter contre l’antisémitisme, sous toutes ses formes, des plus insidieuses au plus explicites, est un impératif auquel aucun Gouvernement responsable ne saurait se soustraire.

Cette lutte suppose constance et détermination.

La communauté juive doit savoir que le gouvernement est bien décidé à poursuivre les efforts engagés, même si la froide statistique indique déjà une baisse très sensible des actes antisémites dans notre pays : une baisse de 43% des violences antisémites en 2010, et cela après la hausse enregistrée au moment de la crise de Gaza.

Cette orientation à la baisse se confirme sur les 5 premiers mois de 2011 où l’on recense 185 actes à caractère antisémites contre 222 pour la même période en 2010. Cependant, chacun de ces actes est un acte de trop.

Un seul suffit à soulever le cœur, parce qu’il fait écho aux pires atrocités que l’histoire ait connue.

Quand un membre de la communauté juive est victime d’un tel acte, ce n’est pas une partie de la communauté nationale qui est atteinte et qui souffre, mais la Nation toute entière.

De même, comme le soulignait le Président de la République dans son discours au CRIF en mars dernier : « toute atteinte contre un lieu de culte ou une sépulture doit être regardé comme une atteinte à la République et à ses valeurs fondamentales ».

Aussi, le plan gouvernemental de sécurisation des bâtiments de la communauté juive, mise en œuvre depuis 2005, est un élément essentiel de notre politique de prévention d’actes antisémites. Ce dispositif a déjà permis d’assurer la protection de centaines d’écoles, de crèches, d’associations, de centres communautaires et de synagogues sur l’ensemble du territoire.

Bien entendu, la vigilance oblige à poursuivre ces efforts en 2011, et je m’emploierai à ce qu’ils le soient.

En invitant les plus hautes autorités de la région à partager ce dîner du CRIF, vous souhaitez leur rappeler les devoirs de leur charge.

Vous m’avez fait l’honneur de m’inviter ce soir à votre table, et je tenais, avant de vous rejoindre, à vous assurer de l’engagement plein et entier de mon ministère au service d’une France où votre communauté puisse vivre sereinement, puisse vivre heureuse.

Nous partageons le même idéal républicain, les mêmes valeurs. Nous défendons la même idée de la France, d’une France fidèle à elle-même et à ses promesses.

La France, disait Michelet, n’est pas qu’un pays, c’est une idée : une certaine idée de la liberté, de l’égalité et de la fraternité humaine à laquelle nous sommes attachés.

La France ne saurait oublier « qui elle est » sans se trahir, sans vous trahir.

La France ne saurait oublier les siens sans s’oublier elle-même.

Le temps n’épuise pas notre mémoire.
Le temps n’épuise pas notre détermination.

La France n’oublie pas Gilad Shalit. Elle n’oublie pas ce soldat franco-israëlien, détenu au secret depuis son enlèvement en juin 2006 à la lisière de la bande de Gaza. Cela fait cinq ans maintenant, sans qu’aucun droit de visite ne soit accordé au Comité international de la Croix rouge, comme l’exige pourtant le droit international.

En ces heures terribles pour notre compatriote, Gilad Shalit, la France n’oublie pas son amitié pour Israël. Vous savez, monsieur l’Ambassadeur, que le droit d’Israël à vivre en sécurité constitue une priorité stratégique et diplomatique pour la France.

Vous connaissez la solidité de l’engagement du Président de la République aux côtés d’Israël pour trouver les voies d’une paix durable.

Israël occupe dans vos cœurs une place toute particulière. Soyez assurés que les préoccupations de la communauté juive sont ici, sur cette autre rive de la méditerranée, partagées et entendues, comme en témoignent ces paroles fortes de Nicolas Sarkozy que je reprendrai pour conclure :

« Pour la France, l’existence de l’Etat d’Israël est une exigence de la conscience universelle et jamais les juifs de France, jamais, n’auront à choisir entre leur conscience et leur Patrie ».