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Jean Ziegler dénonce :

« Pour les banquiers suisses, Ben Ali est un High one client qu’il faut fidéliser »

Mercredi, 15 juin 2011 - 8h14 AM

mercredi 15 juin 2011

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« Pour les banquiers suisses, Ben Ali est un High one client qu’il faut fidéliser » déclare le sociologue, polémiste et écrivain suisse Jean Ziegler
(Le Temps (Tn) 14/06/2011)

Fonds tunisiens sommeillant dans les banques suisses

L’argent du peuple spolié par le despote Ben Ali et son clan : on use et abuse des superlatifs et des slogans le dénonçant. On réagit au quart de tour, puis on fait trois petits tours et on s’en va. Qu’a-t-on fait jusque-là pour récupérer l’argent qui sommeille dans les paradis fiscaux ? Qu’a-t-on fait pour rendre au peuple tunisien ce qui lui revient de droit ? Rien pour le moment, sinon de montrer les lacunes d’un droit international qui ne se fait appliquer que par les faibles et les moins nantis.

Le cas des fonds tunisiens détournés et ayant élu domicile dans les coffres helvétiques en est un exemple frappant, montrant un tant soi peu, que la raison d’Etat l’emporte sur la raison des droits de l’Homme et que dans tous les cas de figure, la raison du plus fort est toujours la meilleure.

La visite du sociologue, écrivain et polémiste suisse Jean Ziegler dans notre pays nous a éclairé sur l’état actuel des faits et de ce qu’on pourrait faire pour rendre aux Tunisiens ce qui leur appartient. Il faut dire que l’invité de l’Association de Transparence financière, samedi dernier, à Gammarth, n’a pas choisi de faire les choses dans la dentelle pour montrer les lacunes du droit suisse.

Le vice-président du Comité consultatif du conseil des droits de l’Homme des Nations Unies a appelé à une gestion plus équitable des capitaux et dénoncé l’attitude des banquiers du gouvernement fédéral qui n’ont déclaré que 60 millions de francs suisses, soit l’équivalent de 90 millions de dinars tunisiens, le recel étant également un crime. « 27% des fonds offshore du monde sont gérés en Suisse. Ce pays a toujours accueilli l’argent illicite. Cela a une dure solidité idéologique de par l’histoire. »

Le conférencier qui étaye son exposé d’exemples a rappelé que « pendant la 2ème guerre mondiale la Suisse était le banquier de Hitler qui a volé dans 11 banques centrales de 11 pays un or non convertible. La Suisse a accepté de refondre l’or et de le mettre sur le marché et en faire un produit parfaitement négociable. Le mythe des banques suisses est qu’elles ont une libre convertibilité. » dit-il.

La Suisse refuse le ‘’fishing expedition’’

Jean Ziegler a expliqué que pour le cas de la Tunisie, la Suisse n’a pas failli à sa réputation d’un pays où le secret bancaire est inébranlable même si le 19 janvier le gouvernement fédéral a gelé les avoirs de 48 personnes de nationalité tunisiennes pour trois ans. « Mais la saisie n’a rien à voir avec l’entrée judiciaire qui exige qu’un pays comme la Tunisie engage un procès pénal contre les délinquants et que la procédure ouverte portant des délits qui ont leur équivalent dans les deux pays. La Tunisie doit également détecter les lieux probables où se trouve cet argent. La première requête envoyée à la Suisse a été rejetée. » avance le conférencier qui explique que, sans cette saisie judiciaire, les banques suisses sont libres d’indiquer ou pas les comptes illicites. La Suisse refuse, par ailleurs, le ‘’fishing expedition’’ qui consiste à leur adresser des demandes portant des listes de comptes dont il ne connaît pas forcément les titulaires. « On invoque dans ce cas le fait qu’un argent qui change trois fois d’identité monétaire ou juridique ou les deux à la fois ne peut être localisé. » dit-il.

Mais ce n’est pas tout car Jean Ziegler rappelle que le 18 mai dernier le président de l’Association des banquiers suisses a protesté violemment contre la saisie des fonds tunisiens, opération jugée précipitée et qui risque d’inquiéter leurs clients pour la gestion de leur fortune offshore… Cela dit et toujours selon notre interlocuteur les banquiers suisses qui évoluent dans un milieu très concurrentiel, ne cherchent pas à savoir si le client est légal ou pas, même si les lois des banques existent. « Mais il faut être un héros pour les appliquer. Pour les banquiers suisses Ben Ali est un ‘’High one client’’ qu’il faut fidéliser. » fait-il remarquer.

Ben Ali « blanc comme neige »

Le conférencier a égrené la liste des dictateurs dont les fonds ont élu domicile dans les coffres helvétiques à l’exemple de Duvalier (en Haïti), Mobutu (au Zaïre, Montesinos (au Pérou). Il invoque également des cas où l’argent des peuples a été récupéré comme c’est le cas du dictateur philippin Ferdinand Marcos qui a été arrêté à l’aéroport alors qu’il avait dans ses valises les noms des comptes offshore. Et comme les miracles n’arrivent pas tous les jours, il faut les provoquer en usant de la conscience politique. Jean Ziegler le rappelle en lançant « Est-ce que la force normative du droit international peut s’imposer contre la violence arbitraire de l’intérêt d’un pays ?... » et en ajoutant « Les rapports de force internationaux qui agissent sur les consciences politiques a produit une série d’insurrections. Ceux qui s’y opposeraient en se mettant au travers de l’intérêt des peuples s’exposeront à la honte internationale. »

Il y a lieu de rappeler que Ben Ali, tout comme bon nombre de potentats, se forge l’image de modèle en ce qui a trait au détournement de fonds. Ses avocats, le français Me Jean-Yves Leborgne et le Libanais Me Akram Azouri ont trouvé le moyen pourtant de crier à l’injustice au début de la semaine écoulée... Et sans pour autant se faire l’avocat du diable, il se trouve que le dictateur déchu serait comme le confirment ses avocats ‘’blanc comme neige’’. Ah oui, la neige,… C’est beau la neige. C’est encore meilleur du côté de la Suisse.

Mona BEN GAMRA

Le droit international à la rescousse ?

Sami Rémadi, le président de l’Association tunisienne de la transparence financière a exposé les articles de la Convention des N ?ations unies contre la corruption ayant trait à la corruption. « A commencer par l’Article 14 de ladite convention concernant les mesures visant à prévenir le blanchiment d’argent. Chaque Etat partie doit instituer un régime de contrôle des banques afin de décourager et de détecter toutes formes de blanchiment d’argent. Ce régime met l’accent sur les exigences en matière d’identification des clients…Les Etats parties s’engagent également à mettre en œuvre des mesures réalisables de détection et de surveillance du mouvement transfrontière d’espèces et de titres négociables.

L’article 46 de la même convention stipule que les Etats parties s’accordent mutuellement l’entraide judiciaire la plus large possible lors des procédures judiciaires concernant les infractions visées par la convention… »

Le Temps (Tn)