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Formation avant départ...(ndlr)

Récit d’une arrestation lors d’une manifestation au check point de Kalandya à l’entrée de Ramallah

Mercredi, 26 janvier 2011 - 7h03 AM

mercredi 26 janvier 2011

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Dimanche 26 décembre, nous sommes quelques 80 Français et Ecossais à participer à une manifestation aux côtés des Palestiniens au check point de Kalandya qui sépare Ramallah de Jérusalem. Notre route est bloquée par une énorme porte interdisant l’accès côté Jérusalem, porte que nous considérons illégale et que nous décidons de franchir sans violence en accords avec nos amis palestiniens. C’était là un acte symbolique car tous les check point rendent invivables les déplacements quotidiens des Palestiniens. Lorsque vous n’êtes plus capable d’aller d’un point A à un point B sans qu’on vous barre le chemin, c’est qu’on a déjà sacrément empiété sur votre liberté individuelle… C’est pourtant ces contrôles permanents, ces attentes interminables que subissent les Palestiniens chaque jour.

Nous serons 9 Français à être arrêtés suite à notre action… Premier contact mouvementé avec les soldats : une camarade blessée à la cheville et au poignet, un camarade (déjà d’un certains âge) trainée par le cou, sinon des bons bleus pour tout le monde…

Vers 10h, notre première attente se fait au check point où on nous prend toutes nos affaires. J’arrive tout de même à garder mon téléphone me disant que j’en aurais besoin.

Puis nous sommes séparés, certains restent dehors, pour ma part et 2 camarades, nous sommes isolées dans un bureau, chacune tournée vers un autre côté, au coin comme des mauvais élèves et rappelées à l’ordre par un cow boy prenant son rôle de shérif très à cœur… ! Nous avons quand même pu parler avec un jeune soldat et c’est assez hallucinant de voir comme ils sont formatés, tous ont les mêmes arguments : les Palestiniens leur veulent tous du mal et ils sont là pour se défendre, tout justifie leur actions « par mesure de sécurité… ». A ce moment je m’imagine ce jeune homme ayant grandi dans un autre environnement, avec d’autres valeurs inculquées, et je réalise qu’il serait quelqu’un de foncièrement différent, sans mauvais fond, pourtant il est bien là devant moi avec une arme, convaincu que son combat est juste ! C’est le cas de toute cette jeunesse enrôlée… je me dis mais quel gâchis !

Vers 14h nous sommes transférés au centre de détention d’Atarot à 2 km du check point où nous resterons jusqu’à minuit.

Nous alternons entre interrogatoires, coup de fil à l’avocate, rencontre avec un délégué du consulat français. Et puis l’attente dans le froid qui commence à se faire sentir, mais pas d’affaires donc pas de vestes… La force de groupe elle n’en est pas altérée, l’humour comme arme, nous nous mettons à imaginer un grand feu, autour duquel on se réchauffe les mains sous le regard presque inquiet des soldats ! C’est peut être un détail mais c’est tous ces moments que je retiens.

Entre temps j’arrive à envoyer quelques sms à une amie manifestante du groupe afin de les tenir informés de l’évolution des choses. Des retours d’encouragements et de soutien, une bouffée d’oxygène !

On nous annonce qu’on va passer la nuit en prison, sur les 9 nous sommes 4 filles et 2 garçons à être transférés. Les 2 hommes étant déjà plus âgés et blessés, et la camarade fille blessée à le cheville et au poignet ne nous joindront pas mais bien évidemment resteront sous contrôle. Quoi qu’il en soit, ils étaient incarcérés avec nous par la pensée, on poursuivit la grève de la faim que nous avions entamée pour dénoncer notre arrestation arbitraire, jusqu’à notre libération.

A 1 h du matin, arrivée devant la prison de Jérusalem Ouest. Nous n’entrerons en cellule qu’à 3 h.

Durant ces 2 heures nous attendons dans une espèce de hangar dans l’entrée où des gens sont gardés enchainés aux mains et aux pieds, les mines affaiblies.

J’avais toujours mon keffieh autour du cou et un soldat me regarde en ricanant et me dit : « viva palestina ! », comme pour me dire regarde maintenant où tu te retrouves ! Je lui réponds « t’inquiètes pas qu’un jour elle sera libre, et on continuera à revenir crois moi ! » il ne m’écoute certainement pas mais impossible de baisser la tête à ce moment là. Ce même maton qui au moment de donner nos affaires, y compris lacets etc…, a pris un malin plaisir à menacer un camarade. En effet, il n’arrivait pas à retirer le cordon de son sweat à capuche, le maton s’approche alors de lui avec un couteau en l’agitant et en ricanant comme pour dire « attention tu ne sais pas ce que je vais faire avec ! » Nous savions bien qu’il allait juste couper le cordon, mais j’ai toujours l’image du visage de mon camarade où je sens un mélange de sentiment d’humiliation et en même temps de rage noblement contenue, la force de l’esprit prend le dessus. Je me sens moi-même brûler de l’intérieur face à cette scène mais vite rattrapée par la fierté devant l’intelligence de mon camarade.

A ce moment là, garçons et filles sommes séparés, nous nous retrouverons qu’à la sortie. Après avoir était fouillés à nouveau, nous entrons en cellule, sous les regards et les sourires des matons satisfaits de la chasse du jour, nous voyant comme un trophée. On nous appellera les « VIP sarfati » (les Français vip)

Toutes les 4 tombons d’épuisement, la lumière dans les yeux, jusqu’à ce qu’un bruit assourdissant nous réveille : 2 soldats entrent dans la cellule, crient, claquent leurs matraques contre les barreaux en fer des lits. N’ayant aucune notion du temps je crois qu’il est déjà 9 ou 10h du matin et pense naïvement qu’on nous cherche pour voir l’avocate, je me lève les esprits pas très clairs, mets mes chaussures, puis je les vois ressortir et plus rien. Je réalise qu’ils sont juste venus se faire plaisir, nous empêchant de nous reposer, la pression psychologique c’est leur kiff ! Ils réitèreront l’opération 3 ou 4 fois.

On nous apporte notre petit déjeuner, notre repas auquel nous ne touchons pas comme convenu. C’était aussi une manière de leur dire que l’on n’accepte rien d’eux. Que malgré les fois où ils semblent se préoccuper de notre état (plus pour se couvrir au passage) nous refusons de dépendre d’eux, nous savions que notre position d’internationaux jouait en notre faveur mais justement nous ne voulions rien de cela. Ça me rappelle au check point un soldat m’a dit « tiens prends de l’eau tu dois boire » et là je me suis posée la question : « est-ce que si j’avais été Palestinienne il aurait eu le même comportement à mon égard ?... » J’ai donc refusé.

En sortant en promenade, on passe un couloir où d’un coup il fait plus chaud, toujours naïvement je pense passer près des cuisines… en fait nous passons du côté des détenus israéliens… Sur le chemin du retour vers notre cellule, sous quelques « vive la France » et ricanements, nous passons devant une cellule où est détenu un enfant d’environ 13 ans. On le retrouvera dans le couloir plus tard avant notre sortie, il avait le regard fuyant, ne cessait de se tordre les doigts, et fermé à toute communication… nous ne saurons jamais combien de temps il resté prisonnier, ni dans quelles conditions…

Nous serons libérés lundi 27 décembre vers 16 h, quelle joie de retrouver à la sortie nos compagnons arrêtés qui ont quand même réussi à nous retrouver ! Camarades grâce à qui l’expérience a été clairement plus supportable, et que je remercie sincèrement, ainsi que nos compagnons manifestants pour leurs démarches et leur soutien. Je remercie aussi L’AIC (alternatif information center) grâce à qui nous avons bénéficié de l’aide d’un avocat, avec qui nous avons pu trouver une solution afin de rester sur le territoire. En effet, la police israélienne souhaitait bien évidemment nous voir déguerpir le plus vite possible, cependant nous devions faire nous même les démarches afin de rentrer en France : changer nos billets d’avion… en d’autres termes nous étions invités à payer pour dégager !

Nous étions quelque peu indignés et décidés à ne pas céder aux menaces. Si vraiment nous représentions un si grand danger pour Israël, ils nous auraient tout simplement mis dans un avion direction la France. Pourquoi nous ont-ils libérés ? Ils voulaient surtout nous faire peur en nous faisant croire que où que nous soyons, si nous restons sur le territoire, ils pourront nous suivre à la trace et contrôler tous nos déplacements, mais oh on n’a pas de puces électroniques intégrées quand même ! Et surtout ils n’allaient tout de même payer pour renvoyer les individus perturbateurs que nous sommes… ! Agir en leur sens serait revenu à leur donner le pouvoir qu’ils n’ont pas. Après l’avocate avait bien évidemment besoin de choses concrètes en mains afin de justifier notre présence. Nous faisons donc mine de bonne volonté en voulant changer nos billets d’avion, tout ça afin d’avoir un tampon de l’agence touristique affirmant que les dates ne sont pas modifiables. Les preuves remisent à l’avocat qui peut enfin envoyer tout ça à la police qui devra bien s’en contenter. Police qui harcelait de coup de téléphone l’avocat et l’AIC concernant notre départ. Voilà comment tout est à peu près rentré dans l’ordre.

A ce jour, je ne sais pas comment se passera mon prochain passage à l’aéroport, pour le retour je n’ai pas eu plus de problème que ça, mais pour rentrer à nouveau… ? On ne m’a rien dit clairement. Je n’ai rien sur mon passeport qui m’interdit de revenir mais ils ont toutes mes infos : n° de passeport, photo, empreintes digitales, sur blacklist forcément mais à quel niveau et quelle fréquence les check et les aéroports sont connectés, je l’ignore…ça sera la petite surprise à l’arrivée… Honnêtement, je pensais que j’allais être dépitée de ce qui m’arrivait, mais je gardais en tête que même en ayant vécue les choses de l’intérieur, je savais que mon traitement aurait été bien pire si j’avais été Palestinienne… Et rien que pour ça je m’interdisais de perdre le moral.

Nous avons été arrêtés selon leurs critères, leurs lois, celles d’un Etat criminel et raciste… qui au passage nous a accusés d’avoir jeté des pierres durant la manif, il n’en est rien mais bon, on n’attendait pas mieux de leur part, il fallait bien justifier leur répression. Selon ma loi, celle de la justice humaine, ma conscience était propre, je n’ai fait de mal à personne, j’ai juste exprimé mon soutien au peuple palestinien en m’opposant à l’oppresseur… et en cela je ne regrette en rien mon acte. Au contraire, quand un Palestinien me disait en me regardant dans les yeux : « merci d’être à nos côtés », c’est tout ce qui m’importait. La justice juridique et la justice humaine avec toutes les valeurs qu’elle comporte, sont 2 choses bien distinctes : ce qui est légal n’est pas pour autant légitime ! Tout ça montre bien que si le mouvement prend de l’ampleur il y a vraiment un impact. Si on peut au moins leur mettre des bâtons dans les roues en venant perturber leur politique, et bien c’est notre devoir de le faire en tant que citoyens du monde. Nous sommes aussi là pour pallier là où notre gouvernement démissionne, pire là où il soutient la politique d’apartheid d’Israël.

Donc n’oublions pas le BOYCOTT. Ils ont les armes, on a notre cœur et notre conscience. Ils pensent nous décourager mais il n’en est rien, ils ne font que renforcer notre révolte et notre soutien aux Palestiniens. Qu’ils se souviennent de ça : « on peut tuer un révolutionnaire mais pas la révolution… »

Skara peace (…)