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Trés intéressant témoignage

Retour de voyage en Palestine - 17-26 décembre 2005

Provenance : Enfants de la Palestine

mercredi 4 janvier 2006

a écrit :
Date : Mon, 2 Jan 2006 19:31:52 +0100 (CET)
Objet : Retour de voyage en Palestine - 17-26 décembre 2005
De : « Enfants de la Palestine »
À :

L’AJPF (association de jumelages entre les camps de réfugiés
palestiniens et les villes françaises), s’est rendue en Palestine et
dans les camps de réfugiés du 17 au 26 décembre 2005. Voici son regard
sur ce voyage en Palestine entre les préparatifs de Noël à Bethléhem et
des prochaines élections législatives palestiniennes de janvier...
Le check-point de Kalendia se modernise !
Les check-points, ce sont ces barrages militaires israéliens,
omniprésents, fixes ou mobiles qui sillonnent le territoire autonome
palestinien et contrôlent tous les accès.
Accessible, la Palestine ne l’est pas de suite...
C’est la première impression que donne cette terre : un territoire
minuscule (5700 km2 soit 130 km du nord au sud sur une cinquantaine de
kilomètres d est en ouest) presque dérisoire, enclavé, enfermé derrière
un mur, surveillé par plus de 600 check-points, soit 1 tous les 10
kilomètres qui entravent chaque déplacement. Le check-point de Kalendia
est le point de passage le plus fréquenté par les palestiniens car il
rejoint l’artère principale de Jérusalem à Ramallah et inversement. La
construction du mur qui serpente le long du territoire palestinien sans
continuité mais selon une logique d encerclement et d’isolement de zones
habitées et de villages vient, en cette fin d’année, de rejoindre sa
folle course à Kalendia ce qui entraîne une modernisation" de ce point
de contrôle : tunnels de barbelés, tours de surveillance, tourniquets
électriques filtrant les pa ssages un à un, le tout commandé à distance
par les soldats israéliens surarmés derrière des vitres opaques.
Et voilà ! Le soldat israélien n’a même plus de visage ; les palestiniens
ne croiseront plus son regard souvent juvénile quand ils exprimaient
toute leur humiliation de ces traversées. Même scène au check-point de
Bethléhem, rénové lui aussi pour soumettre les palestiniens à de tels
systèmes de contrôles que, de plus en plus de personnes, renoncent à se
déplacer. La société palestinienne est ainsi totalement déstabilisée
depuis les travailleurs qui ne peuvent plus rejoindre leur lieu de
travail jusqu’aux écoliers qui sont coupés de leurs écoles. L’objectif
de construire 670 km de mur percé de 63 portes blindées et surveillées
sera vite atteint à ce rythme

670 km d’un mur haut de 8 mètres serpentant une distance d’environ 130
km du nord au sud ! Oui, on se dit vraiment qu’il y a dans une telle
entreprise une imposture du gouverneme nt israélien à affirmer qu’il
s’agit seulement d un projet « sécuritaire ». Déjà plus de 200 km de béton
enferment les palestiniens et réduisent la terre de ce qui devait être
le pays Palestine. Si on ajoute les 148 colonies en Cisjordanie que le
mur a, pour beaucoup d’entres elles, miraculeusement incorporé (les
colons évacués de Gaza ne représentaient que 2% du nombre total des
colons qui, en Cisjordanie sont installés durablement !), sur le
terrain, tout témoigne du véritable dessein de Sharon : faire de la
Palestine une terre de bantoustans totalement aliénée au pouvoir
israélien.
En aucun cas, un pays autonome.
Jaber restaurateur jovial et dynamique, vit dans le camp de réfugiés de
Kalendia, juste après le check-point. Quand il témoigne, son air
s’embrume : " Pour aller à l’école, mon fils doit maintenant franchir le
check-point où faire des kilomètres de routes de « contournement ». Le
matin, je me dis qu’il va falloir traverser le check-point, attendre
longtemps, se rappeler l humiliation, voir le regard de mon fils dans
une Palestine occupée... Alors je renonce et j’abandonne. Et puis, je
regrette car je sais que résister, ce n est pas abandonner. Il faut
passer le check-point, continuer à aller à l école, montrer qu’on est
là, qu’on restera là...". Son témoignage renforce notre conviction
d’étendre la campagne pour le droit à l’éducation des enfants
palestiniens que notre association a lancé pour 2006 (campagne qui
prévoit la sortie et la vente d’un CD de chansons et d’une tournée de
concerts dont les bénéfices seront reversés à des projets pour le droit
à l éducation des enfants palestiniens des camps de réfugiés).
Derrière le mur, la vie !
Les rues de Ramallah et surtout celles de Bethléhem scintillent sous les
guirlandes lumineuses de Noël. Les rues sont animées et les palestiniens
chrétiens (ils sont nombreux dans le centre de Ramallah, à Bethléhem et
à B et Jallah, proche) se préparent à la fête. En vérité, tous les
palestiniens
chrétiens ou musulmans ont l’habitude de profiter de ce moment pour
sortir
le soir, se balader et savourer en famille ou entre amis l’ambiance
particulière. Cette année, à Bethléhem, on a même organisé un marché de
Noël très populaire. Le regard de Jaber pétille. Il n’est pas chrétien,
« pas très musulman » non plus mais là, dehors, en union avec la foule qui
suit le défilé palestinien de Noël, il résiste.
Derrière le mur, la vie !
A Ramallah, des centaines de personnes sont rassemblées dans le centre
culturel car un hommage est rendu à Bashir Nafee, général palestinien,
mort dans les attentats d’Amman en novembre dernier. Ils viennent tous à
la tribune témoigner du rôle de cet homme de 45 ans, proche d’Arafat qui
croyait à la voie politique pour rendre la Palestine libre et
indépendante. Fadwa, la femme de Marwan Bargouti, toujours emprisonné,
est présente, émue. De nombreuses femmes sont là aussi, citoyennes
palestiniennes investies dans l’engagement politique. Personne ne se
trompe de cible pour évoquer la mort prématurée de Bashir Nafee : la
communauté internationale dirigée par quelques puissances économiques
reste sourde aux appels des populations pour faire appliquer le droit et
la justice. Pas étonnant que face à des terrorismes d’Etats
colonialistes répondent des terrorismes d’organisations radicales qui
font écho à une manière identique et extrême de voir le monde. Au
milieu, il y a toutes ces femmes et tous ces hommes, qui continuent de
penser la résistance à force de convictions, de dialogue et de gestes de
tous les jours.
Derrière le mur, la vie !
Dans le camp de réfugiés de Dheisheh, près de Bethléhem, Ahmed Muhaisen,
co-président de l’association nous livre son analyse de la situation
politique actuelle. Quand on sait qu’aux dernières municipales, le Hamas
a obtenu la majorit é des sièges dans les villes de Jénine, Naplouse et
El Bireh (banlieue de Ramallah), on peut s’interroger sur la tendance
des prochaines élections législatives. Plus caractéristique encore, à El
Bireh et à Bethléhem, le mouvement islamique obtient de bons scores
alors que nombreux sont les votants de confession chrétienne ! Ahmed
pense qu’il y a une manipulation médiatique encouragée par l’Occident
pour donner plus d importance à la montée du Hamas qu’il n’en a, en
réalité. Pour lui, c’est l Occident qui fabrique le Hamas. Il précise
 :"70% des kamikazes lors des attentats de ces dernières années ne sont
pas issus du mouvement Hamas mais appartenaient à des mouvements laïcs
pour la plupart alors que l’Occident préfère les amalgamer au mouvement
islamique Hamas !". Concernant les municipales, il souligne qu’à El
Bireh, il y a eu près de 60% d’abstentions et dans la plupart des cas le
Hamas a obtenu une majorité relative puisqu’il a gagné en recueillant
environ 20% des votes. On ne peut pas dire qu’avec ça la Palestine est
politiquement devenue Hamas ou parler de « raz de marée Hamas » comme il
l’entend trop souvent dans les radios ou télévisions internationales !
Et tout cela dans un contexte créé suite au renforcement de l’occupation
israélienne et à la construction du mur, à l’abandon des Occidentaux vis
à vis des palestiniens et aux dissensions internes au sein du Fatah. Il
rajoute : « certains palestiniens votent Hamas parce qu’ils veulent
changer n’importe quand, n’importe comment, n’importe quoi ! La
stratégie de la négociation politique du Fatah a échoué. Une autre
alternative politique, c’est un autre espoir de vivre enfin libre mais
qu’on ne s’y trompe pas, les palestiniens ne votent pas Hamas par
idéologie. La preuve, je connais de nombreux des chrétiens de Bethléhem
qui l’ont fait ! ».
On sonne à la porte.
C’est Raed, le voisin d’en face qui amène Oum Ahmed qu i vend des
broderies faites par une association de femmes du camp. Elle raconte
qu’elle a été en prison, qu’un de ses fils y est mort et que le deuxième
y croupit encore depuis des années. Bref, une brodeuse résistante ! Elle
se retourne. Il y a une carte de la Palestine au mur. Elle nous montre
leur village, Zakaria. La plupart des réfugiés palestiniens de Dheisheh
sont de Zakaria. Soudain, Raed et elle commencent à évoquer Zakaria, les
oliviers et les figuiers de barbaries. Tous les deux, pris dans leurs
souvenirs, nous les voyons partir à Zakaria.
Derrière le mur, la vie !
Rencontre avec Jyad dans le camp de réfugiés d’El Amari.
Jyad vient de sortir de prison après 2 ans de détention. Il semble en
forme même s’il va devoir faire des examens médicaux approfondis pour
« vérifier ». En fait, il n’en est pas à sa première expérience car en
cumulant ces deux dernières années, cela fera 11 ans qu’il fréquente les
geôles israéliennes ! Jyad es t préoccupé par la situation politique
palestinienne mais, comme tous ici, davantage par les réactions de
« l’extérieur » que par les « mouvements » au sein du Fatah qui, dit-il sans
manquer d’humour à notre encontre, « sont naturels dans le cadre d’une
démocratie, non !? » Il ne comprend pas les réactions de la communauté
internationale qui s’effraie de la montée du mouvement Hamas alors
qu’elle n’a rien fait pour soutenir l’Autorité Palestinienne dans
l’exercice de ses fonctions. Pire, il ajoute « qu’elle a contribué à
saper toute tentative de construction d’un Etat palestinien par son
silence et son inertie face à un état israélien qui enfreint tous les
droits internationaux ». Pour Jyad, cela ne fait pas de doute, « ce sont
les USA et l’Europe qui votent Hamas car ils ont abandonné les
palestiniens ! ».
Il ne croit pas non à une véritable crise au sein du
Fatah et nous confirme que les responsables des deux listes Fatah sont
prêts à fusio nner pour n’en présenter qu’une, unie, aux prochaines
législatives du 25 janvier. S’il y a débat dans le Fatah, il n’est pas
idéologique mais lié à une perte de confiance des palestiniens dans
l’Autorité actuelle. Djamal, un réfugié de Kalendia qui était sur la
liste des jeunes gardes du Fatah baptisée « L Avenir » conduite par Marwan
Bargouti pense que les palestiniens sanctionnent le Fatah car ils ne
voient aucun changement dans le quotidien. L’occupation reste toujours
aussi présente, le mur raciste progresse, la situation économique se
dégrade, les méthodes d’arrestations se multiplient, les barrages
militaires se modernisent ! Jyad rajoute : « c’est l’occupation qui est
la première responsable de ces divisions et de la montée du Hamas ! ».
Ils conviennent, ces deux réfugiés, qu’au delà des débats et oppositions
indispensables à toute vie démocratique, les palestiniens sont
politiquement divisés en deux blocs idéologiques : ceux qui croient dans
la voie de la résistance politique et ceux qui croient à la résistance
armée. Tous les deux et avec eux la majorité des palestiniens, croient
encore, malgré tout, à la voie de la résistance politique...
On se hasarde à comprendre : « malgré tout ça, le mur, les barrages, la
prison, les colonies, la montée des mouvements radicaux, l’abandon de l
Europe, vous croyiez encore à la voie politique ? ». Leurs regards se
croisent, complices, sûrs d’eux : « mais c’est une EVIDENCE ! Regarde
autour de toi ! Où veux-tu que l’on aille ? Et où veux-tu qu’ils aillent
les israéliens ? Quoi qu’on veuille maintenant, on est là, ils sont là
et on va devoir vivre ensemble ! »
Derrière le mur, la vie !
AJPF
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http://www.enfantsdepalestine.org