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Que veut Israël ?

Source : Liberation.fr - Vendredi, 19 novembre 2009 - 23h25

jeudi 19 novembre 2009

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Que veut Israël ?

Bernard Kouchner, en tournée toute la journée de mercredi dans l’Etat hébreu, a tenté de comprendre en multipliant entretiens et tête-tête avec les responsables israéliens, au pouvoir comme dans l’opposition.

Le chef de la diplomatie française a successivement rencontré dans la même journée-marathon son homologue Avigdor Lieberman, le Premier ministre Benyamin Nétanyahou, le chef de l’Etat Shimon Pérès et le ministre de la Défense travailliste Ehud Barak, numéro 2 du gouvernement. Sans compter la chef du principal parti d’opposition Kadima, Tzipi Livni, ainsi que des personnalités de la société civile dont Colette Avital. Il a aussi décoré Yossi Beilin, négociateur des accords d’Oslo et dirigeant du petit parti pacificiste Meretz pour lui remettre la Légion d’honneur. Un vaste tour d’horizon destiné à prendre le poul du pouvoir et de la société israélienne et, surtout, une première depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement Nétanyahou, le plus à droite jamais élu en Israël. Depuis le printemps dernier, Kouchner, qui sy rendait plusieurs fois par an, et Sarkozy, qui y est venu trois fois en deux ans en « ami d’Israël », n’y ont plus mis les pieds. La guerre de Gaza et la montée en puissance de l’administration Obama expliquent aussi ce refroidissement...

Alors que le monde arabe, à commencer par les Palestiniens, désespèrent de l’impuissance américaine à relancer le processus de paix, dont Barack Obama a fait une « priorité », Paris tente de revenir dans le jeu israélo-palestinien. Mais le moins qu’on puisse dire, c’est qu’Israël n’a pas facilité la tâche à Bernard Kouchner en annonçant, la veille de son arrivée à Jérusalem, la mise en chantier de 900 nouveaux logements dans le quartier de colonisation de Gilo, à Jérusalem. Le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas n’a pas manqué, mardi soir lors de son entrevue avec Kouchner à Amman, en Jordanie, de brandir cette annonce comme la preuve de l’absence de volonté réelle d’Israël d’avancer vers la paix. Le président palestinien, déprimé et aux abois, a déjà menacé de ne pas se représenter aux élections et de déclarer l’Etat palestinien unilatéralement. Ses proches confient qu’il pourrait même démissionner et prononcer la dissolution de l’Autorité palestinienne pour mettre la communauté internationale face à ses responsabilités. Kouchner s’est attaché à le rassurer et lui a redit le soutien de la France, déjà exprimé à deux reprises par Nicolas Sarkozy au téléphone.

Arrivé à Jérusalem, le ministre français s’est empressé de transmettre ses inquiétudes aux dirigeants israéliens en leur expliquant qu’ils devaient « faire un geste et donner un signal » pour sauvegarder un partenaire indispensable en vue de la paix. Le ministre français a aussi répété que la France s’opposait à la colonisation, qualifiant la décision sur Gilo de « regrettable » et de « désagréable ». « Ce n’est pas une bonne nouvelle », a-t-il déclaré juste avant sa rencontre avec Nétanyahou, qui lui a expliqué que cette décision avait été prise par la municipalité de Jérusalem et non le gouvernement. Mais le ministre français n’a pas voulu trop mettre l’accent sur la question de la colonisation, qui fait l’objet d’un bras de fer entre Israël et l’administration Obama depuis six mois. Obama, qui a condamné hier l’annonce des 900 logements de Gilo, demande en vain à Nétanyahou de geler toute colonisation. Depuis peu, Washington a infléchi sa position, au grand dam des Palestiniens et de Mahmoud Abbas, qui ne décolère pas.

Pour éviter le même écueil que Washington, Paris se concentre sur l’objectif d’une reprise immédiate des pourparlers politiques directs. Mais Palestiniens comme Israéliens demandent des assurances : les premiers ne veulent plus négocier sans avoir l’assurance d’un Etat à la fin du processus ; les seconds ne veulent pas qu’un retrait, comme celui de Gaza en 2005, qui se solderait pas une prise de pouvoir du Hamas et des tirs de roquettes depuis la Cisjordanie. « Paradoxalement, souligne un diplomate, jamais les contours d’un accord n’ont aussi clairement identifiés, notamment depuis le travail effectué à la suite du processus lancé à Annapolis. Mais jamais la confiance dans l’autre partie n’a été aussi faible. »

Que peut la France ? « Apporter sa contribution en se montrant disponible, explique l’entourage du ministre français. Nous parlons avec les deux parties, elles ont confiance en nous. Nous pouvons jouer un rôle, en appui des Américains bien sûr. » Pas de quoi s’enthousiasmer mais l’intense activité diplomatique de ces derniers jours, notamment à Paris, donne lieu à de nombreuses spéculations. Ainsi, Yossi Beilin croyait savoir hier que Nétanyahou allait bientôt annoncer un moratoire de dix mois sur la colonisation, excluant Jérusalem-Est et les projets déjà lancés. Faute d’annonce concrète, Kouchner s’est montré à la fin de sa tournée « plus optimiste » qu’à son arrivée : « Il y a un mouvement profond de la droite israélienne qui refusait jusqu’à présent l’existence d’un Etat palestinien. »

Concernant le dossier syro-israélien, la France s’est dite aussi disponible pour apporter sa contribution. « Comme sur le dossier palestinien, le gouvernement Nétanyahou en est pour l’instant au stade de la réflexion, résume une source diplomatique française. C’est un progrès par rapport aux débuts du gouvernement Nétanyahou. »

L’atmosphère entre Paris et Tel Aviv, mise à mal par les déclarations de Sarkozy sur Lieberman –qu’il aurait comparé à Le Pen – et par Kouchner plus récemment qui déplorait la disparition du « camp de la paix » en Israël, se sont atténuées. Le rapport Goldstone reste un sujet de discorde important – Paris demande à Israël de mettre en place une commission d’enquête nationale indépendante sur la guerre de Gaza de janvier dernier – mais il pèse peu face à la menace iranienne, sur laquelle les deux pays ont des vues très proches. « Les Israéliens apprécient la fermeté de la position française », se félicite un diplomate français. Kouchner n’a, en effet, pas mâché ses mots, pour commenter la déclaration de son homologue iranien, Manoucher Mottaki, rejetant la proposition d’enrichissement franco-russe de l’uranium iranien à des fins civiles. « Là, il y a une réponse claire et négative [des Iraniens], a expliqué Kouchner, c’est dommage car cela ajoute une tension supplémentaire à une région qui n’en avait pas besoin. »