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Source: Ha’aretz (original en anglais dans la 2è partie de l’article)

Un monument à la mémoire du temps perdu et des espoirs évanouis

par Meron Benvenisti

Friday 31 October 2008

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Shimon Peres, comme toujours, a fait les choses avec style. Les cérémonies du 10 ième anniversaire du Centre Peres pour la Paix ont été un évènement scintillant, rempli de célébrités internationales et d’artistes célèbres, et bien sûr donnait une place de choix au poème écrit par le principal invité, qui commençait par ces mots « Oh, Seigneur, il est l’heure de prier »

Le point culminant des festivités a été l’inauguration de la Maison Peres pour la Paix à Jaffa, un magnifique bâtiment constitué de gigantesques blocs verts, qui a coûté 15 millions de dollars US, soit trois fois le budget initial. Le bâtiment est sans fenêtres et totalement air conditionné et séparé de son environnement, qui abrite une population Arabe pauvre. Il fait face à la me, comme si les constructeurs avaient voulu suggérer que les chances de la paix sont à l’ouest, au-delà des mers, et non à l’est, où habitent des voisins ennemis.

La magnificence et l’élégance ne peuvent malheureusement pas cacher le sentiment d’occasions manquées. Les évènements qui ont accompagné la création du Centre Peres pour la Paix en 1997 reflétaient puissamment la culture politique qui favorisait la paix; qui était diffusée avec la confiance dans la possibilité de parvenir à la paix; et qui défiait l’approche de Benjamin Netanyahu, qui avait battu Peres et faisait tout son possible pour torpiller les Accords d’Oslo. Les festivités d’aujourd’hui ne peuvent masquer le fait qu’il ne reste qu’un maigre vestige du camp de la paix, que l’activité orientée vers la paix fonctionne grâce à la force d’inertie, et que ceux qui y sont impliqués sont obligés de trouver des excuses pour leur activité, ce qui suggère qu’ils ont fait de la paix un outil pour parvenir à leurs propres fins personnelles.

Ce n’est qu’avec le recul que nous somme en mesure de constater les dégâts irréparables provoqués par les Accords d’Oslo, qui ont inspiré à Peres l’idée de créer ce Centre. Ces accords, au lieu de conduire à un changement dans le statu quo, sont devenus le pilier d’un régime binational de facto (appelé le régime d’occupation) qui est devenu institutionnalisé en tant que régime permanent. Les Accords d’Oslo sont l’infrastructure légale de la division de la Cisjordanie en cantons, qui permettent un contrôle sioniste direct sur 60% du territoire (Zone C), de même qu’un infrastructure pour l’existence d’un Autorité Palestinienne virtuelle. La pléthore de titres portés par ses dirigeants et les uniformes officiels de ses soldats permet de maintenir l’illusion mensongère de la nature temporaire que régime de contrôle sioniste, et ainsi de le perpétuer.

Il n’y a dans l’activité du Centre Peres pour la Paix aucun effort qui se fasse jour pour modifier le statu quo politique et socio-économique dans les territoires occupés, tout au contraire. Des efforts sont déployés pour entraîner la population Palestinienne à accepter sa place inférieure et pour la préparer à survivre sous les contraintes arbitraires que lui impose le régime sioniste afin de garantir la supériorité ethnique des Juifs. Avec de forts relents de colonialisme bienveillant, le Centre présente un cultivateur d’olives qui découvre les avantages du marketing coopératif, un pédiatre qui reçoit une formation professionnelle dans les hôpitaux de la zone sioniste; et un importateur Palestinien qui apprend les secrets du transport de marchandises en passant par les ports de la zone sioniste, célèbres pour leur efficacité, et bien sûr des compétition de football et des orchestres mixtes avec des sionistes et des Palestiniens, ce qui constitue une peinture de coexistence totalement mensongère.

Il n’y a aucune chance que les militants et les administrateurs du Centre pour la Paix participent jamais à la lutte quotidienne des cueilleurs d’olive Palestiniens; aux efforts décourageants qu’il faut déployer pour transporter des malades dans un état critique à travers les checkpoints, ni à briser le siège économique et le blocus maritime de Gaza. Le Centre Peres pour la Paix ne publie pas de rapports sur la situation économique catastrophique des Palestiniens et n’évoque pas la responsabilité du régime sioniste dans cette situation; après tout, ce n’est pas un club d’anarchistes haïssant le sionisme mais un lieu de rencontre de personnes respectables, qui contribuent à la paix principalement en finançant généreusement des manifestation scintillantes et en y participant.

Il a toujours été soutenu que la principale contribution, peut-être révolutionnaire, des Accords d’Oslo ne devait pas être cherchée dans la « déclaration de principes », mais dans la reconnaissance mutuelle entre le mouvement national Palestinien et le régime sioniste. Mais cette reconnaissance mutuelle, qui faisait passer les Palestinien du stade d’entité terroriste à celui d’entité légitime aux yeux des sionistes, a été effacée au lendemain des attaques suicides et de la violence de l’Intifada Al Aqsa, après quoi on en est revenu au point de vue généralement accepté avant Oslo.

Maintenant, les Juifs donnent aux Arabes une notification de divorce, et leurs tournent le dos, et les emprisonnent derrière des murs bouclés et des checkpoints, restant volontairement entre eux et priant que la Méditerranée s’assèche ou qu’un pont soit construit qui les relie directement à l’Europe.

Cette mentalité a créé deux structures monumentales au cours de la dernière décennie, dont la signification symbolique dépasse leur valeur fonctionnelle : le Mur d’Annexion et le nouveau terminal de l’aéroport Ben Gourion. La première est conçue pour cacher les Palestiniens et les effacer de notre conscience, la seconde sert de sas d’évacuation et de base pour un pont aérien en direction de l’ouest.

Le troisième monument qui a été construit au cours de cette décennie, la Maison Peres pour la Paix à Jaffa, les rejoint en qualité de mémorial d’un temps et d’espoirs qui ont été perdus, et dont tout ce qu’il reste est la prière de Peres : « Alors envoyez-nous un rayon de lumière pour nous montrer une voie nouvelle. »

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et voici l’original en anglais

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Thu., October 30, 2008 Cheshvan 1, 5769

A monument to a lost time and lost hopes

By Meron Benvenisti

Shimon Peres did it in style, as usual. The marking of the 10th anniversary of the Peres Center for Peace was a glittering event, full of international celebrities and famous artists, and of course included the poem written by the principal guest, beginning, “Oh, My Lord, it is time to pray.”

The high point of the festivities was the dedication of the Peres Peace House in Jaffa, a magnificent building of huge green blocks, which cost $15 million, three times the original estimate. The building is windowless and air-conditioned throughout and blocked off from its surroundings, which are home to a poor Arab population. Its faces the sea, as though its builders were hinting that the chance for peace lies in the West, beyond the sea, and not in the East, where neighbor enemies dwell.

The magnificence and elegance cannot, unfortunately, blur the sense of missed opportunity. The events surrounding the establishment of the Peres Center for Peace in October 1997 powerfully demonstrated the political culture that favored peace; that was suffused with confidence in the possibility of achieving peace; and defied the approach of Benjamin Netanyahu, who defeated Peres and did everything possible to torpedo the Oslo Accords. The festivities today cannot hide the fact that the only a meager vestige of the peace camp remains, the peace industry functions by the power of inertia and those involved in it must invent excuses for their activity, and that suggests they are turning peace into a tool for achieving their own personal ends.

Only in hindsight are we able to see the fatal damage done by the Oslo Accords, which inspired Peres to establish the center: The accords, instead of bringing about a change in the status quo, have become the pillar of a de facto binational regime (called “the occupation”), which has become institutionalized as a permanent regime. The Oslo Accords are the legal infrastructure for the division of the West Bank into cantons, which allow for direct Israeli control over 60 percent of the territory (Area C), as well as a constitutional infrastructure for the existence of a virtual Palestinian Authority. The plethora of titles assumed by its leaders and the official uniforms of its soldiers make it possible to maintain the false illusion of the temporary nature of the regime of Israeli control, and thus to perpetuate it.

In the activity of the Peres Center for Peace there is no evident effort being made to change the political and socioeconomic status quo in the occupied territories, but just the opposite: Efforts are being made to train the Palestinian population to accept its inferiority and prepare it to survive under the arbitrary constraints imposed by Israel, to guarantee the ethnic superiority of the Jews. With patronizing colonialism, the center presents an olive grower who is discovering the advantages of cooperative marketing; a pediatrician who is receiving professional training in Israeli hospitals; and a Palestinian importer who is learning the secrets of transporting merchandise via Israeli ports, which are famous for their efficiency; and of course soccer competitions and joint orchestras of Israelis and Palestinians, which paint a false picture of coexistence.

There is no chance that the activists and administrators of the peace center will participate in the daily struggle of the Palestinian olive pickers; in the frustrating efforts to transport critically ill people via the checkpoints; or to breach the economic siege and sea blockade of Gaza. The Peres Center for Peace does not publish reports about the catastrophic economic situation of the Palestinians and does not warn about Israel’s responsibility for this situation; after all, it is not a club of Israel-hating anarchists but one of respectable people, who mostly contribute to peace in the generous funding of glittering events and participation in them.

It has always been maintained that the principal, and perhaps revolutionary contribution, of the Oslo Accords did not lie in the “declaration of principles,” but in the mutual recognition between the Palestinian national movement and the State of Israel. But this mutual recognition, which turned the Palestinians from a terrorist entity into a legitimate entity in the eyes of the Israelis, was erased in the wake of the suicide attacks and the violence of the Al-Aqsa intifada, after which the pre-Oslo viewpoint returned.

Now the Jews are giving the Arabs a bill of divorce, turning their backs on them, imprisoning them behind sealed walls and checkpoints, willingly keeping to themselves and praying that the Mediterranean will dry up or that a bridge will be built that will connect them directly to Europe.

This mentality has created two monumental structures in the past decade, whose symbolic significance is greater than their functional value: the separation fence and the new Ben-Gurion International Airport terminal. The former is designed to hide the Palestinians and erase them from our consciousness, and the latter serves as an escape hatch and the basis for an aerial bridge to the West.

The third monument that was built in this decade, the Peres Peace House in Jaffa, joins them as a memorial to a time and hopes that have been lost, and the only thing that remains is to join in Peres’ prayer: “Then send a Ray of Hope for a new way.”