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HÉBRON ENVOYÉ SPÉCIAL

Le harcèlement des colons israéliens plonge les Palestiniens du centre d’Hébron dans la pauvreté

LE MONDE | 21.10.08 | 15h25 -

mercredi 22 octobre 2008

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Assad Nour Munshar se fait un point d’honneur de venir tous les jours dans sa boutique de la vieille rue Shalaleh. Il y a bien longtemps qu’il ne vend pratiquement plus rien. Sa quincaillerie est totalement dévastée, poussiéreuse. Les murs suintent l’humidité et le plafond est pourri. Son vrai travail consiste à surveiller les colons israéliens installés juste de l’autre côté de ses portes métalliques afin que son magasin ne soit pas totalement ruiné puis occupé par ces voisins, de plus en plus agressifs.

Cet homme de 68 ans a perdu une grande partie de ses produits à la suite d’une inondation provoquée par les colons. D’autres ont été volés après qu’une porte a été fracturée. Depuis quelques mois, c’est avec de l’acide que des trous sont pratiqués dans les portes métalliques. La boutique empeste l’urine déversée par les colons dont les habitations surplombent cette rue commerçante, autrefois poumon de la ville d’Hébron. Les grillages métalliques installés au-dessus de la rue sont remplis de détritus de toute nature que les colons jettent de leurs fenêtres. Des rouleaux de fil de fer barbelés séparent les deux mondes. Le secteur est dominé par un mirador.

PORTES SOUDÉES

Derrière la boutique d’Assad Nour Munshar, la ruelle qui était celle des bijoutiers est vide. Elle est devenue un dépotoir. Les portes métalliques des magasins ont été soudées par l’armée. Pas question de céder face à « l’occupant », proteste le quincaillier. « Je préfère être égorgé sur place. » Auparavant, il avait six employés et, aujourd’hui, il gagne 100 shekels par mois (20 euros). Il survit grâce à l’aide alimentaire que lui donne chaque mois le Comité International de la Croix-Rouge (CICR).
Il fait partie des 8 643 personnes auxquelles sont distribués des colis de nourriture dans cette ville qui fut, par le passé, le principal centre commercial du sud de la Palestine. Toutes habitent dans le secteur H2 (31 000 Palestiniens) qui, du fait de la présence de colons, a été placé sous le contrôle de l’armée israélienne (alors que la majorité de la ville, H1, est contrôlée par l’Autorité palestinienne). Les colons souhaitent faire main basse sur la totalité de cette zone, considérant qu’elle leur revient pour des raisons religieuses et historiques.

Pour le moment, ils ne sont qu’environ six cents mais leur présence rend la vie impossible à leurs voisins arabes, en dépit de la présence d’observateurs civils internationaux. Depuis le début de la deuxième Intifada en septembre 2000, la situation dans la zone H2 s’est considérablement dégradée. Couvre-feu, restrictions de circulation, fermetures des commerces ont transformé le coeur d’Hébron en une ville fantôme, selon le titre d’une étude de l’organisation de défense des droits de l’homme B’Tselem qui, en mai 2007, a établi que 58 % des appartements sont inhabités en raison des difficultés à vivre dans un état de siège permanent, et que 77 % des commerces (1 829 au total) ont été fermés sur ordre de l’armée.

Après huit années pendant lesquelles la situation n’a cessé de se dégrader, le constat est aujourd’hui alarmant pour le CICR. A la suite d’une enquête réalisée en juin auprès de 1 038 familles dans la zone H2, soit 6 000 à 7 000 personnes, il ressort que 86,7 % d’entre elles vivent au-dessous du seuil de pauvreté (388 shekels, soit près de 78 euros par mois par personne, selon les critères de la Banque mondiale), et 71,1 % sous le seuil d’extrême pauvreté (60 euros par mois). Seulement 14 % des personnes interrogées ont un travail et 73 % sont employées au jour le jour. 23 % des hommes n’avaient pas pu travailler au cours des trois derniers mois.

Christoph Harnisch, responsable du CICR dans les territoires occupés, est inquiet. « Il y a un lien direct entre le blocus de H2 et le sévère niveau de pauvreté. » Désormais, dans les rues d’Hébron, on peut voir des porteurs de récipients en plastique contenant la soupe populaire. D’autres organisations caritatives, même si certaines liées au Hamas ont été interdites, tentent de subvenir aux besoins élémentaires de la population. Le CICR a calculé que sans ses approvisionnements en produits de base, le seuil de pauvreté augmenterait de 14 %.

Michel Bôle-Richard
Article paru dans l’édition du 22.10.08