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Association France Palestine Solidarité (AFPS)

Lettre ouverte au Premier ministre Jean-Pierre Raffarin

mercredi 16 mars 2005

Monsieur le Premier ministre,

A l’occasion de votre visite officielle en Israël et tandis que vous annoncez la visite d’Ariel Sharon en France, l’AFPS tient à vous faire part de sa vive inquiétude vis-à-vis de la politique française à l’égard des autorités israéliennes.

Tout d’abord, nous tenons à réaffirmer que la lutte indispensable contre tous les racismes, et singulièrement contre l’antisémitisme, lutte que la France fait sienne, est un combat national. Il concerne les institutions et la société françaises. Prétendre l’inverse, comme s’il s’agissait de donner à un autre Etat des garanties à ce sujet est à la fois erroné et dangereux. Dangereux vis-à-vis de notre société d’abord, en promouvant une confusion inacceptable entre citoyens français de confession juive et citoyens israéliens, ou entre citoyens français de tout autre confession et citoyens de tout autre Etat. Ce serait là une insulte à la citoyenneté dans notre pays.

Une telle confusion nourrit de plus toutes les dérives que nous ne cessons pour notre part de combattre, en particulier en rappelant que l’occupation coloniale de la Palestine par Israël est un conflit politique et non religieux ou ethnique. Prétendre l’inverse, donc, est dangereux aussi pour les sociétés palestinienne et israélienne : Il ne saurait être question en effet d’exonérer la politique raciste menée par les Autorités israéliennes contre la population palestinienne, ni à cet égard les discriminations à l’égard de la population arabe d’Israël et dont les dernières dispositions législatives concernant le mariage mixte au nom de la « majorité démographique » sont parmi les derniers avatars.

Mais nous nous inquiétons aussi des bons points que vous attribuez, Monsieur le Premier ministre, à l’actuel gouvernement israélien, à l’issue de son annonce du retrait des colonies de la bande de Gaza totalement ravagée et de quelques colonies dites « illégales » de Cisjordanie, alors que toutes les colonies sont illégales.

Car, au moment où il annonce son intention de retrait -partiel- de la bande de Gaza, le gouvernement israélien annonce aussi la construction de 6000 logements de colons supplémentaires en Cisjordanie. Il a annoncé son intention de construire un nouveau mur autour de Jérusalem, englobant la colonie de Ma’ale Adumim. Le ministre Ehud Olmert insiste : « quelqu’un a-t-il le moindre doute sur le fait que Ma’ale Adumim fait partie intégrante d’Israël ? ». L’ancien Premier ministre Ehud Barak, dans un entretien paru fin janvier dans un quotidien français (Libération) enfonce le clou : ce mur devrait permettre à Israël d’intégrer entre 60% et 80% des colons. Soit l’annexion de tous les grands blocs de colonies.

Il s’agit d’une violation officielle du Droit international, des engagements de la « feuille de route » et des recommandations de la Cour Internationale de Justice du 9 juillet 2004.

La France serait-elle aveugle pour refuser de le voir ?

Faut-il rappeler, Monsieur le Premier ministre, que l’Assemblée Générale des Nations unies a adopté le 20 juillet dernier les recommandations de la Cour Internationale de Justice, par un vote majoritaire auquel se sont joints les 25 Etats membres de l’Union Européenne, dont la France ? En approuvant ces recommandations, la France a approuvé non seulement l’illégalité de ce mur, mais aussi la responsabilité de l’ensemble des Etats de la communauté internationale, lesquels doivent s’engager à son démantèlement.

Est-ce par le dialogue, de nouveaux accords économiques et la poursuite de la coopération militaire avec Israël que la France entend s’y employer ?

Monsieur le Premier ministre, la France s’est félicitée de l’élection, en Palestine occupée, du nouveau Président de l’Autorité nationale palestinienne, Mahmoud Abbas. Elle s’est félicitée de son engagement à la fois à la démilitarisation de l’Intifada et en faveur de négociations avec Israël fondées sur le droit international, tout le droit international. Le gouvernement français imagine t-il que le Président palestinien peut gagner ce pari dans le seul tête à tête avec Israël, puissance occupante, sans intervention de la communauté internationale, sans pression sur l’Etat d’Israël pour lui faire respecter le droit international ?

Par deux fois déjà le Parlement européen a demandé la suspension de l’accord d’association avec Israël tant que cet Etat ne respectera pas le droit humanitaire, le Droit international et ses obligations internationales. Négligeant cet appel du Parlement démocratiquement élu par les citoyens d’Europe, la France en refuse la perspective. Pire, avec ses partenaires de l’Union européenne, elle a conclu un nouvel accord avec Israël portant sur le projet Galileo et s’engage avec Israël dans la politique européenne de voisinage. La France plaide pour le dialogue ; celui-ci a t-il une seule fois fait ses preuves ? La France ne souhaite pas lutter contre l’impunité d’Israël en sanctionnant la société : le message est amer non seulement pour le peuple palestinien, mais aussi pour tous les citoyens israéliens, tels ces refuzniks courageux, qui luttent contre l’occupation au péril de leur propre liberté.

La France est à l’origine de la résolution 1559 qui prône un retrait immédiat des forces syriennes hors du Liban. Tandis qu’Israël occupe toujours les terrioires palestiniens de Cisjordanie, dont Jerusalem, de la bande de Gaza, et le Golan syrien, y aurait-il deux poids deux mesures dans cette région du monde ?

Décidément non, Monsieur le Premier ministre, nous avons une plus haute idée de la démocratie, du Droit international et de la paix. Nous vous demandons d’exiger avec la même fermeté du gouvernement israélien l’arrêt de la colonisation, le démantèlement du mur, l’affirmation d’une véritable perspective de paix fondée sur le droit international avec un calendrier précis pour y parvenir. Faute de quoi, au difficile pari du président palestinien succèderait, avec la poursuite de l’occupation, un cycle de « violence », dont nul ne pourrait prédire l’issue, sinon qu’elle serait une tragédie pour les deux sociétés, israélienne et palestinienne, et pour tout espoir de paix

Paris, le 15 mars 2005

Association France Palestine Solidarité