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Les populations juives peuvent aider à empêcher les effets catastrophiques du comportement d’Israël, mais seulement en adoptant une attitude d’opposition envers ce comportement

Révolte des juifs canadiens contre Israël

La prise de conscience gagne du terrain ; enfin... !

vendredi 2 mars 2007

Une révolte de la base, en cours au sein des communautés juives partout dans le monde, a jeté la panique parmi les organisations de l’élite qui ont longtemps servi de porte-parole officiel de ces communautés.

La dernière manifestation de cette panique a été la publication récente par le Comité juif états-unien (American Jewish Committee) d’un essai d’Alvin H. Rosenfeld, intitulé « Progressive Jewish Thought and the New Anti-Semitism » (La pensée progressiste juive et le nouvel antisémitisme), qui accuse les juifs progressistes d’encourager une nouvelle vague d’antisémitisme en critiquant publiquement Israël.

C’est la plus récente tentative de confondre l’antisémitisme et l’antisionisme dans le but de faire taire ou de dénigrer toute critique contre Israël. Cette méthode est amplement utilisée au Canada. En devenant directeur du Congrès juif canadien, Bernie Farber a déclaré que l’un de ses buts était d’« éduquer les Canadiens sur les liens qui existent entre l’antisémitisme et l’antisionisme. »

Les groupes tels que le Congrès juif canadien mentent lorsqu’ils affirment que la communauté juive est unie quand il s’agit d’appuyer Israël. Un nombre grandissant de Juifs partout dans le monde se joignent aux nombreuses voix qui s’élèvent contre la détérioration des conditions des Palestiniens qui vivent dans les territoires occupés et contre le statut social et les conditions économiques inférieures de la population palestinienne d’Israël.

Bref, alors que l’appui dépourvu de sens critique à Israël devient chaque jour moins acceptable en raison du désastre grandissant que constituent les violations des droits de la personne en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, les leaders des communautés juives ont organisé une levée de boucliers, augmenté leur rhétorique en faveur d’Israël et démonisé les personnes qui critiquent Israël. Ces leaders laissent sous-entendre que les préoccupations au sujet des politiques d’Israël ne sont pas dues aux actes réalisés par cet État mais bien à une exacerbation de l’antisémitisme.

Malgré ces tentatives de dégager Israël de toute responsabilité en ce qui concerne le traitement qu’il inflige aux Palestiniens, l’opposition juive grandit et commence à s’organiser. Le 5 février dernier, un groupe britannique, qui s’est donné le nom de « Jewish Independent Voices » (Voix juives indépendantes) a publié une lettre ouverte dans le journal The Guardian, dans lequel il prend ses distances à l’égard de « ceux qui affirment parler au nom des Juifs d’Angleterre et d’autres pays (et qui) appuient sans relâche les politiques d’une puissance occupante plutôt que les droits de la personne d’un peuple dont les territoires sont occupés ». Parmi les signataires de la lettre se trouvent le dramaturge Harold Pinter, lauréat du prix Nobel, le cinéaste Mike Leigh, l’écrivain John Berger et plusieurs autres artistes et intellectuels.

Ces faits surviennent peu après la naissance de groupes semblables en Suède (Juifs pour la paix israélo-palestinienne), en France (Union juive française pour la paix, Rencontre progressiste juive), en Italie (Ebrei contro l’occupazione) (Juifs contre l’occupation), en Allemagne (Jüdische Stimme für gerechten Frieden in Nahost), en Belgique (Union des progressistes juifs de Belgique), aux États-Unis (Jewish Voice for Peace, Brit Tzedek, Tikkun, the Bronfman-Soros initiative), en Afrique du Sud, entre autres, y compris le groupe de coordination « Juifs européens pour une paix juste » (European Jews for a Just Peace) et les nombreux groupes qui sont nés en Israël même.

Au Canada, l’Alliance de Canadiens/iennes juifs/juives concernés/ées (ACJC) a été fondée en tant que groupe de coordination et réunit des personnes et des groupes juifs de tout le Canada qui s’opposent à la prolongation de la domination d’Israël sur la Cisjordanie et la bande de Gaza.

D’une part, les critiques formulées contre Israël ne sont pas antisémites, d’autre part, elles ne se convertissent pas en antisémitisme, ce qui voudrait dire la même chose. Certains véritables antisémites utilisent les actes d’Israël pour dire du mal du peuple juif dans son ensemble, mais il est faux d’affirmer que toute personne qui critique Israël est antisémite parce que les antisémites attaquent Israël. Certains antisémites appuient Israël parce que ce sont des fondamentalistes chrétiens qui considèrent que le retour des Juifs à Jérusalem est une condition préalable au retour du Christ et à la conversion des Juifs au christianisme, ou parce qu’ils sont xénophobes et veulent se débarrasser des Juifs de leur entourage. Les antisémites peuvent appuyer ou s’opposer à Israël.

Il est faux d’accuser tous les Juifs des méfaits perpétrés par Israël, mais les dirigeants d’Israël et les membres de la Diaspora qui les appuient ne cessent d’encourager ce point de vue en insistant sur l’idée qu’Israël agit au nom de l’ensemble du peuple juif. Cela porte la faute des crimes d’Israël sur le dos de tous les Juifs. Mais les Juifs qui critiquent Israël montrent par leurs paroles et par leurs actions que l’appui de la communauté juive envers Israël n’est pas monolithique.

Les défenseurs d’Israël affirment souvent qu’Israël est obligé d’agir ainsi, c’est-à-dire de détruire des maisons de la population, d’écraser celle-ci sous sa botte, de la confiner dans des ghettos entourés de murs, de la brutaliser chaque jour en organisant des incursions militaires et en plaçant au hasard des points de contrôle, afin de protéger ses citoyens/ennes de la violence palestinienne. Or, la violence des Palestiniens est causée par le vol de leur territoire, le détournement de l’eau, la violence de l’occupation et le fait de priver de dignité leur existence elle-même en les considérant comme une « menace démographique ».

Pour justifier la prolongation de l’occupation et du vol de territoires palestiniens par Israël, l’État et ses défenseurs essaient de nier la souffrance des Palestiniens en affirmant que le ressentiment des Palestiniens n’est pas dû à la violence israélienne mais à l’Islam, c’est-à-dire à la prétendue « mentalité arabe », ou à l’antisémitisme mystique inhérent à la culture arabe ou musulmane. Par conséquent, la défense d’Israël dépend de la propagation active de l’islamophobie. Faut-il s’étonner que la haine ainsi engendrée accentue les sentiments anti-juifs parmi les populations arabes et musulmanes ? Aucune de ces attitudes ne constitue une recette sûre pour assurer la sécurité des Juifs.

Les populations juives peuvent aider à empêcher les effets catastrophiques du comportement d’Israël, mais seulement en adoptant une attitude d’opposition envers ce comportement.

Auteurs : Jason Kunin, Andy Lehrer (Toronto), Sid Shniad (Vancouver) et Abraham Weizfeld (Montréal), délégués du Comité d’administration de l’Alliance de Canadiens/iennes juifs/juives concernés/ées.

26 février 2007