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Une armée de « matons » pour la plus grande prison du monde ; quelle déchéance ! (ndlr)

La ’main invisible’ d’Israël à Gaza

Alan Johnston, BBC

jeudi 18 janvier 2007

Bien qu’Israël se soit retiré de Gaza il y a plus d’un an, le contrôle qu’il exerce sur la vie des Palestiniens qui y vivent est d’une certaine manière plus strict encore qu’avant, d’après un nouveau rapport présenté par une organisation israélienne de défense des droits humains.

Dans les jours qui ont suivi le retrait des troupes et des colons israéliens de ce territoire, le dirigeant israélien d’alors, Ariel Sharon, s’est adressé aux Nations Unies.

Il y a déclaré "la fin du contrôle et de la responsabilité israéliens sur la Bande de Gaza".

Cependant une étude faite par Gisha [1] remet en question cette affirmation. L’organisation dit que son objectif est de "protéger les droits fondamentaux des Palestiniens qui vivent dans les Territoires occupés en imposant la législation sur les droits humains comme manière de mettre des limites aux comportements des militaires israéliens ».

"Israël continue à contrôler Gaza d’une ’main invisible’", déclare l’ organisation dans un rapport détaillé de 100 pages.

"Contrairement à ce qu’affirment les discours utilisés pour décrire le plan de désengagement, Israël n’a pas relâché son contrôle sur Gaza, mais a plutôt enlevé certains aspects de ce contrôle tout en en resserrant les aspects les plus significatifs."

Gisha affirme que cela signifie qu’Israël continue à être tenu à toutes les obligations légales concernant le bien-être de la population du territoire, qui ne sont pas assumées.

Ainsi : "Les habitants de Gaza savent bien que des aspects importants de leur vie - la possibilité d’entrer ou de sortir de Gaza, l’approvisionnement en médicaments, combustible et tous les autres produits de première nécessité, la possibilité de transporter les récoltes vers les marchés d’exportation, la capacité d’utiliser l’électricité- dépendent des décisions des militaires israéliens."

Le rapport commence par des références à la pression continue, ouvertement militaire, sur Gaza. Jusqu’au cessez-le-feu déclaré en novembre 2006, les raids aériens israéliens, les tirs d’artillerie et les invasions de blindés ont entraîné la mort de centaines de Palestiniens.

Tout ceci faisait partie de la confrontation de l’armée avec des groupes militants - comme le Jihad islamique - basés à Gaza. Ils lancent presque tous les jours des missiles construits grossièrement sur les villes et villages proches dans le sud d’Israël - disant souvent que leurs attaques sont des représailles aux opérations militaires israéliennes en Cisjordanie occupée.

Des contrôles moins visibles

La nouvelle étude se focalise sur des formes moins visibles du contrôle continu d’Israël sur Gaza.

Il y a un blocus aérien de Gaza. Israël n’a pas autorisé la réouverture de l’aéroport international de Gaza.

La marine israélienne continue à patrouiller la côte dans ce qu’elle dit être un effort pour empêcher la contrebande d’armes. Les bateaux de pêche palestiniens sont parfois la cible de tirs parce qu’ils se sont écartés des zones imposées par Israël.

Les Israéliens ont aussi réussi à garder le contrôle de tous les liens terrestres de gaza avec le monde extérieur -y compris la frontière avec l’Egypte. Il n’y a plus de troupes israéliennes à la frontière mais la coopération d’Israël est nécessaire au bon fonctionnement du passage, selon l’accord entre Israël, l’Autorité palestinienne, l’Egypte et l’Union européenne. Israël a fréquemment refusé de coopérer et la frontière a été fermée pendant presque la moitié de la première année qui a suivi le retrait israélien de Gaza.

Le contrôle par Israël des mouvements de marchandises qui entrent dans le territoire et en sortent reste total. Et des fermetures fréquentes du terminal de Karni, le point de passage principal pour les marchandises, ont eu des effets dévastateurs sur l’économie de Gaza.

Menaces sécuritaires

Les Israéliens disent que les restrictions sont nécessaires à cause de menaces sécuritaires constantes. Plusieurs Israéliens ont été tués lors d’une attaque par des militants palestiniens à Karni il y a deux ans.

Cependant, les Palestiniens pensent que les fermetures des frontières font partie d’un effort délibéré pour maintenir la pression sur Gaza en étranglant son économie.

Le rapport met aussi en évidence toute une série de contrôles administratifs.

Il souligne qu’Israël a conservé le contrôle de l’enregistrement de la population palestinienne, ce qui lui permet de décider qui peut être résident de Gaza - et qui peut aller et venir.

Selon le rapport des dizaines de milliers de personnes ont été rayées du registre et n’ont donc pas de papiers d’identité.

L’étude cite le cas de Mirvat Alnahal, une avocate d’origine palestinienne qui vit à Gaza depuis le milieu des années 90.

"Je suis piégée ici. Je ne peux pas partir, de peur qu’ils ne me laissent pas revenir," dit-elle.

"La carte d’identité de mon mari indique qu’il est marié mais la case pour le nom de l’épouse est vierge. Mes enfants sont nés à Gaza d’une mère qui, officiellement, n’existe pas."

Economie en berne

Le rapport souligne l’importance du contrôle continu par Israël de plusieurs aspects du système de taxes palestinien.

Dans ses effort pour mettre la pression sur le gouvernement dirigé par le Hamas, Israël n’a pas opéré le paiement des taxes qu’il doit aux Palestiniens, pour une valeur de plusieurs millions de dollars.

Le rapport met en évidence que ceci a eu des conséquences dommageables sur les services que le gouvernement palestinien a pu fournir - et cette politique est un nouvel exemple de la capacité d’Israël de continuer à exercer un contrôle significatif de Gaza.

L’étude conclut en affirmant que malgré le retrait de ses soldats, le rôle d’Israël dans le territoire de Gaza implique qu’il est tenu, en application du droit international et du droit humanitaire, de permettre la liberté de mouvement et l’activité économique. Si le contrôle perdure, la responsabilité légale s’impose, indique le rapport

Le gouvernement israélien a rejeté les conclusions de ce rapport. Un porte-parole du ministère des Affaires étrangères a déclaré, en réponse au rapport : "Nous disons qu’affirmer juridiquement qu’Israël conserve du contrôle sur ce qui se passe à Gaza alors qu’on n’y trouve ni police ni soldats ni civils israéliens, est tiré par les cheveux. Ca ne tient pas la route, au regard du droit international."

Story from BBC NEWS : http://news.bbc.co.uk/go/pr/fr/-/2/hi/middle_east/6270331.stml

Published : 2007/01/17 12:05:29 GMT