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Folie terroriste impunie par l’Etat israélien, soutenue « par défaut » par Tsahal (ndlr)

" Les « Jeunes des collines » terrorisent la Cisjordanie "

Mercredi, 29 janvier 2014 - 8h55 AM

mercredi 29 janvier 2014

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Ils sont entre cinq et sept mille fanatiques du « suprématisme » juif. Animés par la haine, ils se livrent à des déprédations dans les villages palestiniens.

REPORTAGE

KUSSRA (CISJORDANIE)

DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL

A la suite des dernières attaques, les autorités israéliennes ont élevé la voix contre ces terroristes. Mais sur le terrain, l’armée laisse faire. © AFP.

« Mahomet est un porc ! ». Le raid s’est déroulé pendant la nuit du 8 au 9 janvier. Lorsqu’ils sont sortis de chez eux au matin, les habitants de Madama, un petit village palestinien proche de Naplouse, ont découvert que plusieurs maisons avaient été taguées à l’encre noire indélébile et que deux voitures avaient été brûlées. « Vengeance », proclamaient les slogans rédigés en hébreu et accompagnés d’une étoile de David. « Le feu sacré va frapper ».

Quelques heures avant ce raid, douze « Jeunes des collines », les militants de l’aile la plus radicale et la plus active des colons de Cisjordanie, avaient été. capturés et passés à tabac par les habitants de Kussra, un autre village où ils allaient se livrer à des déprédations.

Plusieurs de leurs amis ont donc décidé de les venger en attaquant Madama. Implantés au plus profond de la Cisjordanie, les « Jeunes des collines » sont entre cinq et sept mille.

Ils ne participent pas à une organisation structurée mais se revendiquent d’une même famille communiant dans la haine des Arabes, des partisans de la paix et de l’establishment en général.
Vus de loin, ces fanatiques dont les plus jeunes sont âgés d’une quinzaine d’années pourraient faire penser aux hippies des années 1960-70. Ils portent les cheveux longs, des vêtements bariolés de
style gitan, se nourrissent bio et vivent au rythme de la nature. Mais la comparaison s’arrête là car les « Jeunes des collines » ont érigé le suprématisme juif en règle de vie.

« Ils sont apparus durant la deuxième Intifada et certains des habitants de l’implantation de Bat Ayin ont alors créé de véritables réseaux terroristes. Cependant, le courant a vraiment pris son essor à partir du démantèlement des colonies de la bande clé Gaza par Ariel Sharon (NDLR : été2005) », raconte un ancien officier du service de renseignements de la police nationale israélienne (PNI). « S’estimant trahis par celui qu’ils considéraient comme le chantre de la
colonisation, mais également par Tsahal (NDLR l’armée qui avait procédé à l’évacuation des 6.500 colons de Gaza), les colons les plus radicaux ont décidé de faire payer leur désillusion aux Palestiniens.

C’est alors que l’on a vu se multiplier les déprédations de biens palestiniens, les incendies de voiture et de mosquées ».

Au fil du temps, les « Jeunes des collines » se sont enfoncés dans la violence que les villageois palestiniens supportent de plus en plus difficilement. « Tous les ingrédients d’une explosion sont
réunis, estime notre interlocuteur. Si une troisième Intifada doit éclater, personne ne doute que ces fanatiques mettront le feu aux poudres ».

« Purifier la terre »

Il faut beaucoup de patience pour rencontrer les « Jeunes des collines ».

Mener des négociations téléphoniques avec des intermédiaires jusqu’à ce qu’un rendez-vous soit fixé au milieu de nulle part.

Dans le cas d’Odaya (25 ans), une informaticienne qui a abandonné un avenir prometteur dans la high-tech pour poursuivre son rêve messianique, c’était à l’entrée du carrefour de Tapouah, face à
l’implantation du même nom et en présence de trois observateurs silencieux. Mais armés.

« Que cela plaise ou pas aux Européens, les Arabes (comprendre : Palestiniens) souffriront tant qu’ils occuperont la Judée-Samarie (la Cisjordanie) », lâche-t-elle d’emblée pour définir le cadre de
la discussion. « On dit que nous sommes des extrémistes ? Et alors ? Dieu nous a donné cette terre. A nous de la purifier ». Par la violence : « Le manche de pioche, c’est bien et un crâne d’Arabe qui explose fait un beau bruit », ajoute-t-elle pour provoquer le rire de ses sbires.

L’expression « Tag mehir » qui accompagne chacun des raids des « Jeunes des collines » signifie « le prix à payer » par les Palestiniens chaque fois que l’État hébreu ordonnera le démantèlement de
l’un de leur site et arrêtera leurs partisans. Et cela se produit tous les jours car les « Jeunes des collines » sont partout et nulle part à la fois. Y compris -à l’intérieur d’Israël.

C’est le cas de Noam (21 ans), un grand maigrichon qui se rend périodiquement en Cisjordanie pour y mener des actions. Qu’il pleuve ou qu’il fasse froid, le militant se promène en sandales à lanière de
cuir parce qu’il « aime cette terre et veut la sentir frémir ».
Plutôt enjoué - ce qui est rare dans ce milieu qui semble porter tous les malheurs du monde sur ses épaules - notre guide connaît le moindre chemin, la moindre grotte de la région de Naplouse. il nous
conduit dans un ancien container où l’attendent deux de ses amis équipés de talkie-walkie et d’une barre de fer. Tous trois ont étudié dans une yeshiva (école talmudique) en espérant devenir officier
dans une unité d’élite de Tsahal mais l’armée a refusé de les incorporer en raison de leur proximité avec le « Kach », une organisation extra-parlementaire s’inspirant de la pensée du rabbin fascisant Meir Kahane.

Le trio s’est donc marginalisé jusqu’à mener sa propre guerre contre « les Arabes » et contre le système représenté par « le traître Netanyahou qui veut céder la terre d’Israël à ses ennemis ».

Assassiné en 1990 à Manhattan par un islamiste, Meir Kahane, fondateur de la Ligue de défense juive, prônait rétablissement d’un « Grand Israël » s’étendant de la Méditerranée au Jourdain ainsi
que l’expulsion - ou l’élimination physique selon les circonstances - des Palestiniens qui -y résidaient.

Élu à la Knesset en1984, invalidé parce qu’il proférait une sorte de nazisme juif, il garde des dizaines de milliers de supporters et ses théories sont répandues par un noyau de rabbins militants
officiant dans les « yeshivot ».

Le 7 janvier, le commando capturé par les habitants de Kussra était
d’ailleurs dirigé par Meïr Atinega (22 ans), l’un de ses petits-fils.
« J’ai deux modèles », proclame Noam. Kahane et le « tsadik », (saint) Baroukh Goldstein quia mis la pensée du premier en pratique ». Comment ? En assassinant, en février 1994, 29 Palestiniens qui
priaient dans une mosquée d’Hébron. Une tuerie planifiée dans l’espoir de torpiller les accords de paix d’Oslo.

Les « Jeunes des collines » sont méfiants, voire paranoïaques. Ils considèrent leurs interlocuteurs comme des agents du Département des affaires juives du Shabak (la Sûreté général israélienne)
chargés de les infiltrer. « Nous savons ce qu’il faut faire en cas d’arrestation. Ne pas répondre aux questions et prier pour nous donner de la force », affirme Danny R, un étudiant de « Yeshiva », interpellé une dizaine de fois.
Devenu prolixe au fil de la conversation, ce militant résidant dans les collines proches d’Hébron raconte que certains de ses amis fument de la marijuana pour se donner du courage avant de partir en opération. Et qu’ils se livrent durant leurs soirées, à une sorte de danse du scalp durant laquelle les intervenants agitent des couteaux en faisant semblant de couper la tête d’un ennemi. Arabe, bien entendu. « Nous sommes des frères, personne ne peut rien contre nous », répète-t-il à l’envi.

Tsahal ferme les yeux

À la suite des dernières attaques anti-palestiniennes, les dirigeants israéliens dont le ministre de la Défense Moshé Yaalon ont élevé. la voix pour dénoncer cette forme « de terrorisme » pratiqué par les « Jeunes des collines ». Cependant, sur, le terrain, les soldats de Tsahal ne font pas grand-chose. Au mieux, ils observent de loin, au pire, ils empêchent les victimes de se défendre.

De son côté, la police interpelle régulièrement des extrémistes suspects -plus de 200 en 2013 — mais ceux-ci sont rapidement relaxés par les tribunaux. Parce qu’ils sont mineurs et que les preuves, manquent, Ces derniers mois, certains ont été bannis de Cisjordanie et assignés à résidence en Israël. Certes, ils respectent l’arrêt du tribunal les concernant mais ils poursuivent leur croisade en s’en prenant aux lieux de cultes chrétiens de Jérusalem ainsi qu’aux prêtres et aux nonnes qui ne comptent plus les insultes ou les crachats. Voire les bousculades. Où qu’ils se trouvent, les « Jeunes des collines » ont toujours un ennemi à combattre.

SERGE DUMONT

Source : Le Soir