Texte de Tamar Avraham, Israélienne radicalement anti-guerre et solidaire de la Palestine

Cher(e)s ami(e)s,

Vous vous souvenez bien sûr que je n’étais pas très optimiste quant au développement de la situation politique ici. Ce qui se passe maintenant, c’est pire que mes cauchemars.

A Gaza des dizaines de Palestiniens tués, parmi eux beaucoup d’enfants et des familles entières, encore plus de blessés et une population sans électricité et sans livraisons régulières de nourriture. Au Liban des
dizaines de morts, des blessés, de la destruction énorme et un pays entier coupé du monde. Et en Israël deux citoyens tués, une centaine de blessés, huit soldats tués et trois captifs. L’ordre de cette liste, bien sûr, est inverse à celui dans les nouvelles, dans les journaux, dans l’opinion publique. Qu’importe les arabes tués, ils le méritent, ayant attaqué le paisible Israël à deux fronts. Et le pire, ce sont les soldats captifs. C’est une humiliation qu’on ne peut pas supporter et pour l’effacer, tout est permis. Peut importe si ça va tuer les
captifs. Vaudrait mieux qu’ils soit morts, l’ennemi ne pourrait plus poser des conditions pour leur libération. C’est probablement le résultat de l’idéologie sioniste du juif nouveau qui - contrairement à ses ancêtres opprimés en exile - ne se laisse plus humilier, lutte pour
sa liberté et tue et s’il n’y a pas de choix sacrifie sa vie que héro, mais il ne tombera pas vivant aux mains de l’ennemi.

Ainsi, on voit seulement l’insulte et des attaques cruelles contre Israël, et on oublie les causes, oublie qu’il y a l’occupation, que les palestiniens vivent dans une prison qui se ferme de plus en plus, qu’il n’ont plus de travail, plus d’argent et beaucoup d’entre eux même plus assez à manger. Restent des terroristes qu’il faut combattre afin que les Israéliens puissent vivre en paix.

Pire encore.

Quand j’ai étudié la Bible, j’ai appris que le commandement « vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, pied pour pied, brûlure pour brûlure, meurtrissure pour
meurtrissure, plaie pour plaie » que l’éthique chrétienne a souvent pris que preuve du Dieu « violent » de l’Ancien Testament, était de fait pour la société de l’Ancien Orient une restriction de la vengeance : un œil,
seulement un, et pas plus pour un œil.

Ici, on n’est même plus sur ce niveau-là. Les attaques de l’armée israélienne ont immédiatement perdu toute proportion. On n’hésite pas à attaquer la population civile et à effacer l’infrastructure. Où est-ce que ça va mener ?

Jusqu’à Damas ? Jusqu’à Téhéran ?

Nous, dans les organisations de paix dites « radicales », sommes plus isolés que jamais.

Il y a de petites manifestations devant le ministère
de la défense à Tel Aviv et devant le siège du premier ministre à Jérusalem.

Les médias n’en parlent guère, et j’avais l’impression qu’il y avait plus de policiers que jamais et avec une attitude très hostile.

Quant j’étais avec une copine de Machsom Watch au mur d’Abu Dis, les soldats ont dit : « On enlève des soldats, et elles, elles viennent ici nous observer et filmer. Les soldats enlevés, ça ne leur intéresse pas. »

Un membre palestinien de la Knesseth qui avait justifié le droit des palestiniens de lutter contre l’armée israélienne (pas contre la population civile) a été critiqué fortement et un des membres de la Knesseth de la droite radicale a exigé de le mettre en jugement et
condamner à mort.

On dirait une psychose qui a saisi tous et radicalise
tous. Une amie m’a justement dit que ça lui rappelle l’atmosphère avant la guerre de 1967.

Une indication où on va ?

Pour dire quelque chose plus agréable : il y a des visiteurs deFrance qui avait entendu mes conférences - il y a quelques semaines, un jeune homme de Lyon nous a accompagnées à un tour de Machsom Watch, et la
semaine prochaine, je vais rencontrer cinq femmes de Grenoble.

Ça fait bien de savoir qu’il y a des ami(e) qui partagent les mêmes opinions.

Cordialement,
Tamar