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Source : Média Palestine

Contre le Prawer Plan

Samedi, 7 décembre 2013 - 11h01 AM

samedi 7 décembre 2013

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PAR AGENCE MÉDIA PALESTINE

De Al-Araqib à Susiya : Le déplacement forcé des palestiniens des deux côtés de la Ligne Verte (2ème partie)

La première partie a été publiée le 05 décembre dernier sur cet espace.

Ce dossier argumentaire a été réalisé en mai 2013 par Adalah : ses auteures sont :

Nadia Ben Youssef avocate représentant Adalah aux Etats Unis

Suhad Bishara avocate directrice du secteur « terre et planification de Adalah

Rina Rosenberg – avocate cofondatrice de Adalah responsable du plaidoyer international de Adalah

Déplacement forcé des Palestiniens : La suspension de la Loi.

Depuis 1948, Israël a créé une matrice complexe de lois et réglementations discriminantes sur la terre et la planification territoriale, et des lois militaires, afin établir le contrôle sur la terre palestinienne et déplacer des centaines de milliers de ses habitants par des moyens « légaux ».

Ce qui a eu pour effet de suspendre efficacement les protections intérieures et internationales des Palestiniens.

Aujourd’hui Israël continue à déplacer des communautés situées à l’intérieur de sa sphère de contrôle dans les Territoires Occupés Palestiniens (TOP). Des communautés vivant dans des villages bédouins « non reconnus » du Naqab ( Néguev) et dans la zone C de Cisjordanie sont particulièrement menacées de déplacement forcé, car ces deux espaces ont une importance stratégique unique pour Israël pour des raisons démographiques et de sécurité.

Les citoyens palestiniens d’Israël , comme ceux d’Al Araqib, disposent de droits constitutionnels, précisés dans les Lois Fondamentales d’Israël , tels que le droit à la propriété et à la dignité. Les Palestiniens vivant sous occupation, comme ceux de Susiya, sont protégés par le droit humanitaire international , qui interdit à Israël en tant que puissance occupante de transférer par la force, chasser, déporter, déplacer et détruire les biens des personnes considérées comme « personnes protégées ». La loi internationale sur les droits humains protège les droits de toutes les personnes, y compris les droits à un logement adéquat, la santé, l’éducation, un niveau de vie décent, à la non discrimination et l’auto détermination. Les principes directeurs sur le déplacement interne, fournissent le cadre normatif identifiant les règles du droit international qui s’appliquent aux personnes déplacées à l’intérieur. Le 6e principe prévoit par exemple que tout être humain a le droit d’être protégé contre le déplacement arbitraire de son foyer. Cependant Israël a en réalité suspendu le droit et violé les droits des Palestiniens dans ces deux espaces, les laissant sans protection et sans accès à un recours efficace.

Déplacement forcé dans le Naqab

Après la guerre de 1948, environ 88 % des Palestiniens Bédouins vivant dans le naqab furent forcés de fuir leur terre. Onze mille Bédouins seulement restèrent dans le naqab et devinrent citoyens israéliens. Dans les années 50 l’État déplaça par la force et concentra les bédouins dans le Siyag (barrière en arabe) une zone militaire fermée au nord du Naqab. Ceux dont les villages ancestraux étaient situés à l’intérieur de cette zone du Siyag furent dépossédés de leurs titres de propriété, et leurs villages furent déclarés illégaux. Pour la majorité des Bédouins , déplacés internes de leurs villages ancestraux, leurs droits furent aussi dénié sur les terres où ils avaient été transférés.

Par la promulgation de différentes lois sur la terre, telles l’Ordonnance sur la Terre (Acquisition à des fins publiques) de 1943, la Loi d’Acquisition de la Terre (actions et compensation) de 1953 et la Loi sur la Propriété des Absents de 1950, la terre du Naqab devint « Terre d’État » . Puis avec la Loi sur l’Aménagement National et la Construction de 1965, Israël refusa la reconnaissance de tous les villages arabes bédouins. Il y a aujourd’hui trente cinq villages « non reconnus » auxquels Israël refuse délibérément les services élémentaires et les infrastructures d’État, et dont les résidents vivent sous la constante menace d’expulsion. Israël tente d’obliger ces habitants à vivre confinés dans sept villes aménagées par le gouvernement et les dix villages reconnus récemment, dans le but d’utiliser le peu de terre restée aux bédouins pour des forêts, des zones militaires et pour de nouveaux villes et villages juifs.

En 2011 , le gouvernement a approuvé le Plan Prawer afin de légitimer la politique d’État de déplacement forcé dans le Naqab ; le vote de la loi d’application de ce Plan est à présent imminent à la Knesset (parlement israélien ). Si elle est appliquée elle aura pour conséquence le déplacement forcé de jusqu’à 70 000 personnes.

Déplacement forcé en zone C

Israël exerce son contrôle sur la zone C dans les domaines de la sécurité, la planification et l’aménagement. Des successions d’ordres militaires ont rendu tout enregistrement de titre de propriété, de permis de sécurisation de bâtiments, quasiment impossibles pour les Palestiniens, tout en escamotant de vastes étendues de terre pour les colonies juives dans les TOP. Selon l’OCHA, 70% de la terre sont totalement interdits aux 150 000 Palestiniens résidents de la zone C, et ont été alloués aux colonies juives et aux zones tampon qui les entourent, ou bien sont désignés comme zones militaires, zones de tir , ou réserves naturelles.

Le déplacement de la plus grande partie de la zone C , les restrictions sur la construction et le développement palestiniens des 30% restant se traduisent par un logement déclaré illégal par le ICA. Les maisons « illégales des 27 500 bédouins de la zone C sont particulièrement visées, avec une augmentation marquée des démolitions depuis 2011.

De plus les villages sont déconnectés de toute infrastructure et ont un accès très limité aux services, ce qui créé des conditions intolérables afin de pousser les familles à abandonner leurs terres et leur mode de vie rural.

Les méthodes du déplacement forcé par Israël,aujourd’hui :

Israël utilise les méthodes suivantes pour déplacer de force les Palestiniens des deux côtés de la ligne verte.

1 . les démolitions de maisons

Selon le régime israélien d’aménagement du territoire national, les villages non reconnus du Naqab sont illégaux et toutes les structures qu’ils contiennent sont sujettes à démolition. De 2008 à 2011 deux mille deux cent maisons palestiniennes ont été démolies dans le Naqab et plus de 14 000 personnes déplacées. En comparaison, depuis 1997, Israël a rétroactivement légalisé 35 « implantations individuelles » qui hébergeaient des familles juives individuelles sur de vastes étendues de terres : des fermes établies illégalement et hors du régime d’aménagement national.

Selon le régime d’aménagement dans les TOP, les Palestiniens vivant hors de zones désignées se voient refusés les permis de construire, ce qui rend tout bâtiment illégal et menacé de destruction.

Le Comité Israélien contre la destruction des maisons ICHAD rapporte entre 2008 et 2010 près de mille structures palestiniennes ont été démolies et plus de 2200 personnes déplacées de force dans la seule zone C.

2 . Refus des services de base

Le régime de planification discriminatoire d’Israël a aussi légitimé le refus des services de base aux Palestiniens vivant dans les villages non reconnus, en conditionnant à la reconnaissance leur accès à l’eau, l’électricité, au traitement des eaux usées, routes asphaltées, écoles, services de santé. Par exemple, l’article 157 A de la loi de planification et construction nationale interdit aux compagnies de services publics de raccorder un bâtiment à l’électricité , l’eau, et aux réseaux téléphoniques en l’absence de permis de construire, ce qui s’applique à tous les villages non reconnus aussi bien qu’à la plupart des structures des dix villages bédouins récemment reconnus.

De nombreux villages palestiniens des Territoires Occupés considérés comme violant les ordres militaires et le régime discriminatoire de planification se voient de la même manière déniés d’accès aux infrastructures et services fondamentaux. Selon l’ OCHA*, plus de 70 % des communautés palestiniennes vivant en zone C ne sont pas raccordées au réseau d’eau ; par conséquent la consommation dans certaines de ces communautés atteint à peine le cinquième du volume recommandé par l’Organisation Mondiale de la Santé.

Visuel : Adalah

3 . Destruction des moyens de subsistance

Israël détruit régulièrement les récoltes plantées par des citoyens bédouins dans les villages non reconnus, les privant ainsi de leur principal moyen de subsistance. Sous le régime israélien de la terre et de planification, tous les champs plantés et cultivés sur la terre des villages non reconnus sont sujets à destruction.

En Cisjordanie, Israël créé des obstacles physiques , par exemple, les check points les barrages, des réseaux routiers séparés, et le Mur de Séparation, qui tous entravent gravement la liberté de circulation des Palestiniens, en particulier en zone C . Ces contraintes nient aux Palestiniens l’accès à leur propriétés de terres agricoles. Israël déracine aussi des oliveraies, détruit les sources d’eau, et les puits appartenant aux Palestiniens.

4 . Confiscation de terre à des fins d’intérêt public

L’ordonnance sur la Terre (Acquisition à des fins d’intérêt public) 1943 a autorisé Israël à confisquer de larges étendues de terre appartenant à des Palestiniens à des fins d’ « intérêt public », comme les projets de reboisement, de routes nationales, et les zones militaires. Ce sont 66 % de l’énorme masse de terre du Naqab qui ont été confisqués pour des prétendus fins publiques, et les citoyens bédouins n’ont accès qu’à une petite portion des 34 % restant. Néanmoins les plans gouvernementaux d’octobre 2011 d’établir sept nouvelles villes juives et un nouveau complexe militaire ont été situés sur des terres qui menacent directement de déplacement forcé près de dix huit mille bédouins.

En zone C , bien que 70 % de la terre soient déjà inaccessibles à un développement palestinien et attribués aux colonies ou à usage militaire, trente huit communautés se trouvent dans une zone récemment désignée comme zone de tir pour l’entraînement militaire et les 5000 personnes vivant là sont exposée au déplacement forcé de leurs foyers, par exemple.

5 . Reboisement et réserves naturelles

L’organisme quasi gouvernemental appelé Fonds National Juif se définit lui même comme un « fiduciaire » du peuple juif et considère qu’il « n’a pas à agir avec égalité envers tous les citoyens de l’État » 10

Le fonds National juif est fortement impliqué dans la plantation de forêt et l’usage du reboisement comme outil de confiscation de terre palestinienne, avec pour conséquence le déplacement de ses habitants. En décembre 2011 par exemple, le gouvernement a annoncé un plan d’extension de la forêt existante de Yatir dans le Naqab qui déplacerait les 500 résidents du village bédouin non reconnu de Atir. En zone C l’Administration Civile Israélienne (ICA) a classé réserves naturelles, 20 % de la Vallée du Jourdain et de la zone de la Mer Morte. Ce classement ne se contente pas d’interdire la résidence dans les zones concernées, mais restreint aussi la liberté de circulation des 48 000 Palestiniens vivant dans la vallée en les empêchant d’accéder à leurs champs et aux pâturages de leurs troupeaux.

6 .Expansion des colonies juives et des avant postes en zone C

Israël a utilisé son système labyrinthique d’ordonnances militaires pour déplacer de force les palestiniens de Cisjordanie et s’emparer de leur terre pour la construction et l’expansion des colonies juives illégales. Il y a à présent en Zone C 325 000 colons qui vivent dans 235 colonies et avant postes. De façon significative la zone territoriale réservée à l’expansion de ces colonies est neuf fois plus importante que la zone construite.

7 . Violence des colons

Les palestiniens sont régulièrement confrontés à une violence physique extrême dans toute Cisjordanie occupée, à l’intimidation et au harcèlement des colons juifs, alors que la loi israélienne échoue systématiquement à poursuivre pénalement ou punir les responsables voire même à intervenir . La mission d’information de l’ONU sur les colonies israéliennes en 2013 a conclu :« Le motif dissimulé de cette violence (des colons) et de l’intimidation à l’encontre des Palestiniens aussi bien que de leurs biens est de chasser les populations locales de leurs terres et de permettre l’expansion des colonies . »

8 . Harcèlement de l’État

L’état emploie fréquemment la violence pour obliger les Palestiniens à quitter leur terre. Par exemple les manifestants qui protestent contre le déplacement forcé, les démolitions de maisons, ou la violation des droits sur la terre sont régulièrement arrêtés, poursuivis et emprisonnés pendant et après les opérations de démolition et d’évacuation. L’État a aussi poursuivi en dommages et intérêts des Palestiniens individuellement, dont les résidents de Al Araqib, avec des montants réclamés de millions de shekels pour les coûts associés à la destruction de leur maison.

La loi telle qu’appliquée à la fois en Israël et dans les Territoires Occupés, échoue dans sa forme et dans son application à protéger les Palestiniens contre ces méthodes de déplacement forcé. Là où la loi intérieure ou internationale offre une protection contre le déplacement forcé aux Palestiniens , elle a été suspendue. Au contraire Israël a systématiquement utilisé la loi comme un outil efficace de concrétisation d’une réalité géo politique : celle d’un État juif sur une quantité maximum de terre, contenant un nombre minimum de Palestiniens.

Conclusion :

Pendant sa mission d’information de 2012 en Israël et dans les territoires palestiniens occupés , la Rapporteure Spéciale sur le droit à un logement adéquat, Raquel Rolnik, a déclaré qu’elle avait été « témoin d’un modèle de développement qui exclut systématiquement , discrimine et déplace les minorités en Israël et qui a été reproduit dans le territoire occupé depuis 1967. »

En 2012 aussi le Parlement Européen a rendu publique une déclaration historique condamnant vigoureusement les politiques israéliennes de déplacement forcé en Cisjordanie occupée et dans Jérusalem Est. Et il lie , pour la première fois ces politiques avec le déplacement forcé de la communauté bédouine du Naqab.

De plus en plus, la communauté internationale, dont les organes des Nations Unies traitant des droits humains, attire l’attention et exprime sa préoccupation sur la politique israélienne de déplacement forcé, où qu’il se produise. Une approche de la question du déplacement forcé fondée sur les droits , permet de se centrer sur les individus et les communautés dont les droits sont violés où qu’ils se trouvent , et exige simplement la cessation des violations. Elle a l’avantage de la souplesse s’agissant d’analyser les problèmes à l’intérieur de cadres légaux séparés, celui d’Israël et celui des Territoires Occupés. Ces deux cadres s’avèrent non seulement incapables de faire cesser la violation des droits palestiniens, mais maintiennent depuis longtemps un paradigme déconnecté de la réalité du terrain.

Bien que la discussion n’ en soit qu’ à son début, il apparaît clairement à partir des cas de Al Araqib et Susiya que les les Palestiniens sont menacés de déplacement forcé par Israël, qu’ils soient citoyens israéliens ou personnes protégées vivant sous occupation. Il faut espérer que cette réalité du déplacement forcé de Palestiniens, une fois établie et comprise dans son véritable contexte, sera accompagnée des étapes nécessaires à la fin des violations.

Traduction Michèle Sibony pour l’Agence Média Palestine et l’Alternative Information Center

*l’OCHA (Office of coordination for humanitarian affairs) bureau de coordination des affaires humanitaires est un département du secrétariat des Nations Unies qui a une antenne basée à Jérusalem Est chargée d’informer sur la situation dans les Territoires Occupés (ndlt)