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Source : Agora Vox

La Russie prend-elle l’avantage dans la dissuasion nucléaire ?

Lundi, 17 juin 2013 - 6h38 AM

lundi 17 juin 2013

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Le jeudi 6 juin, l’armée russe effectuait le quatrième test de son dernier prototype de missile balistique intercontinental de nouvelle génération, le Rubej (littéralement : frontière). Amené à remplacer le Yars et le Topol-M, le Rubej a été développé spécifiquement pour contrer la menace que représente le bouclier anti-missile que l’OTAN tente de déployer aux frontières de la Russie : en Europe, au Moyen-Orient et en Asie-Pacifique. Pour chacune de ces régions, le prétexte est tout trouvé : défendre les pays membres de l’OTAN en Europe, contrer les menaces nucléaires iranienne (soi-disant) et nord-coréenne dans les deux autres régions.

En réalité, le programme extrêmement coûteux développé par l’OTAN, et essentiellement par le Pentagone, vise à établir un bouclier anti-missile hégémonique sur l’ensemble du globe : dans une lettre adressée à l’Agende de défense antimissile, les chercheurs David Montague et Walter Slocombe, membres de la Commission du Conseil national de la recherche sur l’évaluation des concepts et systèmes pour la défense antimissile états-unienne en phase de propulsion en comparaison d’autres alternatives, détaillent les raisons pour lesquelles ce programme est démesuré et loin d’être adapté aux menaces que pourraient éventuellement représenter l’Iran et la Corée du nord ; une défense efficace comprendrait uniquement le déploiement d’intercepteurs dans le nord-est des États-Unis et en Alaska, la mise en place de cinq radars au Royaume-Uni, au Massachusetts, au Groenland, au Dakota du Nord et en Alaska et l’acquisition de quelques nouveaux intercepteurs pour renforcer les sites d’Alaska et de Californie. Bien moins coûteux et surtout, bien moins invasif et menaçant pour la Russie, ce programme continue d’être ignoré par le Pentagone.

Malgré les incessantes sollicitations de l’armée russe, l’OTAN persiste à refuser non seulement de créer un bouclier anti-missile commun avec la Russie, chacun ayant à charge sa zone géographique d’influence, mais surtout n’a jamais daigné donné de garanties légales à la Russie lui indiquant que ce bouclier ne la visait pas – de telles garanties auraient permis à l’armée russe de visiter les installations du bouclier de l’OTAN.

Désespéré par l’absence de coopération de l’OTAN, l’état-major russe a alors pris les devants en lançant le développement d’une nouvelle génération de missiles balistiques intercontinentaux capables en théorie de percer n’importe quel bouclier que l’OTAN pourrait déployer. D’après certaines sources militaires, le secret du Rubej résiderait dans la formule du propergol solide utilisé pour la propulsion, permettant une accélération plus importante lors de la phase ascendante et rendant ainsi la trajectoire du missile beaucoup moins prévisible. Les différentes ogives seraient par ailleurs munies chacune d’un moteur, permettant des manœuvres complexes en phase descendante.

Le dernier test du Rubej a donc été un succès : toutes les ogives ont détruit leur cible. Un dernier test reste néanmoins nécessaire afin de confirmer son entière fonctionnalité, celui-ci devant avoir lieu avant la fin de l’année 2013. D’après le général Zarudnitski, le premier régiment de Rubej sera déployé au début de l’année 2014, bien avant que l’OTAN ait pu mettre en place les phases 3 et 4 de son bouclier anti-missile, prévues au-delà de 2017, celles qui, notamment, inquiétaient la Russie. L’état-major russe a l’air particulièrement confiant vis-à-vis de son dernier missile : le vice-premier ministre et ancien ambassadeur auprès de l’OTAN, Dmitri Rogozine, a ainsi déclaré que « les systèmes de défense antimissile américains actuels ou futurs ne seront pas en mesure d’empêcher ce missile de détruire sa cible. »

Les différents tests de missiles balistiques intercontinentaux de nouvelle génération qu’a effectué la Russie jusque-là avaient deux trajectoires principales : de la région d’Arkhangelsk vers la région du Katmtchatka et de la région d’Astrakhan vers la région de Balkhash (au Kazakhstan). Si la première couvre une distance de 6 000 km, usuelle pour un missile intercontinental, la seconde ne couvre qu’une distance de 2 000 km. Plusieurs tests ont été effectués sur cette distance et cela soulève deux questions essentielles :

- Pourquoi utiliser un missile intercontinental sur une distance aussi réduite que 2 000 km ?

- Quelles sont les cibles potentielles correspondant à une telle distance ?

À la première question, on peut envisager que ce soit pour percer un éventuel bouclier antimissile aux frontières de la Russie : le Rubej ferait ainsi office de missile multi-usages, missile de portée moyenne et intercontinental. À la seconde, on peut supposer que tous les pays accueillant une composante du bouclier global de l’OTAN deviennent des cibles potentielles pour la Russie, et la liste des prétendants est plutôt longue, même à une distance de 2 000 km des frontières russes.

Cela lui confère également un argument de poids supplémentaire dans l’éventualité d’une vive dégradation de la situation au Moyen-Orient : quel que soit le nombre d’intercepteurs déployés chez les potentiels collaborateurs, en Turquie, en Arabie Saoudite, au Koweït, au Bahreïn, au Qatar, aux Emirats Arabes Unis ou à Oman, plus personne n’est à l’abri de l’ours russe, pas même la Terre sainte.