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Chronique « les prisonniers »
Voilà comment ils traitent les enfants
Sans commentaires !
mercredi 1er mars 2006
Les garçons de l’école Beit Awwar ont presque oublié ce que c’est qu’une journée de classe normale. Leurs leçons sont ponctuées du vacarme des commandements militaires aboyés en hébreu à quelques mètres des salles de classe, alors que les pauses dégénèrent en manifestations intenses alors que les soldats, dotés d’armes semi-automatiques et de gaz lacrymogènes, se pressent sur la cour de récréation pour apporter la dernière menace au directeur. Les enseignants désespèrent de pouvoir faire leur travail : chaque visite des soldats laisse les garçons agressifs, sans goût de l’étude, et distraits. Les résultats académiques déclinent rapidement et l’enseignement des simples éléments prend plus de temps.
La raison de ces interruptions incessantes est à 100 m à l’ouest de l’école : le mur de ségrégation géant d’Israël. Des centaines de blocs de béton géants s’étirent dans un champ qui était jusqu’ici la propriété de facto de l’école, et barrent l’horizon des collines qui s’étendent au-delà. Plus au nord, le béton fait place à une barrière barbelée massive flanquée de deux chemins de patrouille. Le territoire de l’autre côté ets visible, mais toujours inaccessible.
Le mur est arrivé à Beit Awwar en septembre 2004, et depuis le moment où les entrepreneurs sont arrivés pour dégager un emplacement pour la barrière, situé à plusieurs centaines de mètres de la position de la ligne verte, l’école de Beit Awwar a été plongé dans le cycle sans fin d’une existence malheureuse. Les soldats qui patrouillent le long des murs ont menacé à plusieurs reprises de fermer l’école, sous prétexte que les garçons leur jettent des pierres depuis les bâtiments, ou encore qu’ils s’y cachant. Récemment, les plaintes ont atteint un niveau plus élevé, et les soldats ont averti qu’ils utiliseront des balles réelles sur tout élève pris à jouer au football dans le champ qui se trouve entre l’école et le mur.
Les écoliers Zakariya et Nemer ne connaissent que trop bien le danger présenté par les soldats. Le 22 mars 2005, six mois après le début de la construction du mur, ces deux garçons, âgés de 13 ans, ont été arrêtés pour avoir jeté des pierres sur les soldats qui gardaient des travailleurs près du mur. Les soldats ont attrapé les deux amis alors qu’ils rentraient à la maison après l’école. Ils leur ont donné des coups de pieds, leur ont bandé les yeux, attaché les mains et mis à l’arrière d’une jeep qui attendait là.
Les garçons ont été emmenés dans un camp militaire à environ un kilomètre de là - visible du toit de leur école. Un des soldats a fait venir un chien et a menacé de le lâcher et de le laisser mordre les garçons, alors que d’autres soldats passaient et leur donnaient des coups de pied. Nemer et Zakariya furent obligé s de passer l’après-midi et le soir debout dans le camp militaire avant d’être emmenés au camp de détention de « Goush Etzion », qui est une implantation illégale entre Bethléem et Hébron.
Les garçons ont passé 16 jours à Etzion, pressés dans une petite cellule avec 17 autres Palestiniens âgés de 13 à 20 ans. Les enfants étaient si serrés dans la pièce que les garçons étaient obligés de dormir par terre. Pour rendre les choses encore pires, ils n’avaient le droit de se rendre aux toilettes qu’une fois par jour, et seulement pendant une demi-heure. Le reste des 23 heures et 30 minutes se passait enfermé dans la cellule.
La première présentation au tribunal eut lieu le 27 mars. Le procureur du tribunal militaire déclara au juge que si les garçons avaient été adultes, il aurait insisté pour qu’ils se voient infliger une condamnation de 10 à 20 mois, mais que puisqu’il ne s’agissait que d’enfants, il ne demandait « que » sept mois pour chacun. L’avocat des enfants, fourni par DCI/PS, Khaled Quzmar, représenta que, comme les garçons n’avaient que 13 ans et n’avaient blessé personne, il ne fallait pas leur donner une peine de prison, mais à la place l’une ou l’autre forme de punition alternative, comme une arrestation à domicile ou une amende. Le juge refusa les arguments des deux hommes de loi, et condamna Zakariya et Nemer à une peine de prison de 90 jours dont 60 avec sursis et une amende de 1 000 NIS (230 $) chacun. Dans arrêt en appel rendu le 19 avril, où le procureur demanda des peines plus fortes et la défense la relaxe immédiate, la cour confirma la condamnation de première instance.
Nemer et Zakariya furent envoyés purger leur peine au complexe de Telmond, où la plupart des enfants Palestiniens accusés de telles « infractions de sécurité » sont envoyés. Cependant, au contraire de la plupart des enfants Palestiniens qui sont placés dans les sections d’Hasharon, les deux amis furent envoyés à l’établissement d’Ofek qui loge principalement des jeunes délinquants Israéliens. « On nous mit ensemble dans une cellule, pas avec les enfants Israéliens », déclare Nemer. « Mais quand on pouvait sortir, on était mélangés avec les autres jeunes détenus à Ofek. »
A partir de leur arrivée à Ofek, les garçons eurent accès çà l’éducation qui est normalement refusée aux détenus Palestiniens. Ils reçurent l’enseignement prévu par le curriculum Israélien avec deux heures par jour d’hébreu, d’arabe et de mathématiques. Cependant, la nourriture était tout aussi mauvaise que celle donnée aux enfants Palestiniens retenus à Hasharon. « C’était vraiment répugnant, » déclare Nemer. « parfois on trouvait des cafards dans la nourriture, et une fois j’ai été malade après avoir mangé du poulet. » Zakariya aussi a été malade quand il était en prison. Il fallut plusieurs demandes pour qu’il puisse voir un médecin, et même alors, le seule « médicament » qu’il reçut fut que le médecin lui recommanda de boire davantage de thé.
Zakariya passa une semaine en confinement solitaire. « Je ne sais pas ce que j’ai fait pour le mériter - il semble qu’il n’y avait pas de raison pour me mettre là, » dit-il. « Les gardes m’ont traité comme un animal : chaque fois que je demandais quelque chose, ils me donnaient des coups de pied. »
Une semaine avant la date de sortie prévue, les gardes commencèrent à venir dans leur cellule et à leur dire qu’ils seraient libérés le lendemain. « Chaque jour ils venaient jusqu’à notre porte et nous disaient « demain vous serez chez vous », puis le lendemain venait et nous étions encore là, » raconte Zakariya. « Parfois ils nous disaient qu’un seul de nous deux allait sortir, et ensuite un autre garde venait nous dire que nous pourrions retourner à la maison tous les deux, mais que ce ne serait pas avant 18 jours. Cela a été une semaine très difficile pour nous deux, passant sans cesse de l’excitation à l’abattement. »
Enfin le jour vint où ils furent effectivement libérés ; « On nous emmena au DCO (point de contrôle) près de Tulkarem et on nous laissa là, et ensuite nous dûmes faire tout le chemin jusqu’à Beit Awwar , c’était une si longue route, » raconte Nemer. « C’était formidable d’être à la maison, d’être de nouveau avec nos familles et nos amis. Mais même si nous nous n’avions pas été partis très longtemps, ce n’était pas si facile de retrouver notre place au milieu de tout. Lorsque nous sommes retournés à l’école, nous nous sentions un peu des étrangers. Nous avions manqué beaucoup de leçons et nous ne savions plus rien. Cela a pris bien longtemps pour que nous nous sentions vraiment de retour à la maison. »
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