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SYRIE :

Wikileaks dénonce le rôle des États-Unis

Mardi, 17 mai 2011 - 5h22 AM

mardi 17 mai 2011

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Wikileaks

dénonce le rôle des États-Unis

Un article intitulé « Les États-Unis ont soutenu secrètement les groupes d’opposition syriens » et rédigé par Craig Whitlock (Washington Post, 18 avril) décrivait par le menu les informations contenues dans les câbles diplomatiques américains que Wikileaks avait adressés aux agences d’information du monde entier et publiés sur son site Internet. L’article résume ce que ces câbles du ministère américain des Affaires étrangères révèlent à propos du financement secret des groupes syriens d’opposition politique, y compris la transmission dans le pays d’émissions antigouvernementales et ce, via la télévision par satellite.

L’article décrit les efforts financés par les États-Unis comme faisant partie d’une « campagne de longue haleine visant à renverser le dirigeant autocratique du pays, Bashar al-Assad », qui a fait ses débuts sous le président George W. Bush et a poursuivi sa carrière sous le président Barack Obama, même si ce dernier a prétendu qu’il reconstruisait les relations avec la Syrie et qu’il a installé un ambassadeur en Syrie pour la première fois depuis six ans.

Selon un câble d’avril 2009 signé par le diplomate le plus élevé en grade à Damas à l’époque, les autorités syriennes « considéraient sans aucun doute tout financement de groupes politiques illégaux comme équivalant à appuyer un changement de régime ». L’article du Washington Post décrit plus ou moins en détail les liens entre la chaîne de TV de l’opposition Barada, financée par les États-Unis, et le rôle de Malik al-Abdeh, qui fait partie de son conseil d’administration et diffuse des vidéos de protestation.

Al-Abdeh fait également partie de la direction du Mouvement pour la justice et la démocratie, présidé par son propre frère, Anas Al-Abdeh. Les câbles secrets « font état de craintes persistantes, parmi les diplomates américains, que les agents de la sécurité d’État syrienne n’aient découvert que la piste de l’argent remontait jusqu’à Washington ».

Le rôle d’Al Jazeera

Peut-être le défi de la campagne de déstabilisation en Syrie, ainsi que sa dénonciation, sont-ils venus avec la démission de Ghassan Ben Jeddo, le journaliste bien connu des nouvelles émissions de télévision d’Al Jazeera et le responsable de l’agence d’Al Jazeera à Beyrouth. Ben Jeddo a démissionné pour protester contre la partialité d’Al Jazeera, mettant tout spécialement en exergue une « campagne de diffamation contre le gouvernement syrien » qui a transformé la chaîne de TV en « vulgaire organe de propagande ».

Al Jazeera a couvert favorablement l’incontrôlable soulèvement de masse de millions de personnes en Égypte et en Tunisie. Cependant, cette chaîne d’information par satellite a également fait état par le détail de toute revendication et accusation politique, sans égard pour la façon dont elles pouvaient n’être pas fondées, qui ont été exprimées par l’opposition politique, tant en Syrie qu’en Libye. Al Jazeera est devenue la voix la plus forte de la région – elle est captée par des millions de spectateurs – pour réclamer l’intervention « humanitaire » des États-Unis, des zones d’exclusion de vol et le bombardement de la Libye. Ainsi donc, il est important de bien comprendre la position d’Al Jazeera en tant que société d’information, et tout particulièrement lorsqu’elle prétend s’exprimer en faveur des opprimés.

Al Jazeera, dont le siège est au Qatar, ne fait jamais état du fait que 94 pour 100 du travail au Qatar est effectué par des immigrés qui n’ont absolument aucun droit et qui survivent dans des conditions proches de l’esclavage. La répression brutale du mouvement de masse dans le royaume à monarchie absolutiste de Bahrein, voisin immédiat du Qatar et actuellement occupé par les troupes saoudiennes, ne reçoit que peu de couverture non plus de la part d’Al Jazeera.

Cette censure est-elle due au fait qu’Al Jazeera TV News a été fondé par le monarque absolu du Qatar, l’émir Sheikh Hamad bin Khalifa Al Thani ?

Il est particulièrement important de faire remarquer qu’Al Jazeera ne mentionne jamais l’énorme base aérienne militaire du Commandement central américain, installé au Qatar précisément. Des drones en mission secrète dans la région décollent régulièrement de cette base. Le Qatar a également envoyé des avions pour participer aux bombardements en Libye des États-Unis et de l’Otan.

Le Qatar travaille en étroite collaboration avec le ministère américain des Affaires étrangères pour appuyer à fond l’intervention des États-Unis dans la région. Le Qatar a été l’un des premiers États arabes, et le premier des États du Golfe, à établir des relations avec israël. Lors des bombardements de Gaza par Israël, en 2009, il a suspendu ces relations mais, depuis, a proposé de les renouer.

Facebook et la contre-révolution

La CIA et le NED (National Endowment for Democracy – Fondation nationale en faveur de la démocratie) sont devenus des experts dans l’utilisation des barrages des médias sociaux tels que Facebook, Twitter et Youtube pour submerger les gouvernements visés de millions de messages fabriqués, de rumeurs et d’images incontrôlées.

Les alertes fabriquées sur les luttes et les scissions entre les factions rivales de l’armée syrienne, lesquelles auraient abouti à des démissions, étaient fausses. Par exemple, le général de division al-Rifai (retraité) a nié comme dénuées de fondements les informations par TV satellite prétendant qu’il dirigeait une scission au sein de l’armée. Il a ajouté qu’il était retraité depuis dix ans.

Izzat al-Rashek, du Bureau politique du Hamas, et Ali Baraka, représentant du Hamas au Liban, ont infirmé publiquement des allégations prétendant que la direction de cette organisation palestinienne de résistance quittait Damas pour se réinstaller au Qatar. Ali Baraka a expliqué que c’était un bobard monté par les États-Unis pour exercer des pressions sur Mahmoud Abbas, du Fatah, et entraver la réconciliation palestinienne tout en attisant le conflit entre les mouvements de résistance et la Syrie.

Le gouvernement syrien a accusé des snipers d’avoir tiré sur des manifestations, sur l’armée et sur la police dans l’intention de voir la police ouvrir à son tour le feu sur les manifestants.

Les rumeurs, les messages anonymes sur Internet et les rapports émis par TV satellite dans l’intention d’exacerber les divergences sectaires font partie de la campagne de déstabilisation.

Le caractère dual de la Syrie

Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi l’impérialisme américain et ses pions dans la région, y compris Israël et les monarchies corrompues et dépendantes que sont la Jordanie, le Qatar, les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite, aimeraient voir un « changement de régime » en Syrie.

La Syrie est l’un des rares pays arabes à n’entretenir aucune relation avec Israël. Plusieurs organisations de résistance palestinienne ont des « bureaux en exil » en Syrie, y compris le Hamas.

La Syrie est alliée de façon étroite à l’Iran et au Liban.

La Syrie aujourd’hui n’est ni un pays socialiste, ni un pays révolutionnaire. Le capitalisme - et l’inégalité qui en résulte - n’y a pas été renversé. Il existe une classe capitaliste, en Syrie : nombreux sont ceux qui, en sont sein, ont bénéficié des « réformes » au cours desquelles des industries anciennement aux mains de l’État ont été vendues à des capitaux privés.

Toutefois, l’État syrien représente des forces contradictoires. Le pays a été un bastion de protection des gains obtenus lors des luttes et soulèvements anticoloniaux des masses arabes dans les années 60 et 70. Au cours de cette période, de nombreux gains sociaux importants ont été réalisés, des industries et ressources majeures ayant appartenu au capital étranger ont été nationalisées et d’importants progrès ont été enregistrés dans la garantie des soins de santé, dans le niveau de vie et l’enseignement.

La Syrie sous le parti socialiste arabe Ba’ath est résolument laïque. Elle a maintenu la liberté religieuse pour tous tout en n’autorisant aucun groupement religieux à dominer l’État ou à être promu par ce dernier.

Mais le régime syrien a également réprimé sévèrement les efforts des mouvements de masse basés au Liban et en Syrie et qui voulaient poursuivre la lutte. Il a justifié sa répression des mouvements passés en insistant sur sa position précaire à proximité d’Israël, sur l’impact des deux guerres contre Israël, en 1967 et 1973, et sur l’occupation et l’annexion par Israël de l’importante région syrienne que sont les hauteurs du Golan, et ce, depuis 44 ans.

Les années de sanctions de la part des États-Unis et les efforts de déstabilisation du passé ont également eu un effet cumulatif. L’appareil d’État, craignant depuis longtemps les perpétuelles interventions de l’extérieur, craint désormais le changement.

Il est essentiel de reconnaître ce caractère dual et de ne pas excuser ni d’ignorer tous les problèmes qui en découlent.

La Syrie a assumé le fardeau supplémentaire de nourrir et d’héberger plus de 500.000 réfugiés palestiniens et leurs descendants ces 63 dernières années. Les conditions sont meilleures que dans n’importe quel pays avoisinant parce que, contrairement à ce qui se passe au Liban et en Jordanie, les soins de santé, l’éducation et le logement sont accessibles aux Palestiniens vivant en Syrie.

L’impact de la guerre en Irak

L’invasion et la destruction massive par les États-Unis du pays voisin, l’Irak, la discussion entre Bush et Blair d’une semblable agression contre la Syrie en 2003 et les nouvelles sanctions très dures contre la Syrie ont encore accru l’intensité des pressions.

Mais le facteur le plus destructeur n’a jamais été discuté dans les médias traditionnels : plus de 1.500.000 Irakiens ont afflué en Syrie afin d’échapper à l’occupation américaine de ces huit dernières années.

Ceci a eu une importante influence sur un pays dont la population était de 18 millions d’habitants en 2006. Selon un rapport sorti en 2007 par le bureau du haut commissaire américain pour les Réfugiés, l’arrivée quotidienne de 2000 Irakiens désespérés a eu un impact extrême sur toutes les facettes de la vie en Syrie, particulièrement sur les services proposés par l’État à tous ses citoyens et à tous les réfugiés.

La Syrie a le plus haut niveau de droits civiques et sociaux pour les réfugiés, dans toute la région.

D’autres pays des alentours exigent un minimum de solvabilité bancaire et expulsent les réfugiés nécessiteux.

L’arrivée inattendue de ces réfugiés irakiens a eu un impact dramatique sur les infrastructures, sur les écoles primaires et supérieures à la gratuité garantie, sur les soins de santé gratuits, sur la disponibilité des logements et sur les autres domaines de l’économie. Elle a provoqué une hausse des prix dans toute l’alimentation. Les prix des denrées alimentaires et des biens de première nécessité ont augmenté de 30 pour 100, les prix des propriétés de 40 pour 100 et les prix des loyers de 150 pour 100.

Les réfugiés irakiens ont également bénéficié de la part de l’État syrien de subsides pour le carburant, la nourriture, l’eau et autres produits essentiels pour tout le monde. Une telle masse de personnes sans emploi a amené une baisse des salaires et a augmenté la concurrence autour des emplois. L’impact du ralentissement économique mondial durant cette période difficile a encore aggravé les problèmes. (Middle East Institute, 10 décembre 2010, rapport sur la Coopération au profit des réfugiés).

Les États-Unis ont créé la crise des réfugiés, qui a amené le déplacement de plus de 25 pour 100 de la population irakienne en raison des violences sectaires. Pourtant, ils acceptent le nombre le plus bas de réfugiés et ils ont contribué aux frais des secours des Nations unies pour une somme moindre que le coût d’un seul jour de guerre en Irak. Les sanctions américaines contre la Syrie ont encore accru la désorganisation économique du pays.

Tout cela a accru la conscience du gouvernement et du peuple de Syrie à propos des dangers de l’occupation américaine et de la déstabilisation interne et du bain de sang qui pourraient venir de la violence sectaire attisée par les États-Unis.

Washington prétend être ennuyé à propos de l’instabilité qui règne en Syrie. Mais l’impérialisme américain en tant que système est amené à créer l’instabilité. La domination et le pouvoir débordants de l’armée et des sociétés pétrolières sur l’économique américaine et les énormes profits résultant des contrats militaires renforcent cette motivation à rechercher des solutions militaires.

Chaque déclaration faite par le gouvernement syrien a reconnu l’importance de réaliser des réformes internes tout en maintenant en place l’unité nationale dans un pays extrêmement diversifié présentant des différences historiques sur le plan de la religion, des tribus et des régions, et qui héberge actuellement près de deux millions de réfugiés.

Les diverses nationalités, religions et groupes culturels en Syrie ont absolument le droit de faire partie de ce processus.

Mais ce dont ils ont le plus besoin, c’est que soit mis un terme à l’intervention constante et sans relâche des États-Unis.

Source : workers.org

Traduction : JMF / Investig’Action