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La condamnation d’Edgar Morin pour diffamation raciale cassée

samedi 15 juillet 2006

LE MONDE | 13.07.06 | 17h20 . Mis à jour le 13.07.06 | 17h21

La Cour de cassation a annulé, mercredi 12 juillet, la
condamnation pour « diffamation raciale » prononcée en 2005
contre le sociologue Edgar Morin, le député européen Sami
Naïr et l’écrivain Danièle Sallenave, qui avaient publié un
point de vue intitulé « Israël-Palestine : le cancer » dans Le Monde du 4 juin 2002, ainsi que contre Jean-Marie Colombani, directeur du quotidien.

Deux associations, Avocats sans frontières et France-Israël,
avaient engagé des poursuites contre le texte, visant deux
passages en particulier.

« On a peine à imaginer qu’une nation de fugitifs, issue du
peuple le plus persécuté de l’histoire de l’humanité (...)
soit capable de se transformer en deux générations en peuple
dominateur et sûr de lui et, à l’exception d’une admirable
minorité, en peuple méprisant ayant satisfaction à
humilier », affirmait le point de vue, ajoutant : « Les juifs
d’Israël, descendants des victimes d’un apartheid nommé
ghetto, ghettoïsent les Palestiniens. Les juifs, qui furent
humiliés, méprisés, persécutés, humilient, méprisent,
persécutent les Palestiniens. »

Le 12 mai 2004, le tribunal de Nanterre avait débouté les
plaignants, estimant que les propos incriminés « ne pouvaient
être appréciés isolément de la réflexion globale à laquelle
procédaient les auteurs ».

Celle-ci intervenait, selon les juges, dans « une situation
qui suscite légitimement le débat », et les propos visés
s’inséraient « dans un texte porteur d’un message politique ».

Mais, le 26 mai 2005, la cour d’appel de Versailles avait
infirmé ce jugement. La juridiction avait notamment
considéré que l’article était diffamatoire car il « imputait
à l’ensemble des juifs d’Israël le fait précis d’humilier
les Palestiniens (...) en stigmatisant leur comportement à
l’aune de leur histoire commune ».

Dans les jours qui avaient suivi cette condamnation, un
témoignage de solidarité avec Edgar Morin avait été lancé
dans Libération à l’initiative de Jean-Claude Guillebaud,
l’éditeur du sociologue, texte signé par quelque 150
personnalités et intellectuels.

La Cour de cassation annule la condamnation pour
« diffamation raciale », considérant que le texte publié
n’était que l’expression d’une opinion.

Selon elle, « les propos poursuivis, isolés au sein d’un
article critiquant la politique menée par le gouvernement
d’Israël à l’égard des Palestiniens, n’imputent aucun fait
précis de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la
considération de la communauté juive dans son ensemble en
raison de son appartenance à une nation ou à une religion,
mais sont l’expression d’une opinion qui relève du seul
débat d’idées ».

En ce sens, la cour d’appel de Versailles a, selon elle,
violé la loi sur la presse du 29 juillet 1881, mais aussi
l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l’homme sur la liberté d’expression.
Nathalie Guibert
Article paru dans l’édition du 14.07.06