Accueil > Sociétés Civiles à Parlement Européen > Cinq (5) coups de projecteur sur le Quatar (ndlr)

Source : LE TEMPS

Cinq (5) coups de projecteur sur le Quatar (ndlr)

Jeudi, 14 février 2013 - 7h05 AM AM

jeudi 14 février 2013

============================================

<

GOLFE lundi 11 février 2013

LE TEMPS

L’insaisissable Qatar

Par Luis Lema

Le petit Etat du golfe Persique est devenu un géant de l’industrie des hydrocarbureset utilise sa richesse pour gagner de l’influence dans les pays arabes mais également en Europe. Les hommes d’affaires suisses cherchent à pénétrer les juteux marchés du Qatar. Si le pays est très riche, le processus dans lequel sont prises les décisions reste très opaque
Le Qatar en fait-il trop ? « Cet Etat ressemble à un jongleur qui se serait mis à faire tourner quatre balles, puis cinq, puis six… », compare un observateur qui est lui-même trop proche de ce jongleur pour voir apparaître son nom ici. « Aujourd’hui, on ne sait pas si l’on doit s’éblouir devant tant de dextérité ou commencer à craindre le moment où ces balles tomberont par terre l’une après l’autre. »
Soutien massif aux Frères musulmans égyptiens (18 milliards de dollars promis pour ces cinq prochaines années) ; rôle de premier plan en Libye lors de l’intervention internationale, et désormais en Syrie, où le Qatar délivre armes et assistance à des groupes de la rébellion ; spectaculaire visite de l’émir en personne à Gaza, dans le bastion du Hamas palestinien… Des balles, en vérité, trop nombreuses pour être toutes comptées, auxquelles il faut encore ajouter, dans le désordre, des investissements massifs en Grande-Bretagne et en France, l’obtention, contestée, de la Coupe du monde de football de 2022, une présence supposée dans le nord du Mali aux côtés des brigades liées à Al-Qaida, et ailleurs dans le nord de l’Afrique (lire ci-dessous)…
Cette fébrilité diplomatique a une origine claire, selon ceux qui connaissent les recoins des palais de Doha : le 2 août 1990. En un tournemain, l’Irak de Saddam Hussein envahit le Koweït, pourtant son ancien petit allié, qui est alors un nain politique comparable au Qatar de l’époque. Certes, conduite par les Américains, une coalition internationale libérera le royaume saccagé. Mais la leçon est apprise par Hamad ben Khalifa al-Thani, l’émir actuel, qui débarquera même son propre père en vacances à Genève, pour en tirer les conséquences.
Deux axes pour le nouveau maître de l’émirat, situé en pleine zone sismique et coincé entre les deux géants que sont l’Arabie saoudite et l’Iran. Premièrement, finir de « s’amarrer » coûte que coûte à de grands protecteurs occidentaux, pour se mettre à l’abri des appétits de ses voisins. Ceci passera notamment par des accords de défense et de renseignement signés avec les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne. Deuxième axe : trouver grâce auprès des populations arabes qui, à l’image des Frères musulmans, n’avaient montré aucun empressement à venir en aide aux riches et arrogants princes koweïtiens face à l’Irak.
Le coup de génie, c’est, en 1996, la création de la chaîne de télévision Al-Jazira, qui placera le Qatar au centre du monde arabe. Une rédaction professionnelle et puissamment équipée servira de caisse de résonance à tous les combats des peuples de la région, à deux exceptions notables : les Bahreïnis chiites, dont le régime est trop proche de l’Arabie saoudite, et… les Qataris, un peuple devenu de plus en plus inexistant à mesure que leur propre pays prenait de l’importance dans le monde.
Tout était en place lorsqu’ont débuté les premières floraisons du Printemps arabe, et c’est là que les balles ont commencé à se multiplier pour le jongleur. Il n’était pas question de passer à côté de la grande vague montante des Frères musulmans, et encore moins de se faire submerger par elle. Au Caire, à Gaza, en Syrie, c’est le cheval sur lequel a misé l’émir, seul personnage réellement significatif, aux côtés de la deuxième de ses trois femmes, Cheikha Mozah bint Nasser al-Missned, une « roturière » d’origine égyptienne devenue un élément central du régime, dont elle s’occupe de l’image culturelle grâce à sa fondation, et de Hamad ben Jassem al-Thani, à la fois premier ministre et chef des Affaires étrangères.
Cette manière d’accompagner, voire de provoquer, une certaine islamisation des révolutions a entraîné des dissensions jusqu’au sein même d’Al-Jazira, où certains journalistes vedettes, comme Ghassan ben Jeddou, ont récemment claqué la porte. « Al-Jazira, comme le Qatar, est désormais sous l’emprise de Youssef al-Karadawi », note un dissident de la chaîne, en référence à la star de la prédication islamique, interdit d’entrée dans bon nombre de pays occidentaux et même arabes, mais dont les émissions sont suivies par des dizaines de millions de téléspectateurs. Aujourd’hui, retour de manivelle : si Al-Jazira s’est aliéné une partie du monde arabe, en Egypte ou en Tunisie, c’est plutôt la plus moderne, celle qui a vu sa révolution « confisquée » par les religieux.
Mais si cette évolution trouble un peu l’image actuelle du Qatar, l’émir peut encore compter sur ses soutiens tous azimuts. En plus de multiplier des investissements d’autant plus bienvenus en temps de crise, Doha sert de centre dans un réseau d’intérêts qui visent à garantir sa propre nécessité : entre Israël et le Hamas, entre l’Iran et les Etats-Unis, au Soudan, en Afghanistan où il sert de pont entre les talibans et les Occidentaux… A quoi s’ajoute, sans doute, un rôle en marge de l’intervention française au Mali.
Malgré sa frénésie, l’émir Al-Thani prend bien soin de ne jamais faire trop d’ombre à son grand voisin saoudien, avec lequel il partage l’idéologie wahhabite. Au contraire, c’est récemment en son nom que Doha a fait ressurgir l’initiative arabe, qui vise à trouver la paix avec Israël, quitte à se trouver une nouvelle fois en porte-à-faux avec son assise islamiste. De même, si la visite de l’émir à Gaza (une première !) n’a pas même provoqué un haussement de sourcils à Washington, c’est que les Etats-Unis, comme la France, sont heureux aujourd’hui de pouvoir compter sur un allié « convenable », et immensément riche, au sein d’un monde arabe qui craque de partout.

© 2013 Le Temps SA


Editorial lundi11 février 2013

LE TEMPS

Qatar : le jeu trouble

Par Par Pierre Veya

Assis sur de gigantesques réserves de gaz, dans un monde qui en brûle toujours plus, le Qatar est devenu, en quelques années, un géant des hydrocarbures et un acteur influent sur la scène géopolitique
Assis sur de gigantesques réserves de gaz, dans un monde qui en brûle toujours plus, le Qatar est devenu, en quelques années, un géant des hydrocarbures et un acteur influent sur la scène géopolitique. Il investit par milliards, en Europe mais également en Suisse, soutient des dissidences dans les pays musulmans, financerait des groupes armés au Mali et vient de racheter un bout de la dette que l’immense Egypte ne parvient plus à honorer. Sa chaîne de TV Al-Jazira a tenu en haleine les peuples en rébellion contre les tyrans tombés lors du Printemps arabe. Bref, ses fonds et donations inondent le monde mais sans que l’on sache exactement les buts recherchés, sinon des alliances pour se protéger de puissants voisins, notamment iranien avec qui le Qatar partage le privilège redoutable de puiser dans le même bassin d’or gris.
A l’évidence, le Qatar, qui jouit au plan interne d’une très grande stabilité, occupe un espace d’autant plus important que bon nombre de pays arabes sont en crise, instables ou incapables des plus élémentaires réformes sociales. Les Qataris, à l’inverse, foncent ; ils ont quarante années devant eux pour transformer leurs revenus gaziers et pétroliers en richesses économiques durables. Y parviendront-ils ? Beaucoup de petits pays comparables ont tenté l’aventure. Peu y sont parvenus car les milliards coulés dans les tours en béton ne suffisent pas à bâtir une économie moderne qui valorise avant tout le capital immatériel, notamment la science et les technologies. Certes le Qatar fait les yeux doux à toutes les grandes universités mondiales mais les retombées concrètes sont encore très rares, pour ne pas dire inexistantes. Enfin, la géopolitique du gaz pourrait réserver de mauvaises surprises aux grands producteurs, confrontés à l’exploitation de gisements locaux qui pourraient faire chuter les prix dans des proportions comparables à une grande récession mondiale, à laquelle aucun Etat pétrolier, aussi riche soit-il, n’est préparé.

© 2013 Le Temps SA


Commerce lundi11 février 2013

LE TEMPS

La Suisse, le Qatar de l’Europe ?

Par Servan Peca De retour de doha

Il paraît que les deux pays sont faits pour se comprendre, et donc pour commercer ensemble

Jeudi 31 janvier. Au lendemain de l’inauguration de leur bureau qatari, à Doha, les responsables de l’office de promotion des exportations suisses (OSEC) scrutaient la presse locale. Dans le Gulf Times, l’événement figurait en page 2 du cahier « business », photo à l’appui. « C’est une super couverture médiatique », s’est enthousiasmé Chris Watts, directeur pour l’Inde, le Moyen-Orient et l’Afrique.
S’ils sont satisfaits, c’est parce que des précédents ont eu nettement moins d’écho. Aux Etats-Unis ou dans certains pays européens, il est bien plus difficile de susciter l’intérêt, confie Daniel Küng, directeur général de l’OSEC. Et un industriel, habitué de ce type de voyages, d’expliquer le succès suisse au Qatar. « Les deux pays sont un peu comme les « intellos » que l’on méprisait à l’école, image-t-il. Ils sont petits et isolés, ils agacent, ils font tout juste ». Ainsi, le Qatar serait au Moyen-Orient ce que la Suisse est à l’Europe.
L’autre lien émotionnel, c’est l’ambassadeur Martin Aeschbacher qui le souligne : « Le cheikh Faisal Bin Qassim al-Thani [président de la très puissante Al Faisal Holding, ndlr] est venu se faire soigner en Suisse pour la première fois il y a 57 ans déjà. » Ces visites touristico-médicales sont impossibles à dénombrer mais, c’est acquis, elles sont régulières. D’ailleurs, en 1995, lorsque l’émir Hamad ben Khalifa al-Thani, encore en place au¬jour¬d’hui, destitue son père, celui-ci se trouve alors en Suisse…
« L’amour de la qualité »
Les deux pays se comprennent et se connaissent, donc. Est-ce suffisant pour créer une relation commerciale privilégiée ? Non, mais « nous avons un point commun, a aussi répété Daniel Küng à ses interlocuteurs qataris. La quête de l’excellence, l’amour de la qualité… ». Par là, il entend que les produits suisses répondent bien à la volonté de l’émirat de s’équiper avec ce qu’il y a de meilleur. « Combiner nos ressources avec le savoir-faire et la technologie suisses va sans aucun doute accélérer notre développement », a aussi déclaré Rashid al-Khater, du Ministère du commerce et de l’industrie.
En toile de fond, il y a aussi l’imminente entrée en vigueur d’un accord de libre-échange entre l’AELE (Suisse, Norvège, Liechtenstein, Islande) et les six pays membres du Conseil de coopération du Golfe, que les Emirats arabes unis tardent encore à ratifier.
En attendant, la Suisse a déjà exporté pour 538 millions de francs au Qatar l’an dernier. C’est un peu plus qu’en Iran, par exemple, mais c’est surtout 40% de plus qu’en 2011. Pour moitié, ce sont des montres, des bijoux et des métaux précieux. Le Qatar, lui, a exporté pour 192 millions de biens vers la Suisse en 2012 (+46%).
En termes d’investissements, les chiffres 2011 restent confidentiels, nous indique la Banque nationale suisse, « en raison du nombre restreint d’opérations », qui permettrait d’identifier trop facilement les montants engagés individuellement par Doha dans le pays.
Selon nos informations, les investissements de la filiale suisse de Katara Hospitality, l’entité chargée d’investir dans l’hôtellerie, qui détient déjà l’hôtel Schweizerhof de Berne, le Royal Savoy de Lausanne et le Bürgenstock (Nidwald), se montent à un milliard de francs. Dont près de la moitié pour le seul site hôtelier de suisse centrale .

© 2013 Le Temps SA


Qatar lundi11 février 2013

LE TEMPS

Quand des Suisses tentent de cerner l’émirat

Par S. P.

A Doha, on se bouscule pour gagner des contrats. Entre complexité et contradictions
Que veut le Qatar ? Tandis que ses ambitions internationales désta¬bilisent, ses méga-projets d’in-frastructures domestiques, eux, ¬rassemblent. Des dizaines de délégations, des centaines d’entreprises convergent à Doha pour s’arroger une part de l’énorme gâteau que l’émirat pose sur la table. Quelque 225 milliards de dollars de mandats sont à prendre, à moyen terme. Et le rythme s’accélère, puisqu’en 2022 le Qatar accueille la Coupe du monde, et qu’en l’état, la capitale ressemble à un grand chantier ensablé. Des grues par centaines, quelques routes principales, un trafic pas si dense mais mal régulé. Des quartiers biens finis avec pelouses verdoyantes, et d’autres qui restent parsemés de pavillons aux allures provisoires.
Fin janvier, une dizaine d’entrepreneurs suisses ont voulu défricher les intentions du petit Etat aux mille et une opportunités. Emmenés par l’office de promotion des exportations (OSEC), ils y ont découvert un marché ouvert et complexe, ambitieux et convoité.
L’équité intergénérationnelle
« Comment faire en sorte que les ressources d’aujourd’hui soient transformées en ressources pour les générations futures ? On travaille pour l’équité intergénérationnelle. » Voici comment, formellement, l’émirat, plus précisément Frank Harrigan, justifie la stratégie nationale.
Pour en savoir plus, l’Australien, responsable du développement économique qatari renvoie à trois lettres et une date : QNV 2030, pour « Qatar National Vision » 2030. Des ambitions économiques, sociales, environnementales et humaines détaillées qui s’étalent dans le document de 290 pages.
Dans les faits, le Qatar veut s’émanciper des hydrocarbures. Les priorités : le développement des activités liées au raffinage et à la liquéfaction du gaz… Et sinon ? la ¬finance, les techniques environnementales ou la R&D, dans la santé ou les télécoms. Mais le Qatar a aussi des ambitions plus clinquantes. « Il y a des projets dans l’aérospatiale, bien que ce ne soit pas viable », dixit Frank Harrigan.
Sur le papier, transparent
La santé, la recherche et les « greentechs ». Les Suisses ont bien noté. « Et maintenant, comment procéder ? » a demandé Daniel Küng, directeur de l’OSEC. « Il faut s’adresser au Ministère du commerce, en tout cas pour les grands projets », hésite Frank Harrigan. Les responsables de l’organisation de la Coupe du monde, eux, n’ont même pas voulu savoir ce que les Suisses savaient bien faire. Ils les ont invités à s’inscrire sur leur site internet, « qui n’existe pas encore, mais bientôt ».
Ashgal, l’entité publique qui gère les projets d’infrastructures (routes, rail, canalisations, hôpitaux…), leur conseille de « surveiller les journaux et notre site internet. Chaque semaine, nous y publions des appels d’offres », explique l’un de ses cadres, Saoud Ali Al Tamimi. Et l’ingénieur de souligner la transparence de ces procédures, qui « permet de stimuler la concurrence et de choisir les meilleurs ». On apprend ainsi qu’Implenia est « préqualifié » pour le creusement du tunnel qui abritera la ligne rouge du métro, au nord de Doha. Le processus dure depuis des mois, l’entreprise zurichoise a même envoyé un « responsable des appels d’offres » au Qatar pour suivre le dossier. Lui-même peine à savoir quand tombera le verdict. « D’abord la technique, ensuite la question financière », jurent les responsables d’Ashgal.
Une caution locale sinon rien
Dans cette grande foire aux compétences, tout le monde a sa chance. En théorie. Pour les PME, la réalité est plus compliquée. « Pour les grands projets, le Qatar privilégie les multinationales, les noms connus », peste un consultant en ingénierie fraîchement installé. « Si vous êtes choisi et que vous répondez à leurs attentes, ils deviendront fidèles », lui promet celui qui est devenu « le contractant préféré de Qtel », l’opérateur télécoms. Pour ne rien faciliter, tout étranger souhaitant exercer sur sol qatari doit avoir un « sponsor » local qui détient 51% du capital de l’entité. Mais ces mariages « ne signifient pas que le sponsor dirige, ni qu’il touche 51% du bénéfice, précise l’avocat Khalifa Al-Misnad. Il est souvent une simple caution. »
Ils sont plusieurs à déplorer cet impératif. Parce qu’un bon partenaire n’est pas simple à trouver. Ryan Mifsud, un Maltais actif dans le nettoyage industriel, a patienté trois ans. Un temps nécessaire, précise-t-il, pour avoir un associé qui a un bon réseau et qui ne décidera pas, sans crier gare, de se retirer de l’affaire. Ce qui n’est visiblement pas si rare…
Un quartier sans financiers
Il est possible de s’installer sans sponsor. Dans les secteurs que Doha veut promouvoir : la technologie et la finance, notamment. Et cette dernière a bien besoin de facilités. Le Qatar Financial Centre (QFC) peine à éclore. « Le concept est bien défini mais, en pratique, il manque de consistance », dit poliment un avocat d’affaires, avant de raconter qu’un client qui souhaitait créer un fonds a été invité à revenir dans six mois. « A Singapour, il ne faut que quelques jours », sourit-il.
Sur le terrain, cette inconsistance est palpable. Des dizaines de tours de QFC paraissent amorphes. HSBC est visible, mais où sont les autres ? Premier constat, les plus grands édifices abritent des entités gouvernementales, des ministères. Autre évidence : à la sortie des bureaux, les trottoirs du « Wall Street » de Doha ne sont pas spécialement inondés de « trois pièces-cravate ». Dans une des tours, le réceptionniste du vaste hall d’entrée avoue : des étages sont vides. Combien ? Silence. « Aucune des tours principales n’est complètement occupée, explique une expatriée, au pied de l’une d’elles. La presse a récemment raconté que des lumières étaient allumées dans des étages vides, pour feindre de l’activité. »
Il y a pourtant du potentiel. « Les jeunes veulent travailler dans la finance ou le conseil et pas mettre les mains dans le cambouis, reprend Frank Harrigan. Le Qatar deviendra une société de services. »
La surchauffe en embuscade
Et de toute façon, témoigne un cadre dans la construction, les coûts fixes sont si élevés que pour rester compétitif, « nous travaillons avec des étrangers ». Son entreprise emploie Indiens, Philippins, Tunisiens, Egyptiens. Pas un Qatari.
L’évolution des prix est un problème. Selon le FMI, l’inflation devrait atteindre 5% en 2016. Avant les Jeux asiatiques de 2006, il y a déjà eu surchauffe. « On craint que cela ne se reproduise d’ici à 2022 », avance un expatrié suisse. D’où les retards dans certains projets, comme l’aéroport ou les autoroutes. « Il y a deux ans, on nous a dit qu’elles seraient prêtes dans deux ans », sourit un chauffeur de taxi originaire de Delhi. Les goulots d’étranglement, c’est son quotidien. Comme celui du Qatar.

© 2013 Le Temps SA


Qatar lundi11 février 2013

LE TEMPS

Du gaz, des riches et des migrants

Par S. P.

L’émirat est encore très dépendant de ses hydrocarbures, et de ses travailleurs étrangers
Avec ses 160 km de long et 80 de large, le Qatar ne s’étend que sur 11 500 km2, soit l’équivalent des cantons de Berne et du Valais réunis. Il est « le pays le plus riche du monde », aime-t-on à répéter à Doha. D’après les données du FMI pour l’année 2011, l’émirat est en fait deuxième dans le classement du PIB par habitant – avec 98 144 dollars. Derrière le Luxembourg et devant la Norvège et la Suisse (4e). Ce chiffre devrait atteindre 112 000 dollars d’ici à 2015.
Son économie reste extrêmement dépendante des hydrocarbures. La moitié de son PIB et environ 80% de ses recettes fiscales y sont encore liées. Avec 119 milliards de m3 de gaz exportés en 2011, soit près d’un quart des échanges mondiaux, le Qatar est le 2e plus gros exportateur, derrière la Russie (196 milliards de m3). Il profite notamment de l’arrêt des centrales nucléaires au Japon (116 milliards de m3 importés), mais ne cesse d’inaugurer des nouvelles destinations, notamment à Singapour et en Chine.
L’entrée en scène du gaz de schiste pourrait toutefois bouleverser l’ordre établi. L’Amérique, d’abord destinée à devenir sa première cliente, ne le sera probablement jamais. Et l’Australie pourrait passer premier fournisseur mondial dès 2017, selon une étude de Bank of America-Merrill Lynch.
En attendant, l’émirat se porte bien. Sa croissance réelle devrait avoir atteint 6,2% l’an dernier (nominale : +14,7%). Mais les économistes du FMI ont prévenu, fin janvier : la baisse des prix des hydrocarbures et les potentielles interruptions du trafic marchand liées aux tensions géopolitiques dans la région sont les principaux risques pour le Qatar. Il s’attend ainsi à ce que la croissance ralentisse à quelque 5% en 2013. A moyen terme, ses secteurs liés au gaz et au pétrole devraient évoluer entre –1,1 et 3,5%. Tandis que les domaines « hors hydrocarbures » devraient, eux, croître de 9 à 10%. Ce qui a déjà été le cas en 2012.
La population, elle, progresse à une vitesse supérieure à 4% par an. Ils étaient 460 000 à vivre au Qatar en 1993. Ils sont aujourd’hui près de 1,7 million. Les locaux représentent à peine 10% des résidents. Cette évolution est donc surtout le fait de travailleurs immigrés, présents dans les hautes sphères technocratiques comme pour les basses tâches.
Celles-ci sont surtout honorées par des migrants d’Asie du Sud. L’ONG Human Rights Watch a d’ailleurs dénoncé la semaine dernière, entre autres, le statu quo sur la « kafala » – un système de parrainage des employeurs qui interdit aux immigrés de changer de travail ou de quitter le pays sans l’autorisation de leur patron. Sous peine d’être arrêtés.
Dans un pays où le chômage ne s’élève qu’à 0,4%, les Qataris actifs, au nombre de 71 000 environ, ne fournissent que 5% de la masse des travailleurs. Et plus de la moitié d’entre eux sont employés dans le secteur public. Mais la privatisation de l’économie fait partie intégrante de son développement, promet un conseiller du gouvernement.

© 2013 Le Temps SA