Accueil > Sociétés Civiles à Parlement Européen > Quand Leila Shahid met les points sur les i (ndlr)

Adresse aux « politicards » (voir Petit Robert) (ndlr)

Quand Leila Shahid met les points sur les i (ndlr)

Dimanche, 3 février 2013 - 13h11

dimanche 3 février 2013

============================================

class="twitter-follow-button" data-show-count="false"
data-lang="fr">Follow @PalestinePlus

<

Le Jeudi : « Israël vient d’élire un nouveau Parlement, quelle est votre analyse ? »

Leila Shahid : « Il y a des surprises.

La première, c’est que M. Netanyahou, qui a anticipé ces élections
(NDLR : prévues initialement our octobre 2013) en pensant
qu’il allait sortir renforcé dans son alliance avec Beitenou
(NDLR : extrême droite nationaliste), en sort affaibli avec 11 députés
de moins.

Cela montre que les prévisions, même les plus arrogantes, comme
celles de Netanyahou, sont remises en cause par la volonté des citoyens.

J’ai le sentiment que c’est une petite raclée que la population a voulu lui administrer.

Par ailleurs, les sondages prévoyaient un meilleur résultat à Naftali Bennet (NDLR : ultranationaliste religieux), et pas forcément à la jeune formation de Yaïr Lapid (NDLR : centre).

On peut voir un signe de redistribution des cartes politiques au sein de la société israélienne qui est profitable aux laïcs progressistes. En effet,
Yaïr Lapid a eu le courage de s’opposer ouvertement aux tendances
religieuses les plus extrémistes qui ont acquis beaucoup de poids ces
dernières années dans la société israélienne.

Malheureusement, il n’a pas consacré beaucoup de place aux questions de politique étrangère et en particulier à la relation d’Israël avec les Palestiniens. »

Le Jeudi : « Pourquoi cette question fut-elle absente des débats ? »

L. S. : « Lapid n’en a pas parlé parce que les questions qui préoccupent
avant tout en Israël – comme dans les pays arabes qui l’entourent –, ce sont celles du chômage, de la religion en politique et du logement. C’est ce qui a fait descendre presque un million d’Israéliens dans la rue en 2011.

Pour la première fois dans l’histoire d’Israël, il y a des vrais pauvres ;
24% de la population vit sous le seuil de pauvreté.
Il est donc légitime que la question sociale ait une place importante,
mais il y a quelque chose qui est de l’ordre du déni de la réalité, car il ne faut pas être Einstein pour savoir que la question des pourparlers avec les Palestiniens est existentielle.

 » Le Jeudi : « Le conflit à Gaza a tout de même pesé sur les élections... »

L. S. : « M. Netanyahou a perdu des voix avec l’attaque contre Gaza, cela a révélé que pour des raisons électoralistes, il est prêt à faire prendre des risques à Israël.

M. Netanyahou est aussi prêt à dépenser beaucoup d’argent pour
préparer une attaque contre l’Iran, on parle de 2 milliards de shekels
(NDLR : 400 millions d’euros), les Américains l’ont bloqué et l’armée
a dit à Netanyahou qu’elle ne ferait rien sans les Etats-Unis, lesquels
préfèrent s’en tenir aux sanctions.

Cette discussion financière va devoir être mise sur la table. Comment
fait-on pour dégager plus de budget pour le logement, le social, la pauvreté ? Il faut réduire le budget militaire ! Personne n’ose le dire, mais Netanyahou, par son opportunisme cynique, a libéré cette discussion-là. »

Le Jeudi : « Qu’a changé la reconnaissance de la Palestine à l’ONU comme Etat observateur non membre ?
 »
L. S. : « Ce conflit, avec sa négociation et la réflexion sur sa solution,
a 65 ans. Il ne faut pas se limiter au dernier chapitre, il faut le voir dans sa continuité historique.

Nous avons commencé ce conflit en 1947. Pendant vingt ans, on nous a dit : "Restez tranquilles ! Les armées arabes, les Nations unies, Israël vont résoudre le problème de ces malheureux réfugiés." Nous avons attendu vingt ans, rien ne s’est passé. Nous avons fondé l’OLP, un mouvement national armé et politique.

Ce mouvement, pendant ces vingt ans, a lutté par la guérilla, par des opérations militaires dont certaines relèvent de la résistance légitime,
alors que d’autres sont terroristes, parce qu’elles s’attaquent à des civils.

Puis, nous avons décidé d’arrêter la lutte armée et essayé la négociation politique. Nous avons signé les accords d’Oslo et de 1993 à 2013, nous avons mené des négociations bilatérales qui n’ont malheureusement
mené à rien du tout.

Aujourd’hui, nous revenons au lieu qui, par définition, doit trouver la solution : les Nations unies.

Nous rappelons au monde qu’il y a un cadre pour trouver la solution. Ce
sont les résolutions qui délimitent la frontière, l’espace, la capitale et
les droits inaliénables des peuples.

Ce n’est pas du jargon onusien, c’est une réalité, le seul lieu qui a
légitimé un Etat israélien, c’est l’ONU. »

Lâcheté européenne

Le Jeudi : « Mais pour que cela soit réellement efficace, il faut une volonté
politique... »

L. S. : « Précisément. Cette reconnaissance est un instrument qui attend la volonté politique internationale pour être traduit en réalité, pour mettre fin à l’occupation militaire et donner la souveraineté à ce territoire.

Tous les membres de la communauté internationale sont concernés, et Israël est passible de sanctions, parce que tributaire du droit nternational.

Les Européens me font rire. Ils écrivent de très bonnes résolutions
dans leur conseil Affaires étrangères et le lendemain, ils vont signer des
contrats commerciaux qui donnent à Israël tous les avantages qu’il demande
.

L’UE est le principal partenaire commercial d’Israël. Il y a beaucoup
de lâcheté dans la position des Etats membres. »

Le Jeudi : « Certains disent que la solution à deux Etats n’a plus de
sens. Qu’en pensez-vous ? »

L. S. : « A quoi sert-il de parler de solution à deux Etats lorsque Israël
grignote l’espace qui doit devenir l’Etat palestinien ? Il faut que
l’UE reconnaisse que la colonisation est une stratégie de sabotage
dont la logique est d’empêcher la création d’un Etat palestinien. Logique
que le monde refuse malheureusement de voir. »

Le Jeudi : « Sur le terrain, la réalité semble plus compliquée... »

L. S. : « La réalité palestinienne n’est pas compliquée, elle est plombée
par l’impunité d’Israël. C’est simple, il suffit de prendre une sanction sur les plans diplomatique, économique et commercial pour que la colonisation s’interrompe.

Mais au-delà des colonies, il faut aussi que le mur tombe. Depuis 2004, alors que le mur ne faisait même pas 50 km de long, la Cour internationale de justice de La Haye exige son démontage et des compensations pour ceux qui ont perdu des territoires. Il y a une
décision qui a été entérinée par tous vos Etats européens mais personne
ne l’applique !

Non seulement le mur n’a pas été démoli, mais il est passé de 50 à
350 km et 700 sont prévus au total.

Entre les colonies, le mur et la zone militaire du Jourdain, Israël est en train de prendre 70% de la Cisjordanie. Et aucune compensation
n’a été accordée ! »

Le Jeudi : « Selon vous, la communauté internationale est donc largement
responsable du problème ? »

L. S. : « La viabilité de notre Etat dépend de la manière dont la communauté internationale protège ce territoire. A quoi sert la reconnaissance, le 29 novembre dernier, de l’Etat de Palestine avec sa frontière – celle de 1967 –, avec sa capitale – Jérusalem-Est – et la reconnaissance par les 138 Etats de l’ONU de cet Etat si, par après, on ne le protège pas contre la colonisation et contre le mur ?

Il y a un manque de cohérence dans la politique des Etats. »

Le Jeudi : « Le tribunal Russell sur la Palestine constitue-t-il une initiative
citoyenne capable de contourner cette incohérence ? »

L. S. : « Ce n’est pas parce que les Etats veulent faire la politique de
l’autruche que les citoyens ne peuvent pas dire le droit. Puisque,
pour les Etats, la raison d’Etat est plus forte que la justice, en tant
que citoyens, disons le droit ! Mettons ces instruments au service de
ceux qui veulent vraiment la paix !

C’est cela, le tribunal Russell sur la Palestine. Les résultats des travaux du tribunal seront présentés début mars.

Les Etats pourront les utiliser pas seulement devant la Cour pénale
internationale mais aussi dans les chancelleries diplomatiques.

Ou bien on se réfère au droit ou bien c’est la loi du plus fort qui prévaut.
Pourquoi l’islam a-t-il pris une telle importance ? Pourquoi est-il devenu tellement sanguinaire ? Pourquoi le djihadisme se développe- t-il autant ?

Parce qu’on a abandonné le droit international. Vous ne pouvez pas
d’un côté faire une exception pour l’Etat d’Israël lorsqu’il utilise la
force et le terrorisme d’Etat et, de l’autre, dénoncer le terrorisme seulement lorsqu’il est djihadiste.

Le seul moyen de combattre le fondamentalisme, c’est de rappeler
la primauté du droit parce qu’il place chaque peuple et chaque citoyen
sur un plan d’égalité. »

PROPOS RECUEILLIS PAR OLIVIER TASCH