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Les confessions des espions du Shin Beth secouent Israël

Vendredi, 18 janvier 2013 - 7h02 AM

vendredi 18 janvier 2013

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Par Adrien Jaulmes

Dans The Gatekeepers, les témoignages de six anciens chefs du Shin Beth sont entrecoupés d’images d’archives et de reconstitutions. Crédit photo : Les Films du Poisson Dror Moreh Productions Cinephil
Dans un documentaire, The Gatekeepers, sélectionné pour les Oscars, d’anciens chefs du service de renseignements dévoilent leurs méthodes et jugent que la répression face aux Palestiniens mène à l’impasse.

Correspondant à Jérusalem

Ils ne sont ni des pacifistes ni des idéalistes, mais des professionnels du renseignement et de l’action. Aucun n’a jamais laissé de scrupules moraux interférer avec ses décisions ni n’a reculé devant des méthodes expéditives pour lutter contre l’activisme palestinien.

Pourtant, tous reconnaissent que la politique sécuritaire israélienne dans les Territoires occupés n’est pas viable à long terme. « Ce n’est que de la tactique, pas de la stratégie », résume l’un d’entre eux. Ils savent d’autant mieux de quoi ils parlent qu’ils ont été depuis trente ans les principaux responsables de sa mise en œuvre.

Le documentaire Israel Confidential (The Gatekeepers, dans sa version anglaise), du réalisateur israélien Dror Moreh et financé en grande partie par la société française Les Films du Poisson, est basé sur les témoignages des six anciens chefs du Shin Beth, le service du renseignement intérieur israélien : Avraham Shalom, Yaakov Peri, Carmi Gillon, Ami Ayalon, Avi Ditcher et Yuval Diskin.

Entrecoupés d’images d’archives ou d’étonnantes reconstitutions dynamiques réalisées à partir de photos d’époque, leurs témoignages constituent un document exceptionnel qui va à l’encontre de beaucoup d’idées reçues et pose avec une acuité nouvelle la question de l’occupation des Territoires palestiniens par Israël.

« Dans la guerre contre le terrorisme, il n’y a pas de morale »

Ces hommes portent un regard froid de professionnels sur leurs propres actions. Ils n’occultent rien de leurs méthodes - recrutement d’informateurs, emploi de techniques d’interrogatoires relevant de la torture, assassinats ciblés -, qu’ils considèrent comme justifiées par leur mission.

« Dans la guerre contre le terrorisme, il n’y a pas de morale », souligne Avraham Shalom. Cet homme aux allures de paisible retraité avait pourtant été obligé de démissionner après le scandale du bus 300 en 1984, lorsque la presse avait révélé que deux des Palestiniens qui avaient détourné le car et ses passagers avaient été froidement assassinés après l’assaut des commandos israéliens, alors qu’ils étaient déjà prisonniers. « Le problème, c’était qu’il y avait des journalistes », dit seulement Avraham Shalom.

Le film évoque les assassinats ciblés, avec des images effrayantes de bombes qui explosent silencieusement sur des films en noir et blanc tournés par des drones au-dessus de Gaza. « Il y a parfois très peu de temps pour prendre une décision, alors que l’on est capable de tuer comme ça, en un instant », dit Carmi Gillon.

Il aborde aussi la grave crise traversée par le Shin Beth dans les années 1990, lorsque le service se révèle incapable de prévenir l’assassinat de Yitzhak Rabin. Les anciens chefs du service évoquent leur désarroi devant la clémence dont ont bénéficié depuis les activistes d’extrême droite de la Jewish Underground, dont l’idéologie a inspiré l’assassin du premier ministre, et qui projetaient de faire exploser le Dôme du Rocher à Jérusalem.

« On doit discuter avec tout le monde »

Mais le plus troublant reste la conclusion qu’ils tirent de leur expérience. Ces hommes, qui ont passé toute leur carrière à rassembler, analyser et exploiter tous les renseignements possibles sur les Palestiniens et à monter des opérations clandestines visant à décapiter les organisations d’activistes, arrivent tous au même constat : « On gagne toutes les batailles, mais on perd la guerre. » La répression n’est pas la solution.

« Nous nous contentons de maintenir les flammes au plus bas niveau possible, afin de permettre au gouvernement de prendre des décisions. Mais nous n’avons jamais réglé le problème », dit l’un d’eux.

Aucun d’entre eux n’a une vision très optimiste du futur. Et tous admettent continuer à réfléchir après leur retraite. « À la fin, on finit par devenir un peu de gauche », plaisante Yaakov Peri. Ils sont en faveur de négociations, sans exclure personne, y compris le Hamas. « On doit discuter avec tout le monde, c’est un principe de base dans notre métier », dit l’un d’eux.

Certains sont déjà allés plus loin que les autres et ont tiré les conséquences de leurs réflexions. Ami Ayalon avait, en 2002, en pleine intifada, élaboré un plan de paix avec l’intellectuel palestinien Sari Nusseibeh. Plus récemment, Yuval Diskin s’est opposé aux préparatifs d’action militaire de Nétanyahou contre l’Iran et a donné ces dernières semaines plusieurs interviews où il décrit le premier ministre comme un dangereux irresponsable. La sortie du film en pleine campagne électorale a déjà fait beaucoup de bruit en Israël. Il a été sélectionné en finale des Academy Awards, par le Festival de Sundance et figure parmi les favoris pour l’oscar du meilleur documentaire.