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Résistance, mode d’emploi (ndlr)

ab al-Shams : les Palestiniens à l’assaut de leurs occupants !

Mardi, 15 janvier 2013 - 20h54

mardi 15 janvier 2013

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Jonathan Cook

Quand l’Autorité Palestinienne de Ramallah a gagné son statut d’État membre observateur aux Nations Unies en novembre, les nombreux sceptiques des deux côtés se sont demandés quels avantages pratiques y gagneraient les Palestiniens. Leurs doutes sont toujours d’actualité.Mahmoud Abbas, Président de l’Autorité Palestinienne [AP] de Ramallah n’a quasiment rien fait pour profiter de son succès diplomatique. Il y a eu de vagues menaces « d’isoler » Israël, d’hésitantes allusions au fait de « ne pas exclure » d’avoir recours à la Cour Pénale Internationale, et une discrète proclamation par l’AP du nouvel « État de Palestine ».

À un moment où les Palestiniens espéraient un moment de rupture dans leur lutte pour la libération nationale, les directions du Fatah et du Hamas apparurent plus égocentriques que jamais. La semaine dernière elles dépensaient une nouvelle fois leur énergie dans un nouveau round d’entretiens de réconciliation, cette fois au Caire, plutôt qu’à maintenir les projecteurs sur l’intransigeance israélienne.

C’était donc à un groupe de 250 Palestiniens venus du peuple qu’a incombé la responsabilité de montrer comment l’idée d’un « État de Palestine » pouvait prendre une réelle signification. Vendredi, ils ont installé un campement de tentes qu’ils ont décidé de convertir en un nouveau village palestinien qu’ils ont baptisé Bab al-Shams, ou la Porte du soleil.

Le dimanche, illustrant ainsi à quel point lsraël était perturbé par de ces inititiatives venues d’une résistance palestinienne et populaire, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a fait expulser les occupants dans une incursion avant l’aube - malgré le fait que sa propre cour de justice ait publié une décision avec « injonction de temporiser durant six jours un ordre d’évacuation » par le gouvernement.

Dans le même élan, les militants palestiniens ont non seulement dénoncé l’approche timorée de leurs propres dirigeants, mais ils ont également choisi de s’inspirer des tactiques qui sont celles des colons les plus ultras.

Ils ont tout d’abord déclaré qu’ils créaient des « faits sur terrain », ayant compris, semble-t-il, que c’est la seule langue qu’Israël parle ou comprenne. Puis ils ont choisi l’endroit le plus inimaginable pour Israël : le centre du soi-disant couloir E-1, de 13 kilomètres carré de terrain non construit entre Jérusalem-Est et la colonie juive israélienne hautement stratégique de Maale Adumim, en Cisjordanie.

Depuis plus d’une décennie, Israël avait prévu d’établir sa propre colonie dans E-1, mais à une échelle énormément plus grande afin de boucler l’encerclement de Jérusalem-Est, isolant ainsi de la Cisjordanie, ce qui devait être la future capitale d’un État palestinien.

Les États-Unis avaient jusque là retenu la main d’Israël, comprenant bien que l’achèvement du projet colonial dans E-1 signalerait au monde et aux Palestiniens la mort définitive d’une solution à deux États. Mais à la suite du vote des Nations Unies, Netanyahu a annoncé des projets pour établir 4000 unités d’habitation supplémentaires pour les colons, comme punition pour l’impertinence des Palestiniens.

La comparaison entre les militants de Bab al-Shams et les colons ne doit pas aller trop loin. Une différence évidente est que les Palestiniens construisent sur une terre qui est la leur, tandis qu’Israël viole le droit international en permettant à des centaines de milliers de colons de venir vivre en Cisjordanie.

Une autre raison est que la réponse israélienne envers les deux groupes ne pouvait être que différente. C’est particulièrement clair par rapport à ce que Israël lui-même appelle « les avant-postes illégaux » - plus de 100 micro-colonies, semblables à Bab al-Shams, installées par des colons ultras depuis le milieu des années 1990, après qu’Israël ait promis aux États-Unis qu’il n’autoriserait aucune nouvelle colonie.

En dépit d’une obligation de démanteler les avant-postes, les gouvernements israéliens successifs leur ont permis de s’épanouir. Dans la pratique, dans les jours qui suivent l’arrivée des premières caravanes sur de quelconques sommets de collines en Cisjordanie, des fonctionnaires israéliens raccordent « les avant-postes » aux réseaux d’électricité et d’eau, construisent des voies d’accès et réorientent les lignes d’autobus pour les y inclure. La prolifération des colonies et des avant-postes a mené inexorablement à l’annexion de facto par Israël de la majeure partie de la Cisjordanie.

À l’opposé, tous les accès à Bab al-Shams ont été bloqués quelques heures à peine après que les tentes aient été installées et le lendemain, Netanyahu avait déclaré le site zone militaire fermée. Dès que le sabbat juif fut terminé, les troupes s’amassèrent autour du camp. Très tôt le dimanche matin, les forces d’occupation ont pris le camp d’assaut.

Netanyahu avait manifestement peur du moindre délai. Les Palestiniens avaient en effet commencé à utiliser les médias sociaux depuis la fin de la semaine pour organiser des rassemblements de masse aux barrages routiers menant à Bab al-Shams.

Bien que les efforts des militants se soient révélés vains à cette occasion, l’installation de ce village montre bien que les Palestiniens du peuple sont mieux placés que leur direction palestinienne sclérosée pour trouver des solutions inventives qui embarrassent Israël.

Une des responsables de l’AP de Ramallah, Hanan Ashrawi, a félicité les militants pour leur « initiative non-violente, hautement créative et légitime » pour protéger les terres palestiniennes. Mais l’incapacité des responsables de l’AP, dont Saeb Erekat, à être présents sur le site avant que celui-ci ne soit bouclé par Israël, ne faisait qu’accroître l’impression d’une direction trop lente et manquant d’imagination pour répondre aux événements.

En mettant en place Bab al-Shams, les militants ont clairement exposé au grand jour l’Apartheid pratiqué par l’État d’Israël dans les territoires palestiniens occupés. Même si un campement brièvement installé peu difficilement en lui-même changer la dynamique du conflit, cela donne la preuve aux Palestiniens qu’il existe des moyens pour qu’ils prennent eux-mêmes en mains la lutte contre Israël.

Après le raid israélien, ce point a été soulevé avec éloquence par Mohammed Khatib, un des organisateurs. « En établissant Bab al-Shams, nous déclarons que nous en avons assez de simplement revendiquer nos droits face à l’occupant. À partir de maintenant nous allons les appliquer nous-mêmes. »

C’est, bien sûr, la grande peur de Netanyahou. Le scénario qu’il craignait le plus, selon les officiels israéliens, c’est que ce genre d’initiative populaire devienne contagieux. Si les Palestiniens voient que la résistance populaire et non-violente, contrairement à un recours inutile et sans fin à la diplomatie, contribue à éveiller la conscience du monde à l’égard de leur sort, il y aura alors plus de Bab al-Shams - et bien d’autres surprises qui attendront Israël au coin de la rue.

C’est précisément une telle pensée qui a conduit le procureur général israélien, Yehuda Weinstein, à justifier la violation par Netanyahu de l’injonction de la Cour suprême, au motif que le camp « aurait conduit à des manifestations et des émeutes, avec des implications nationales et internationales ».

Ce qu’illustre Bab al-Shams, c’est que les Palestiniens du peuple peuvent prendre en mains la lutte pour « l’État de Palestine », contre Israël - et même retourner contre l’occupant ses propres méthodes.

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* Jonathan Cook a remporté le Prix Spécial de journalisme Martha Gellhorn. Ses derniers livres sont “Israel and the Clash of Civilisations : Iraq, Iran and the to Remake the Middle East” (Pluto Press) et “Disappearing Palestine : Israel’s Experiments in Human Despair” (Zed Books). Voici l’adresse de son site : http://www.jkcook.net.

Source : Info-Palestine