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Par Robert Fisk *

L’Arabie saoudite est-elle la prochaine sur la liste ?

Dimanche, 6 janvier 2013 - 11h48 AM

dimanche 6 janvier 2013

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Au Moyen-Orient, ne faites jamais de prédictions.

Ma boule de cristal s’est brisée il y a bien longtemps. Mais faire des prévisions dans cette partie du monde a un pedigree honorable. « Un mouvement arabe, nouveau-né, pointe peu à peu à l’horizon, » écrivait un voyageur français dans le Golfe et à Bagdad en 1883, « et une race jusque-là piétinée réclamera son dû dans les destinées de l’Islam. » Une année plus tôt, un diplomate britannique dans Jeddah confiait que « il est de ma connaissance… que l’idée de la liberté agite actuellement quelques esprits, même à la Mecque… »

Alors disons ceci pour 2013 : « le réveil arabe » (le titre de l’œuvre de George d’Antonius en 1938) se poursuivra, l’exigence de dignité et de liberté - ne nous laissons pas embarquer ici dans des histoires de « démocratie » - continuera à bouleverser la pseudo-stabilité du Moyen-Orient, causant autant de crainte à Washington que dans les palais du Golfe.

À l’échelle de l’Histoire, c’est certain... Dans le noyau incendiaire de ce mécontentement se trouvent la revendication d’un État palestinien qui n’existe pas et qui peut ne jamais exister, et les actions d’un État israélien qui, avec ses incessantes constructions de colonies - pour les Juifs et les Juifs seulement - sur la terre arabe, s’assure que la « Palestine » ne restera rien qu’un rêve arabe. Si un enseignement doit être tiré de l’année 2012, c’est que les Palestiniens font maintenant face à l’année à venir en sachant que : 1) ni les Américains ni les Européens n’ont les tripes nécessaires pour les aider, 2) Israël continuera à agir en totale impunité, et 3) ni un Obama, ni un Cameron, ni un Hollande n’ont le moindre intérêt à s’opposer au lobby de likoudistes qui crient à « l’antisémitisme » dès que la plus timide des critiques est énoncée contre Israël.

Ajoutez à ceci le fait que Mahmoud Abbas et son régime totalement discrédité dans Ramallah continueront à faire des concessions aux Israéliens - si vous ne me croyez pas, lisez les Palestine Papers de Clayton Swisher - même lorsqu’il n’y a plus de concessions à faire. Le mouvement Hamas et Khaled Meshaal continueront à nier le droit d’exister pour Israël - de ce fait permettant à Israël d’affirmer à tort qu’il n’a « personne à qui parler » - jusqu’à la prochaine guerre contre Gaza et la pitoyable demande occidentale qui suivra « implorant que l’on se réfrène des deux côtés », comme si les Palestiniens possédaient des tanks Merkava, des F-18 et des drones. Un troisième Intifada ? Peut-être bien.

Une plainte devant la Cour Internationale de Justice [CIJ] pour condamner Israël pour crimes de guerre en construisant des colonies juives sur la terre d’un autre peuple ? Peut-être. Mais pour arriver à quoi ? Les Palestiniens ont déjà gagné un procès avec un jugement international condamnant la construction du mur d’apartheid israélien. Et absolument rien ne s’est produit. C’est le destin des Palestiniens. Ils sont sollicités par les types du genre de Tom Friedman pour abandonner la violence et adopter la tactique de Gandhi. Mais quand ils le font, ils en sortent toujours perdants, et Friedman reste bouche cousue. C’était Gandhi, après tout, qui avait dit qu’une civilisation occidentale « serait une bonne idée ».

Donc, que des mauvaises nouvelles pour la Palestine en 2013...

L’Iran ? Eh bien les Iraniens comprennent l’Occident bien mieux que nous ne les comprenons - un bon nombre d’entre eux, vous vous souvenez, ont été éduqués aux États-Unis. Et ils ont une manière étonnante de s’en sortir quoiqu’il arrive. George Bush (et Lord Blair de Kut al-Amara) ont envahi l’Afghanistan et débarrassé les Iraniens chiites de leurs ennemis sunnites qu’ils appelaient toujours « les Talibans noirs ». Puis Bush-Blair ont envahi l’Irak et se sont débarrassés du pire ennemi de la République Islamique, Saddam Hussein. L’Iran a donc tiré bénéfice de la guerre afghane et de la guerre irakienne sans tirer un seul coup de fusil.

Il n’y a aucun doute que l’Iran se livrerait à un tir ou deux de représailles si Israël/États-Unis - les deux sont interchangeables en Iran comme dans beaucoup d’autres pays du Moyen-Orient - attaquaient ses installations nucléaires. Mais Israël n’a pas les épaules assez larges pour déclencher une vraie guerre avec l’Iran - il la perdrait - et les États-Unis, qui ont déjà perdu deux guerres au Moyen Orient n’ont aucune envie d’en perdre une troisième. Les sanctions - qui sont le vrai ennemi potentiel de l’Iran - lui causent plus de tort que ne le feraient les F-18 israéliens. Et pourquoi exactement les États-Unis menacent-t-ils l’Iran ? Ils n’ont pas menacé l’Inde de bombarder ses installations nucléaires quand ce pays a développé la bombe atomique. Il est vrai que l’on a entendu des menaces récemment - au cas où les têtes nucléaires « tomberaient dans les mauvaises mains » ou à propos des armes chimiques qui pourraient « tomber dans les mauvaises mains » en Syrie ; ou a Gaza, si on va par là, où la démocratie est « tombée dans les mauvaises mains » quand le Hamas a gagné les élections en 2006.

Maintenant qu’Obama a entamé sa deuxième présidence drone-happy, nous allons entendre parler encore plus souvent de ces merveilleux bombardiers sans pilote qui ont pulvérisé des mauvais garçons et des civils depuis plus de quatre années. Et un jour, une de ces machines - bien qu’elles volent en paquets de sept ou de huit - frappera trop de civils ou, encore pire, s’arrangera pour tuer des occidentaux ou des employés d’ONGs. Alors Obama présentera ses excuses - mais sans les larmes qu’il a versées sur Newtown, dans le Connecticut. Et voici une pensée pour cette année. Le lobby des armes à feu aux États-Unis nous informe que « ce n’est pas les armes à feu qui tuent - ce sont les gens ». Mais appliquons cette maxime aux attaques de drones sur le Pakistan ou aux bombardements israéliens sur Gaza, et nous changeons alors de rubrique. Ce sont les armes à feu/bombes/fusées qui tuent parce que les Américains ne veulent pas tuer des civils et les Israéliens ne souhaitent pas tuer des civils. Ce sont juste « des dégât collatéraux », bien que ce ne soit pas une excuse que vous aurez le droit d’utiliser pour les fusées du Hamas.

Alors que reste-t-il pour 2013 ? Assad, bien sûr ! Il essaie déjà de convaincre certaines forces rebelles de rejoindre son impitoyable camp - une tactique intelligente mais dangereuse - et l’Occident est enfoncé jusqu’aux genoux dans la barbarie rebelle. Oui Assad va partir. Un jour. Il le dit lui-même. Mais n’espérez pas que ce soit tout de suite. A moins que ça ne soit comme Kadhafi. Le vieux mantra est toujours valable. L’Égypte n’est pas la Tunisie, et le Yémen n’était pas l’Égypte, et la Libye n’était pas le Yémen, et la Syrie n’est pas la Libye.

L’Irak ? Sa guerre civile latente continuera à broyer les os de la société civile tandis que nous ignorons largement son agonie. Il y a des jours où plus d’Irakiens sont tués que de Syriens, bien que vous ne l’appreniez pas dans les bulletins télévisés du soir.

Et le Golfe ? L’Arabie, qui a connu le premier réveil arabe ? L’Arabie, d’où la première révolution arabe - l’avènement de l’Islam - a déferlé sur le monde. Il y en a qui disent que les royaumes du Golfe se maintiendront intactes pendant des années encore. N’y comptez pas. Regardez l’Arabie Saoudite. Rappelez-vous ce qu’a écrit ce diplomate britannique, il y a 130 ans : « Même à la Mecque... »

Source : The Independent repris et traduit par Info-Palestine

* Robert Fisk est le correspondant du journal The Independent pour le Moyen Orient. Il a écrit de nombreux livres sur cette région dont : La grande guerre pour la civilisation : L’Occident à la conquête du Moyen-Orient.