Accueil > Sociétés Civiles à Parlement Européen > Israël-Palestine : vers une troisième Intifada ?

Cancer électoral et psychose morbide (ndlr)

Israël-Palestine : vers une troisième Intifada ?

Jeudi, 20 décembre 2012 - 8h59 AM

jeudi 20 décembre 2012

============================================

class="twitter-follow-button" data-show-count="false"
data-lang="fr">Follow @PalestinePlus

C’est la dernière riposte en date d’Israël au changement de statut de la Palestine à l’ONU. L’ONG israélienne La Paix maintenant a révélé mardi que l’État hébreu était sur le point d’approuver de nouveaux projets massifs de colonisation à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. Mercredi, « la commission de planification (municipale) va donner son accord au vaste projet de Givat Hamatos A », pour lequel des appels d’offres devraient être publiés dans les prochains mois, a déclaré à l’AFP Hagit Ofran, porte-parole de l’association anti-colonisation.
Les nouvelles constructions, situées près de Bethléem, couperaient délibérément cette ville palestinienne de Jérusalem.

Ainsi, d’après la militante, ce plan « est susceptible à lui seul de faire capoter la possibilité d’une solution à deux États (palestinien et israélien) ».

L’ONG ajoute que le ministère israélien du Logement se prépare à lancer, dès la semaine prochaine, des appels d’offres pour des centaines de logements dans les implantations de Givat Zeev, de Karnei Shomron et d’Efrat, en Cisjordanie. Une accélération de la colonisation en territoire palestinien qui n’a pas plu au principal allié de l’État hébreu. Mardi, le département d’État américain s’est dit « profondément déçu qu’Israël persiste à poursuivre ce schéma d’actions de provocation », estimant que cela allait « à l’encontre de la paix ».

L’État hébreu s’était déjà attiré de nombreuses critiques occidentales lorsque, au lendemain de l’accession de la Palestine au statut d’État observateur non membre à l’ONU, il avait annoncé en représailles son souhait de construire 3 000 nouveaux logements à Jérusalem-Est et en Cisjordanie, notamment dans la zone E1, située près de la ville sainte. Un projet déjà hautement controversé car il couperait en deux la Cisjordanie et l’isolerait de Jérusalem-Est.

« Outre la question des mesures de rétorsion, il existe chez le gouvernement israélien une politique délibérée s’opposant à tout gel officiel ou officieux de la colonisation à Jérusalem, cette ville étant considérée comme la capitale (unifiée et indivisible) d’Israël », explique Denis Charbit, professeur de sciences politiques à l’Université ouverte d’Israël. « Ainsi, ces constructions renforcent l’assise de la terre d’Israël dans les zones occupées. » Mais le chercheur israélien voit également dans ces nouveaux projets une manoeuvre électorale en vue des législatives anticipées du 22 janvier prochain.

« D’un côté, le Likoud (parti de droite du Premier ministre, Netanyahou, NDLR), engagé dans une coalition de droite (avec les ultranationalistes d’Israël Beitenou, NDLR), souhaite montrer qu’il n’oublie pas son engagement à soutenir la colonisation », soutient Denis Charbit. « De l’autre, ajoute le chercheur, Benyamin Netanyahou cherche à piéger le centre et la gauche israélienne, qui ne peuvent se permettre de s’opposer à la colonisation, celle-ci faisant consensus en Israël. Ainsi, le Premier ministre israélien veut ramener le débat aux questions sécuritaires, où il a le vent en poupe, au contraire des sujets sociaux. »
Le jeu demeure tout de même dangereux. Comme l’a rappelé lundi la dirigeante du parti Meretz (gauche laïque israélienne), Zehava Galon, « le Premier ministre est prêt à tout pour tenter d’arracher des voix au Foyer juif (parti d’extrême droite proche des colons, NDLR), même au prix d’une crise internationale ou d’une troisième Intifada » palestinienne.

Hasard du calendrier, le même jour est né à Hébron, en Cisjordanie, un nouveau mouvement palestinien. Baptisée « Brigades de l’unité nationale », en référence à la réconciliation inachevée du Fatah et du Hamas, cette formation, composée de jeunes membres de toutes les factions palestiniennes - Fatah, Hamas, Jihad islamique et Front populaire de libération de la Palestine -, appelle ni plus ni moins à l’avènement d’une troisième Intifada (soulèvement en arabe, NDLR).
Dans une vidéo de quatre minutes, révélée par le quotidien israélien Jerusalem Post, ses membres encagoulés menacent de frapper avec « une main de fer » l’État hébreu s’il ne cesse ses « agressions contre le peuple palestinien ». Brandissant un coran, ils avertissent les soldats de Tsahal qu’ils n’hésiteront pas à les kidnapper s’ils continuent à arrêter ou tuer leurs concitoyens (un jeune Palestinien de Hébron, âgé de 16 ans, a été abattu par balle la semaine dernière par une garde-frontière israélienne, NDLR). Leurs revendications sont précises : les membres des Brigades de l’unité nationale réclament la suppression des check-points israéliens en Cisjordanie, la libération des prisonniers palestiniens détenus en Israël, ainsi qu’un retrait israélien total de la Palestine.

Ce dernier point fait l’objet d’une précision sans ambiguïté. Le groupe promet de ne pas céder « un centimètre de la Palestine, de la mer (Méditerranée) à la rivière (du Jourdain) ». Une menace à prendre au sérieux ? « De tels mouvements ponctuels se créent régulièrement en territoire palestinien », analyse Olivier Danino*, spécialiste des groupes palestiniens à l’Institut français d’analyse stratégique (Ifas). « Ce nouveau groupe se démarque toutefois du Hamas et du Fatah en affirmant que la solution ne passera que par la force. »

Depuis la seconde Intifada, achevée en 2004, le Fatah, parti laïque dirigeant l’Autorité palestinienne au pouvoir en Cisjordanie, a abandonné la lutte armée au profits de négociations avec Israël sur la base de deux États. Mais son échec a fini de discréditer le mouvement de Mahmoud Abbas auprès des Palestiniens. De son côté, depuis sa prise de pouvoir de la bande de Gaza en 2007, le Hamas, parti islamiste rival, s’est inscrit dans une stratégie plus pragmatique, alliant lutte armée limitée et quête de crédibilité politique. « Les membres du Hamas ont fait en sorte de maintenir le calme avec Israël pour pouvoir appliquer leur politique à Gaza », souligne Olivier Danino. Les islamistes n’en restent pas moins flous quant à leurs intentions réelles sur la question des frontières définitives d’un futur État palestinien.
Lors de sa récente visite à Gaza, le chef politique du Hamas, Khaled Mechaal, qui a pourtant soutenu la démarche onusienne de Mahmoud Abbas, a ainsi appelé - lui aussi - à « libérer toute la Palestine (...), de la mer (Méditerranée) au fleuve (Jourdain) ». En tout cas, la stratégie semble fonctionner. Désormais soutenus ouvertement par l’émir du Qatar, mais aussi les Frères musulmans au pouvoir en Égypte, les islamistes de Gaza sont parvenus, au terme de la guerre de Gaza, à se hisser au rang de principal interlocuteur du peuple palestinien face à Israël.

« Aujourd’hui, le Hamas, qui se cherche une reconnaissance internationale, souhaite obtenir une ouverture des frontières de la bande de Gaza, ainsi que la fin du blocus », explique Olivier Danino. « Des intérêts qui ne correspondent pas au déclenchement d’une troisième Intifada. » De retour de Cisjordanie, le chercheur dit ne pas avoir ressenti les prémices d’un nouveau soulèvement palestinien. Toutefois, il note que « la colonisation israélienne crée inévitablement des tensions supplémentaires, en montrant aux Palestiniens que l’accession de leur pays à l’ONU ne change rien sur le terrain ».

Source : Assawra - Armin Arefi

(*) Olivier Danino, auteur de Le Hamas et l’édification de l’État palestinien (éditions Karthala).