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Par Pierre Stambul - UJFP

La Palestine sur un strapontin à l’ONU : gifle infligée à l’occupant et remake d’Oslo

Mardi, 18 décembre 2012 - 20h45

mardi 18 décembre 2012

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L’incroyable impunité dont jouissent les dirigeants israéliens et la solidarité sans faille qu’ils obtiennent sans difficulté de la part des Etats-Unis et de l’Union Européenne expliquent la fuite en avant coloniale à laquelle on assiste. Les puissances occidentales ont bloqué en 2011 l’entrée de la Palestine à l’ONU comme Etat membre. Cela a été immédiatement interprété par Nétanyahou comme un feu vert à de nouvelles agressions : d’où la relance de la colonisation, l’attaque contre Gaza en novembre 2012 et les menaces incessantes d’attaque « préventive » contre l’Iran

L’apartheid

Le gouvernement israélien dit clairement qu’il ne rendra pas le moindre territoire, qu’il n’y aura pas d’Etat palestinien et qu’il n’annexera pas formellement la Cisjordanie, ce qui l’obligerait à terme à donner une forme de citoyenneté à ses habitants.
Bref, Nétanyahou lui-même reconnaît que de fait il pratique l’apartheid. Le Tribunal Russell dans sa session du Cap (Afrique du Sud) ne s’y est pas trompé. Il a jugé l’Etat d’Israël coupable des crimes d’apartheid et de sociocide, ce qui donne une base juridique à la campagne BDS (boycott, désinvestissement, sanctions) lancée dès 2005 par 172 associations palestiniennes.
Entre Méditerranée et Jourdain, près de 50% de la population est palestinienne. Mais l’occupant a fragmenté la Palestine en de nombreuses entités subissant des formes variées de discrimination et d’oppression :
Il y a la Cisjordanie, elle-même divisée en trois zones étanches transformées en bantoustans où les colonies encerclent les grandes villes palestiniennes.
Il y a Gaza soumis à un blocus criminel et devenu un véritable laboratoire à ciel ouvert où l’occupant se permet impunément des agressions meurtrières (1400 mort-e-s en décembre 2008, 175 mort-e-s en novembre dernier).
Il y a Jérusalem-Est soumis à une judaïsation accélérée et à des destructions incessantes de maisons.
Il y a les Palestiniens d’Israël (20% de la population) qui connaissent dans « l’Etat juif » pauvreté, chômage et discriminations au travail et à la possession de la terre. Parmi eux, les Bédouins du Néguev sont expulsés et leurs villages sont détruits.
Et enfin bien sûr il y a les réfugiés. 4,5 millions de Palestiniens ont la carte de l’UNRWA (l’office des Nations Unis) et vivent dans 59 camps de Palestine, Jordanie, Syrie ou Liban. Plusieurs millions de Palestinien-ne-s sont dispersé-e-s dans le monde.

Le sionisme a toujours fonctionné par le fait accompli en faisant « légaliser » plus tard ses coups de force. Avec l’échec de l’entrée de la Palestine à l’ONU en 2011 et la relance de la colonisation, Nétanyahou se croyait à l’abri.

Le vote de l’ONU

Il montre à l’évidence l’impopularité d’un Etat voyou. Il y a eu 41 abstentions et seulement 9 pays qui ont voté contre le fait que la Palestine ait le même statut que le Vatican. Parmi ces 9 : Israël, les Etats-Unis, le Canada. Même les pays d’Europe, si prompts à « rehausser » les relations économiques entre Israël et l’Union Européenne se sont abstenus (Grande-Bretagne, Allemagne …) ou ont voté pour. En France, Fabius a difficilement convaincu Hollande de voter pour. La contrepartie a été l’engagement d’Abbas de ne pas porter plainte contre Israël auprès de la Cour Pénale Internationale (CPI) malgré les crimes de guerre et exécutions extrajudiciaires incessants. Ce vote signifie que pour l’ONU, l’institutionnalisation du statu quo actuel n’est pas viable. Mais l’ONU n’a pas de plan B.
Immédiatement, le gouvernement israélien a pris des mesures de « rétorsion » totalement « illégales » (au sens de l’ONU) : construction de plusieurs milliers de nouveaux appartements dans les colonies de Cisjordanie, vol de la TVA due à l’Autorité Palestinienne, incursions violentes. Comme cela s’est toujours passé depuis des décennies, l’ONU n’a pris aucune sanction et n’a pas eu un mot de réprobation, annulant par là la force symbolique du vote qui venait de se dérouler.

Un retour 20 ans en arrière

Comme à l’époque des accords d’Oslo, la « communauté internationale » refuse de poser les vraies questions : la reconnaissance du crime fondateur (l’expulsion de 1948), l’occupation, les colonies, l’inégalité flagrante, les prisonniers, le droit au retour des réfugiés, l’apartheid.
Si Oslo a été une grande illusion et une sinistre farce, c’est parce qu’aucune de ces questions n’a été posée et que jamais les négociations n’ont été placées sous le signe de l’égalité des droits. Les seuls textes signés à Oslo portaient sur la sécurité de l’occupant !! Aujourd’hui c’est pire : le gouvernement israélien ne veut pas négocier car il sait qu’il ne sera pas sanctionné. Le vote de l’ONU remet en selle une Autorité Palestinienne bien discréditée. Or celle-ci n’a aucune légitimité, le mandat de Mahmoud Abbas étant achevé depuis longtemps. Les Palestiniens de Gaza, de Jérusalem ou d’Israël ne sont pas représentés par l’Autorité. Pour les réfugiés, la période n’ouvre aucun espoir. Ils savent que l’Autorité Palestinienne est prête à les sacrifier alors que le droit au retour a été reconnu par l’ONU dès 1949. Quelque part le vote de l’ONU entérine la fragmentation de la Cisjordanie. L’OLP représentait la Palestine dans toute sa diversité politique, géographique, religieuse ... L’OLP a disparu au profit de l’Autorité. Mahmoud Abbas qui a avalé toutes les couleuvres et qui a accepté toutes les humiliations et toutes les pseudo-discussions avec l’occupant, est bien mal placé pour incarner la légitimité d’un futur Etat palestinien.

Le mouvement de solidarité dans la confusion

La France est le seul pays européen où existent simultanément un Collectif National et une Plateforme des ONG pour la Palestine regroupant un spectre très large de partis, syndicats ou associations. Dans le Collectif, un courant majoritaire s’est dégagé qui comprend (souvent contre l’avis de la base) les directions du PC, de l’AFPS, du MRAP, de la LDH, de la FSU … Ce courant reste figé sur l’idée « deux peuples, deux Etats » comme si la frontière internationalement reconnue n’avait pas disparu. Il s’oppose au BDS demandé par l’appel palestinien de 2005 en lui préférant un boycott des seuls produits des territoires occupés. Il est prêt à abandonner le droit au retour de tous les réfugiés. Il surévalue totalement le vote de l’ONU et considère l’Autorité Palestinienne comme seule représentante du peuple palestinien. Une partie de ce courant va plus loin en s’opposant à tout mot d’ordre de soutien à la résistance palestinienne et à toute remise en cause de la « légitimité d’Israël » (! !) Alors que précisément le premier acte d’une paix juste passera par la reconnaissance de l’illégitimité du crime fondateur (l’expulsion de 1948).

Pas de paix juste sans sanction et sans fin de l’impunité

Le Forum social mondial pour la Palestine s’est déroulé à Porto Alegre (Brésil) du 29 novembre au 1er décembre. La résolution finale pointe les revendications essentielles : fin de l’occupation et de la colonisation, égalité des droits, droit au retour des réfugiés. Le vote de l’ONU est signalé mais il n’a rien de central. Un hommage appuyé est envoyé aux anticolonialistes israéliens et aux Juifs antisionistes. L’accent est mis sur le BDS.
Le sionisme ne reculera que s’il y est forcé. Tant que l’impunité d’Israël perdurera, tant que les dirigeants de ce pays n’auront pas à répondre de leurs actes, tant que ce pays ne subira pas le type de pression que l’Afrique du Sud blanche a subi, il ne se passera rien. Imaginer un compromis acceptable piloté par l’ONU avec la direction sioniste est une très dangereuse illusion.

Pierre Stambul