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Par Gideon Levy

C’est maintenant que tu te montres, Europe ?

Mardi, 18 décembre 2012 - 8h03 AM

mardi 18 décembre 2012

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"Alors que l’opinion publique en Europe pro­teste contre l’occupation depuis des années, les gou­ver­ne­ments euro­péens ont continué à en être les plus grands collaborateurs"

Bonjour, Europe. La belle au bois dormant, le continent blanc des Lumières, fait des « reproches » à Israël parce qu’il a l’intention de construire dans la région interdite, E-​​1. Les ambas­sa­deurs reçoivent les reproches dus et ceux qui les font sont contents : ils ont apporté leur contri­bution à la paix. C’est l’Europe clas­sique dans la plus belle tra­dition : une valse d’hypocrisie et de bons sen­ti­ments. Eh bien, que s’est-il passé, Europe ? Main­tenant, tu te mani­festes ? Main­tenant tu fais des reproches ? Où étais-​​tu, avant ?

L’Europe fait des reproches à Israël parce que, cette fois-​​ci, l’Amérique l’y autorise. Aupa­ravant, l’Amérique l’interdisait, d’où sa retenue. Alors que l’opinion publique en Europe pro­teste contre l’occupation depuis des années, les gou­ver­ne­ments euro­péens ont continué à en être les plus grands col­la­bo­ra­teurs : ils financent l’Autorité pales­ti­nienne vir­tuelle et donnent carte blanche à Israël pour mettre à sac et colo­niser à tout va. Ce sont les ombres du passé, vous comprenez.

Il y a seulement 2 ou 3 semaines, l’Europe sou­tenait encore une nou­velle opé­ration mili­taire israé­lienne inutile à Gaza, tout comme elle avait soutenu sans la moindre retenue l’opération Plomb Durci à Gaza, avec tous ses crimes de guerre, 4 ans plus tôt.

Main­tenant tout cela semble terminé. Semble, seulement. Encore un jour ou deux et les reproches seront oubliés et l’Europe sou­tiendra une fois de plus le pro­chain caprice violent d’Israël. Israël qui, dans tous les cas, n’a jamais prêté la moindre attention à l’Europe, peut arrêter de s’inquiéter. Il ne s’est rien passé. Et il ne se passera sans doute jamais rien.

Comme pour les "avant-​​postes illégaux," qui ne dif­fèrent ni mora­lement ni léga­lement des " blocs de colonies légaux," l’Europe ici encore (et les Etats-​​Unis avec elle) s’est inventé un ogre sous la forme de la ridicule ligne rouge que serait E-​​1. Si Israël ose construire là-​​bas, cela sonnera le glas de la solution à deux Etats. Quelque 500,000 colons, ça va ; c’est juste un détail mineur, E-​​1, qui per­turbe la paix de l’Europe.

Si l’on revient à l’été 2005, quand Aluf Benn rap­portait dans Haaretz l’intention israé­lienne de construire un poste de police dans E-​​1, le monde alors avait également poussé un cri de pro­tes­tation et l’Amérique (suivie de près par l’Europe) "avait fait savoir sa pré­oc­cu­pation." Si grande, cette pré­oc­cu­pation, qu’elle avait donné nais­sance au superbe bâtiment qui abrite le Q-​​G de la police du dis­trict de Judée-​​Samarie au coeur de E-​​1. Tout le monde savait alors que ce n’était qu’une mise en appétit et que 3000 maisons sui­vraient, pourtant ils se sont retenus. Comme ils l’ont fait, à l’époque, pour la colonie de Har Homa, dont l’objet était aussi de séparer et découper : le monde s’est dit "préoccupé" – et Israël a construit. Tout le reste n’est qu’histoire et géo­graphie irréversibles.

Sup­posons que cette fois-​​ci, Israël prête attention aux reproches du monde et repousse son projet de construire dans E-​​1. Que se passera-​​t-​​il alors ? La Paix ? La fin de l’occupation ? Deux Etats ? Cette capacité à définir un objectif mar­ginal et ridicule et à se bagarrer à son sujet, mais rien qu’à son sujet en ignorant tout le reste, n’est rien d’autre qu’un bal costumé gro­tesque pour sou­lager la conscience troublée de l’ Europe.

Après 45 ans d’une occu­pation brutale, l’Europe a pensé à faire des reproches à Israël. Mais ce reproche n’est rien d’autre qu’un pas de danse : le ministre des Affaires étran­gères bri­tan­nique s’est déjà empressé de déclarer que les sanc­tions n’étaient pas à l’ordre du jour. Le rappel de l’ambassadeur était seulement « envisagé ». Mais pourquoi, réel­lement ? L’occupation n’est-elle pas assez duré ? Les vio­la­tions du droit inter­na­tional pas assez fla­grantes ? Pas suf­fi­samment clair, l’intérêt de l’Europe à résoudre le pro­blème pales­tinien qui contribue à ali­menter le ter­ro­risme global ? L’opinion publique euro­péenne n’a-t-elle pas été suf­fi­samment claire ?

En Europe, tout ceci dis­paraît devant deux pré­textes : le passé et l’Amérique. Tous deux hantent le continent. Pourtant tous deux sont de piètres excuses : à cause du passé, jus­tement, l’Europe devrait main­tenant se mobi­liser afin de sauver Israël de lui-​​même et de ses occu­pa­tions. Et à cause des Etats-​​Unis, jus­tement, qui par son soutien aveugle à Israël joue un rôle si des­tructeur dans la réso­lution du conflit, il faut que l’Europe fasse entendre une voix indépendante.

On com­prend mal pourquoi, dans la réalité de ce 21ème siècle, l’Europe reste une ombre pale et soumise des Etats-​​Unis au Moyen-​​Orient. Il est tout aussi impos­sible d’expliquer quel lien existe entre les hor­reurs du passé et le soutien à l’occupation. Bonjour, Europe, tu es en retard encore une fois : trop peu, trop tard.

Source

publié par Miftah