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OPINION - Source : Info-Palestine

A défaut de deux États, ce sera un État unique

Mardi, 11 décembre 2012 - 9h05 AM

mardi 11 décembre 2012

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Saree Makdisi

The New York Times

Si une solution à un État offre bien la dernière clé restant pour une paix juste et durable, ce que les juifs israéliens perdront s’avèrera seulement un coût à court terme, en échange de nombreux gains à long terme. Comme les Palestiniens, ils perdront leur rêve et la perspective d’un État qui serait exclusivement le leur. Mais – tout comme les Palestiniens -, ce qu’ils gagneront en échange, c’est le droit de vivre en paix.

Israël n’a pas attendu longtemps pour faire connaître sa première réponse à la reconnaissance à une écrasante majorité par l’Assemblée générale des Nations unies de la Palestine comme État non membre, presque immédiatement, il a annoncé son intention d’aller de l’avant dans ses plans pour construire des logements pour les colons juifs dans la zone E1, une zone de Cisjordanie juste à l’est de Jérusalem.

Bien qu’on la qualifie parfois, et à tort, de « contestée » ou de « controversée », la construction coloniale dans E1 est tout autant une violation du droit international que le sont les constructions coloniales ailleurs en Cisjordanie ou à Jérusalem-Est. Ce qui donne de l’ampleur à ce développement, c’est la situation géographique de E1, car alors il clôt hermétiquement l’espace entre Jérusalem-Est et la plus grande des colonies d’Israël, Maale Adumim, plus à l’est.

Cet espace est le dernier lien qui reste pour les Palestiniens entre le nord et le sud de la Cisjordanie ; il permet aussi la jonction au sein et entre les communautés palestiniennes de Ramallah, Bethléhem et Jérusalem-Est – cette dernière, en plus d’être le cœur culturel, religieux, social et économique de la vie palestinienne, est censée également être un jour la capitale de la Palestine.

En poussant plus loin ses projets qui menacent depuis longtemps pour développer E1, Israël brisera la colonne vertébrale de la Cisjordanie et isolera la capitale du futur État palestinien du pays lui-même. Ce faisant, il mettra fin une fois pour toutes à la perspective même de cet État, et avec elle, par définition, à toute possibilité subsistante d’une solution à deux États au conflit israélo-palestinien.

Comme le montre la carte, les colonies et notamment le projet E1 remettent en cause la fiabilité d’un futur Etat palestinien.
Source : L’Expression
Curieusement, la Palestine reconnue par les Nations-Unies est seulement une abstraction ; celle qu’Israël s’apprête actuellement à étrangler est beaucoup plus réelle, du moins dans la mesure où cet étranglement affectera sensiblement la vie de centaines de milliers de Palestiniens d’une façon que ne fait pas une simple reconnaissance.

Si dur que soit le coup aux aspirations des Palestiniens, les Israéliens auront à payer un prix politique également lourd pour le projet E1 du Premier ministre Benjamin Netanyahu. En réduisant à néant la perspective d’une solution à deux États, Netanyahu va scellera en même temps le sort d’un État exclusivement juif.

Comme des politiciens israéliens plus futés (dont Ehud Olmert) l’ont depuis longtemps prévenu, le maintien de l’existence d’Israël en tant qu’État juif exige fondamentalement de perpétuer au moins l’idée d’un État palestinien, même comme une fiction différée maintenue en vie par des négociations sans fin.

Une fois que la fiction d’un État palestinien séparé apparaîtra comme n’ayant pas plus de consistance que le Magicien d’Oz – ce qui est quasiment garanti avec le plan E1 -, ceux des Palestiniens qui ne l’ont pas encore fait s’engageront dans la seule alternative viable : la solution à un État unique, dans laquelle l’idée d’un État exclusivement juif et d’un État exclusivement palestinien s’effacera derrière ce qui, depuis le début, est le meilleur des choix, celui d’un État unique, démocratique et laïc, sur toute la Palestine historique que les deux peuples partageront en tant que citoyens égaux.

Une campagne pour les droits et l’égalité dans un État unique est un projet vers lequel les Palestiniens pourront alors se tourner avec le formidable soutien international qu’ils ont déjà acquis au niveau diplomatique comme au niveau populaire, notamment avec le mouvement mondial pour le boycott et les sanctions dont les effets commencent à se faire sentir en Israël.

Pour les Palestiniens en tout cas, un État est infiniment préférable à deux, pour la simple raison qu’aucune version de la solution à deux États jamais proposée n’a cherché véritablement à traiter des droits de la plus que minorité de Palestiniens qui vivent effectivement sur le territoire sur lequel cet État est censé exister.

La majorité des Palestiniens vivent soit en exil, vers lequel ils ont été poussés quand ils ont été chassés de leurs foyers à la création d’Israël en 1948, soit comme des citoyens de deuxième ordre en Israël, où ils sont confrontés à des difficultés majeures en tant que non juifs dans un État qui réserve tout un ensemble de droits aux seuls juifs.

Pour les Palestiniens, le droit au retour et le droit de vivre dans la dignité et l’égalité dans leur propre pays ne sont pas moins importants que le droit de vivre libre de toute occupation militaire. Un État séparé répondrait à ce dernier point, mais il ne peut jamais y avoir de paix juste et durable qui ne traite de tous ces droits, même si cela signifie abandonner la perspective d’un État palestinien indépendant.

Ce qu’il faut ajouter ici c’est que si une solution à un État offre bien la dernière clé restant pour une paix juste et durable, ce que les juifs israéliens perdront s’avèrera seulement un coût à court terme, en échange de nombreux gains à long terme. Comme les Palestiniens, ils perdront leur rêve et la perspective d’un État qui serait exclusivement le leur. Mais – tout comme les Palestiniens -, ce qu’ils gagneront en échange, c’est le droit de vivre en paix.

* Saree Makdisi est professeur d’anglais et de littérature comparée à l’université de Californie, Los Angeles, et l’auteur de Palestine inside out : an everyday occupation.

Du même auteur :

Le peuple palestinien trahi - 27 janvier 2011
Le langage qui absout Israël - 24 juin 2009
Israël, Palestine, la fin de la solution des deux Etats - 14 mai 2008
La guerre contre les enfants de Gaza - 25 septembre 2007

5 décembre 2012 - The New York Times

Traduction : Info-Palestine.eu - JPP