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Yémen toujours en feu et totalement « ignoré » par les médias occidentaux et particulièrement les médias français (ndlr)

Yémen : le conflit d’Abyan est une « catastrophe » en termes de droits humains

Mercredi, 5 décembre 2012 - 10h51 AM

mercredi 5 décembre 2012

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Les atteintes aux droits humains flagrantes commises à grande échelle par le groupe islamiste lié à Al Qaïda et les forces gouvernementales qui se sont affrontés pour le contrôle de la région d’Abyan, dans le sud du pays, en 2011 et 2012, doivent faire l’objet d’enquêtes impartiales, approfondies et indépendantes.

Intitulé Conflict in Yemen : Abyan’s Darkest Hour, ce document recense les violations des lois de la guerre commises durant le conflit armé entre les forces du gouvernement et Ansar al Charia (« Défenseurs de la loi islamique »), groupe armé islamiste affilié à Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA).

En outre, il rend compte des terribles exactions perpétrées dans le gouvernorat d’Abyan et d’autres régions du sud du Yémen pendant la période où le groupe islamiste était au pouvoir, de février 2011 à juin 2012, à savoir des exécutions sommaires, des crucifixions, des amputations et des flagellations en place publique.

Le gouvernorat d’Abyan a été le théâtre d’une véritable catastrophe en terme de droits humains lorsqu’Ansar al Charia et les forces gouvernementales se sont affrontés pour contrôler la région, en 2011 et durant les six premiers mois de 2012.

Les autorités yéménites doivent veiller à ce que la commission d’enquête annoncée en septembre se penche sur les terribles violences signalées. La tragédie d’Abyan hantera le Yémen pendant des décennies si les responsables ne sont pas jugés et les victimes et leurs familles ne reçoivent pas de réparations.

Une région aux mains du groupe armé islamiste

Ansar al Charia a rapidement pris le contrôle de la petite ville de Jaar, dans le gouvernorat d’Abyan, début 2011, à une période où les autorités yéménites réprimaient avec brutalité les manifestations réclamant le départ du président Ali Abdullah Saleh.

Le groupe armé a attaqué avec succès les troupes gouvernementales et les représentants de l’État, pillé les banques et saisi des munitions, des armes lourdes et d’autres équipements militaires dans les postes de police et les casernes abandonnés.

Il a rapidement gagné du terrain ; mi-2011, il contrôlait la plupart des villes et des villages d’Abyan, y compris la capitale du gouvernorat, Zinjibar.

Durant la période où il détenait le pouvoir dans ces régions, il s’est rendu responsable d’atteintes aux droits humains généralisées et choquantes, notamment par l’intermédiaire de « tribunaux religieux », partie intégrante de la structure de gouvernance mise en place. Ces sanctions cruelles, inhumaines et dégradantes – exécutions sommaires, amputations et flagellations notamment – étaient fréquemment prononcées contre des criminels présumés, des « espions » travaillant contre Ansar al Charia et des personnes qui transgressaient les normes culturelles.

Les « tribunaux religieux »

Saleh Ahmed Saleh al Jamli, 28 ans, a été déclaré coupable par un « tribunal religieux » à Jaar d’avoir placé deux puces électroniques dans deux véhicules transportant des commandants d’Ansar al Charia.

Amnesty International a pu se procurer le jugement, qui indique que ces puces ont permis à des drones américains de cibler et tuer les commandants à Zinjibar et affirme que Saleh al Jamli est passé aux « aveux » devant un comité judiciaire.

Le « tribunal religieux » a condamné Saleh al Jamli à être mis à mort, avant d’être crucifié.

D’après des informations qu’Amnesty International a pu confirmer, Ansar al Charia a condamné au moins une personne soupçonnée de vol à l’amputation. L’organisation a rencontré le jeune homme en question, amputé de la main gauche entre juin et septembre 2011 sur une place publique de Jaar.

Il a été arrêté avec quelques-uns de ses amis par des membres du groupe armé qui les ont accusés d’avoir volé des câbles électriques. Ses amis ont finalement été relâchés. Le jeune homme, membre d’une communauté marginalisée que l’on appelle généralement les al akhdam (« serviteurs »), a raconté qu’il avait eu la main amputée après avoir subi cinq jours de torture, sans pouvoir consulter un avocat ni voir sa famille, sans assister à son procès ni être informé au préalable de la sentence.

Les habitants ont affirmé à Amnesty International que la main amputée avait été suspendue à une corde sur la place du marché, pour que tout le monde puisse la voir.

Les droits des femmes, piétinées
Durant cette période, Ansar al Charia a cherché à conforter son pouvoir par les menaces, l’intimidation et l’application d’un code religieux et social éminemment répressif.

Les droits des femmes et des filles en particulier ont été piétinés et des codes vestimentaires très rigoureux imposés, ainsi qu’une séparation stricte des hommes et des femmes, et des restrictions sur le lieu de travail et à l’école.

Un enseignant a expliqué à Amnesty International qu’Ansar al Charia plaçait une de ses représentantes dans chaque école pour superviser l’application de ses instructions.

Dès que le groupe armé a pris le contrôle d’Abyan et étendu sa mainmise à d’autres régions dans le sud, l’armée du Yémen n’a pas tardé à lancer plusieurs offensives pour reprendre ces régions, avec pour point d’orgue l’attaque de grande ampleur menée le 12 mai avec l’appui de l’aviation et de l’artillerie. À la fin du mois de juin 2012, les forces gouvernementales avaient réussi à chasser Ansar al Charia du gouvernorat d’Abyan et des régions environnantes.

Les combats ajoutés aux atteintes aux droits humains ont amené quelque 250 000 personnes à fuir les gouvernorats du sud du Yémen, notamment d’Abyan.

Les civils, victimes collatéraux du conflit armé

Ansar al Charia en a profité pour installer sa base dans des quartiers d’habitation, particulièrement à Jaar, mettant dangereusement les civils en péril.

De très nombreux civils, parmi lesquels des enfants, ont été tués et beaucoup d’autres blessés par les frappes aériennes et les tirs d’artillerie et de mortier des forces gouvernementales.

L’armée yéménite a employé des armes conçues pour des champs de bataille, telles que l’artillerie, contre des zones d’habitation civiles. En outre, lors de certaines offensives, les troupes gouvernementales n’auraient pas pris les précautions nécessaires en vue d’épargner les civils.

Si Ansar al Charia a été délogé des villes et des villages qu’il contrôlait en juin 2012, le danger persiste qu’il ne réapparaisse et reprenne les armes.

À propos de ce rapport :

Ce rapport se fonde sur les conclusions d’une mission d’établissement des faits menée par Amnesty International au Yémen en juin et juillet 2012. Les délégués se sont entretenus avec des habitants, des militants, des journalistes, des victimes et des proches de victimes originaires du gouvernorat d’Abyan, principalement à Aden et Jaar, et se sont rendus dans des zones touchées par le conflit, notamment à Jaar, Zinjibar et al Kawd.