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LA QUESTION DU JOUR : Conflit israélo-palestinien : une escalade de violence sans fin ?

Réponse de Didier Billion, Directeur adjoint de l’IRIS* et spécialiste du Proche et Moyen-Orient.

Samedi, 24 novembre 2012 - 7h51 AM

samedi 24 novembre 2012

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* IRIS : Institut de relations internationales et stratégiques

Israël a affirmé que l’assassinat du chef militaire du Hamas, Ahmed al-Jabari, à Gaza était le "point de départ d’une opération plus large". Est-il possible d’enrayer cette escalade de violence qui semble inévitable ?

Nous sommes dans une situation compliquée et explosive et, à ce jour, nul ne peut vraiment la maîtriser. Nous savons qu’il y a eu des tirs de roquettes sur Israël de la part du Hamas, qui d’un point de vue politique ne semblent pas véritablement justifiés ; la riposte israélienne a été une nouvelle fois disproportionnée. Le problème politique est que, jusqu’à lors – mais nous n’en sommes qu’au début de la crise – les Etats-Unis ont fait savoir qu’ils soutenaient le droit d’Israël à l’auto-défense, ce qui constitue une sorte de blanc-seing donné à la riposte militaire mise en œuvre par les autorités israéliennes. Pour sa part, le Conseil de Sécurité de l’ONU s’est réuni sans prendre de décision parce qu’il n’a pas la volonté de le faire. Face à cette situation, nous pouvons craindre effectivement qu’il y ait une poursuite des opérations militaires sans que personne n’ait réellement la volonté de la stopper, du moins pour le moment, ni n’ait le courage de hausser le niveau des déclarations et des résolutions du Conseil de Sécurité - qui d’ailleurs pourraient risquer de se heurter au veto des Etats-Unis. Sans vouloir jouer les oiseaux de mauvais augure, et au vu des déclarations d’Israël qui affirme que nous sommes au « départ d’une opération plus large », les combats risquent de s’intensifier. Les événements d’aujourd’hui ne viennent que le confirmer. On ne sait encore apprécier les conséquences de la mission de bons offices égyptienne qui a au moins le mérite d’exister.

En quoi les récentes attaques israéliennes dans la bande de Gaza et les menaces de représailles plus musclées contre la Syrie représentent-elles des enjeux électoraux pour Benyamin Netanyahou ?

Benyamin Netanyahou a convoqué des élections législatives anticipées en Israël pour deux raisons principales. Tout d’abord pour tenter, dit-il, de trouver de meilleures solutions à la crise économique ; cet argument me semble secondaire. Il a par ailleurs expliqué qu’au vu de la nouvelle configuration régionale, due aux bouleversements qui poursuivent dans le monde arabe, il était nécessaire de mettre en place une plus forte majorité à la tête d’Israël. Pour ces deux raisons, Benyamin Netanyahou essaie de resserrer les liens avec les plus radicaux des responsables de la scène politique israélienne, notamment l’actuel ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman. Benyamin Netanyahou souhaite bétonner la scène politique israélienne, de façon à être en situation d’affirmer l’autonomie et l’indépendance de décision des Israéliens. Cette position du Premier ministre israélien est d’autant plus renforcée depuis la réélection du président des Etats-Unis, Barack Obama ; nous savons que les relations entre MM. Obama et Netanyahou sont exécrables. Benyamin Netanyahou considère ainsi qu’il est également nécessaire de resserrer les rangs avec les plus radicaux pour tenter de résister aux pressions d’Obama qui, nous pouvons le souhaiter en tout cas, seront éventuellement un peu plus fortes lors de son deuxième mandat que lors du premier, au cours duquel il a totalement capitulé devant les exigences du Premier ministre israélien.
C’est donc dans ce contexte général que nous pouvons effectivement noter une corrélation entre les opérations militaires telles qu’elles se déroulent depuis plusieurs jours et la période électorale dans laquelle se trouve actuellement Israël. Ces opérations permettent à Benyamin Netanyahou d’affirmer la puissance israélienne, de prouver à son électorat que jamais les Israéliens ne reculeront devant ce qu’ils appellent les « actes terroristes » du Hamas, et il s’agit sûrement d’un très bon moyen d’affermir son score électoral.

Un projet de document devant être entériné par Avigdor Lieberman, ministre des Affaires étrangères israélien, suggère que "renverser le régime d’Abou Mazen [nom de guerre de Mahmoud Abbas] serait la seule option" si la reconnaissance de la Palestine comme Etat non-membre observateur à l’ONU est votée à l’Assemblée Générale le 29 novembre prochain. Quelles seront selon vous les conséquences si la Palestine obtient ce statut ? Les menaces proférées par Lieberman vous semblent-elles plausibles ?

Tout d’abord, l’éventuelle reconnaissance de la Palestine comme Etat non-membre observateur à l’ONU serait évidemment une victoire politique tout à fait considérable pour les Palestiniens puisque, dès lors, la Palestine pourrait devenir membre de toutes les agences de l’ONU comme l’UNICEF ou autres. Elle serait aussi habilitée dans ce cas à signer toutes les conventions de l’ONU, ce qui est bien entendu très important, et surtout elle pourrait saisir la Cour Pénale Internationale et la Cour Internationale de Justice à La Haye, afin que soient traités tous les crimes commis par l’occupant et ainsi tenter de faire respecter le droit international.
Un homme comme Avigdor Lieberman, qui représente l’aile la plus radicale, la plus extrémiste et la plus anti-palestinienne que nous puissions trouver au sein du personnel politique israélien, a bien identifié le danger. Les menaces qu’il profère dans le document qui est à paraître – il n’est pas encore officiellement assumé par le ministère des Affaires étrangères israélien – sont évidemment très inquiétantes, puisqu’il n’hésite pas à suggérer que la seule solution dans l’hypothèse d’une reconnaissance de la Palestine serait de renverser le régime d’Abou Mazen. Cela étant, le renversement de l’Autorité palestinienne me semble peu probable mais il est néanmoins possible au vu du raidissement inquiétant de la politique israélienne et du blocage total et absolu de toute initiative en faveur du retour d’un processus de paix dans le pays. Considérant la personnalité de Lieberman et de l’alliance électorale qu’il a conclue avec Netanyahou pour les élections prochaines, cette déclaration n’est pas à prendre à la légère. Nous voyons bien la logique israélienne : refus de reprise des négociations, et dans l’hypothèse où les Palestiniens marqueraient une victoire politique, aucune hésitation à tout faire pour faire tomber ce régime. Nous connaissons par ailleurs les moyens que pourrait employer le gouvernement israélien, sans forcément recourir à la force militaire. Il pourrait s’agir de pressions économiques : nous savons par exemple qu’une partie des produits qui arrivent en Palestine transitent par Israël qui doit reverser les droits de douane aux Palestiniens ; Israël pourrait bloquer ce système et ainsi étrangler économiquement la Cisjordanie.