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Punir les innocents est un crime

par JIMMY CARTER

vendredi 2 juin 2006

Des palestiniens innocents sont traités comme des animaux sous le prétexte qu’ils auraient commis un crime. Parce qu’ils ont voté pour des candidats qui sont membres du Hamas, le gouvernement des États-Unis soutient activement un plan apparemment efficace qui prive la population palestinienne de revenus, de contacts avec le monde extérieur et des moyens de survie.

Il s’agit en général d’enseignants, d’infirmières, de travailleurs sociaux, d’officiers de police, de familles de paysans, de commerçants, de leurs employés et de leurs familles, qui n’aspirent qu’à une vie meilleure. Les sondages après les législatives de janvier montrent que 80 % des Palestiniens souhaitent toujours un accord de paix avec Israël fondé sur les promesses de la Feuille de route. Bien que les membres du Fatah aient refusé de participer avec le Hamas à un gouvernement de coalition, près de 70 % des Palestiniens continuent d’apporter leur soutien au chef du Fatah, Mahmoud Abbas, leur président.

C’est presque un miracle que les Palestiniens aient pu organiser, ces dix dernières années, trois élections, toutes trois honnêtes, équitables, sans violence, et dont les résultats ont été acceptés par les gagnants et par les perdants. Sur les soixante-deux élections supervisées par le Centre Carter, elles furent parmi celles qui reflètent le mieux la volonté du peuple. Une des raisons évidentes de l’étonnante victoire du Hamas à ces législatives a été que les électeurs désespèrent des perspectives de paix. Avec l’assentiment américain, les Israéliens se refusent depuis plus de cinq ans à toute négociation sérieuse, quel que soit l’interlocuteur choisi pour représenter la partie palestinienne.

Le lendemain du jour où son parti a perdu les élections, Abbas m’a expliqué qu’il était impossible à son gouvernement, faute de moyens, d’arriver à un équilibre financier, alors que la vie quotidienne des Palestiniens et leur économie étaient déstabilisées, et que l’accès de la Palestine à Israël et au monde extérieur lui était presque totalement interdit. Son gouvernement avait déjà 900 millions de dollars de dettes et était dans l’impossibilité de payer le salaire des fonctionnaires pour le mois à venir. Les contraintes supplémentaires imposées au nouveau gouvernement étaient une catastrophe délibérément planifiée pour les citoyens des Territoires, dans l’espoir que le Hamas céderait à la pression économique.

Quoi qu’on puisse leur reprocher, les dirigeants du Hamas ont respecté depuis dix-huit mois une trêve temporaire, une houdna, et leur porte-parole m’a indiqué que cette trêve « pouvait être prolongée de deux ans, dix ans ou même cinquante, si les Israéliens faisaient preuve de réciprocité ». Bien que les dirigeants du Hamas refusent de reconnaître l’État d’Israël tant que leurs territoires sont occupés, le Premier ministre Ismaïl Haniyeh a donné publiquement son agrément à des négociations de paix entre Abbas et le chef du gouvernement israélien Ehoud Olmert. Il a ajouté que si ces négociations aboutissaient à un accord acceptable par les Palestiniens, la position du Hamas à l’égard d’Israël changerait.

Quelle qu’ait été sur le long terme la complication de ces relations politiques, il est inacceptable qu’Israël, les États-Unis et d’autres pays sous leur influence continuent de punir un peuple innocent et déjà persécuté. Les Israéliens bloquent environ 55 millions de dollars par mois de taxes et de droits de douane qui appartiennent sans contredit aux Palestiniens. Bien que certains pays arabes aient alloué des fonds à des fins humanitaires pour soulager les souffrances humaines, le gouvernement américain menace l’existence financière de toute banque, jordanienne ou autre, qui oserait transférer cette aide à la Palestine.

Il est impossible de prévoir ce qui se passera en Palestine, mais il serait tragique que la communauté internationale renonce à l’espoir que soit possible une coexistence pacifique de deux États en Terre sainte. Comme l’Égypte et tous les autres pays arabes avant les accords de Camp David de 1978, et l’Organisation de libération de la Palestine avant les accords d’Oslo de 1993, le Hamas a jusqu’ici refusé de reconnaître la légitimité de l’État d’Israël, avec le droit de vivre en paix.

C’est un grand sujet d’inquiétude pour nous tous, et la communauté internationale doit chercher un moyen acceptable de sortir de ce bourbier. Il ne fait pas de doute qu’Israéliens et Palestiniens veulent une solution de deux États, mais priver le peuple palestinien de ses droits humains fondamentaux uniquement pour punir leurs dirigeants élus n’est pas le chemin de la paix.