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« N’oubliez pas que cela fut » (ndlr)

« Des mots pour la Palestine... »

Vendredi 17 août 2012 - 10 h 27

vendredi 17 août 2012

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Michèle Hicorne La poésie palestinienne

Des poèmes forts, écrits par Michèle Hicorne, publiés dans le recueil "Des mots pour la Palestine. Et la plage de Tantoura... ment."

Sur la plage de Tantoura (*)
Le sable blanc
Les ruines
Les fleurs jaunes et bleues
Des rêves
La douceur de vivre
La liberté

Mais la plage ment
Sous son sable blanc
Le sang
Soigneusement enfoui
Coagulé dans les profondeurs de l’oubli
Dans ses ruines
Les cris des femmes et des enfants
Muselés par la violence
Eteints par l’ignorance
Par ses fleurs jauenes et bleues
Dissimulés
Tous ceux qui sont morts
Exécutés dans la barbarie
Enterrés par des bulldozers

Sur la plage de Tantoura
Des fantômes attendent
Ils nous appellent
On ne les entend pas
On ne les voit pas
Pourtant
Depuis 60 ans
Ils sont là
Ils regardent vers la mer
Ils attendent
Ceux qui sont partis
Ceux qui devraient vivre ici
Des enfants qu’ils ne connaissent pas
Des fantômes de chair et de sang

Sur la plage de Tantoura
Des fantômes attendent
Ils nous appellent
On ne les entend pas
On ne les voit pas
Ils crient
Leur désir de justice
Leur besoin de faire savoir
La Vérité

Et la plage de Tantoura ment
...

(*)Tantoura : un des plus gros villages de la côte méditerrannéenne, entre Tel-Aviv et Haïfa, conquis par la Haganah, le 21 mai 1948 ; les massacres ont été d’une grande violence et perpétrés sur la plage, dans le cimetière et la mosquée et les fosses creusées au bulldozer

Biour Hametz (*)

Deir Ayoub, Balad el Cheikh
Deir Yassin, Naghnaghiya
Um-Al-Faraj
Tant d’autres
Plus rien
Le néant
531 villages
Rayés du monde
Niés de l’histoire
Oubliés des consciences

Vous, là-bas, peut-être, ne savez-vous pas
Mais ces lieux ont existé
Ils avaient un nom
Des hommes, des femmes y vivaient
Des enfants y grandissaient
La terre y était fertile

Les autres savent
Mais ils se taisent
Et ils pavoisent !
Ils ont construit sur le vide
Ils ont fait germer le sol
De la pierre blanche de Palestine
Et des beaux fruits mûrs
Ils s’enorgueillissent

Du grand nettoyage
Ils ne disent rien

Quelques-uns se réveillent la nuit
Ils entendent nos cris
Ils nous voient tenter de fuir
Leur poignet toujours lourd de leur arme
Leur bouche hurlant
« Rendez-vous ou suicidez-vous »

Les autres dorment
D’un long sommeil
Parfois comateux
Ils pensent au plan D (**)
Ils continuent
Des chars, des bulldozers, des murs
Le droit violé
Une arrogance dévastrice

Vous, là-bas, vous vous ensommeillez
Vous gardez votre justice bien au chaud
La mort de tout un peuple
Ce n’est pas votre affaire

(*) Biour Hametz : c’est le nettoyage du levain, qui doit avoir disparu de la maison pour la pâque juive ; cette expression de - grand nettoyage - a remplacé celle d’ "opération-ciseaux" pour désigner l’évacuation des Palestiniens, et notamment d’Haïfa, le 21 avril, veille de Pâque.

(**) plan Daleth : plan minutieux d’expulsion des villages ruraux et d’actions contre les centres urbains par lequel Ben Gourion créait le futur état juif, avec 78 % des terres convoité

Plateforme Charleroi Palestine.

Le-teher et le-hashmid (*)

C’est le grand nettoyage
Vous lavez
Vous récurez
Vous épurez
Vous frottez et frottez
Chaîne et trame détissées
Tissu déchiré

Le linge n’était pas sale
Il ne vous appartenait pas
Il n’avait pas vos couleurs
Vous l’avez javellisé
Vous l’avez stérilisé
Vous avez renoué ses fibres
Lui avez donné une autre vie
La vôtre

(*) Le-ther : nettoyer : ce sont les directives données aux brigades juives pour expulser les habitants en laissant les maisons intactes

Le-hashmid : détruire : ordre de dynamitage et de pose de mines

Michele Hicorne est licenciée en philophie et lettres. Elle est bénévole dans un centre pour réfugiés et membre de l’association belgo-palestinienne. Ces textes ont été écrits après une mission civile en Palestine, en novembre 2009.

Le recueil est publié par L’Harmattan en 2010.