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Blog de Paul Jorion

LE TEMPS QU’IL FAIT, LE 3 AOÛT 2012

Dimanche, 5 août 2012 - 11h04 AM

dimanche 5 août 2012

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LES PRIMES DE M. DRAGHI

Bon, je garde le titre, j’aurai tout essayé pour faire une vidéo, mais cette fois-ci, c’était trop dur. Alors, je recours au texte – avec des mots – pour vous expliquer « Les primes de M. Draghi ».

Vous vous souvenez sans doute de mon billet Mario Draghi : Et s’il s’agissait d’un abominable malentendu ?, ou je disais qu’on n’avait rien compris à ce qu’il avait voulu dire le 26 juillet. Il avait parlé de « prime de convertibilité » comprise à l’intérieur des taux exigés de l’Italie et de l’Espagne, et tout le monde s’était dit : « Prime de quoi ? … Il veut surement dire que la BCE va reprendre ses achats d’obligations de ces deux pays ! » Or tout le monde se trompait : il parlait vraiment de la « prime de convertibilité ».

Vous vous souvenez peut-être d’un autre de mes billets récents : Le seul moyen qui reste encore de sauver l’euro. J’y écrivais : « J’aimerais m’adresser plus particulièrement à mes confrères ingénieurs financiers… » Pourquoi m’exprimer de cette manière inhabituelle ? Pour attirer l’attention sur le fait que ce que j’allais dire avait un sens technique très particulier. Pour qu’au cas ou quelqu’un m’objecterait : « Oui, mais le carré de l’hypoténuse… », je puisse répliquer : « Je parle de quelque chose de très précis… et j’avais prévenu que je le ferais ! »

Si le marché des capitaux exige en ce moment des taux plus élevés pour des emprunts italiens ou espagnols qu’allemands ou francais par exemple, c’est parce qu’il y a pour les premiers, un risque plus élevé. Tout le monde est bien d’accord là-dessus.

Mais ce que M. Draghi a dit le 26 juillet – et pour éviter tout malentendu, il aurait du ajouter comme moi : « et je m’adresse ici aux spécialistes uniquement » – c’est qu’il y a en ce moment deux risques pour ces deux pays et par conséquent deux primes de risque exigées par le marché des capitaux pour prêter à ces deux pays, et incluses dans les taux qu’on leur réclame : une prime de risque de crédit « classique », c’est-à-dire de non-remboursement et, en ce moment, une prime de risque « exceptionnelle » de convertibilité.

Le risque de convertibilité, c’est le risque que l’Italie revienne à la lire et l’Espagne à la peseta, et qu’elles remboursent un jour les sommes qu’elles ont empruntées dans ces devises dévaluées auxquelles elles seraient revenues. Et ce risque-là, s’était écrié M. Draghi, nous pouvons l’écarter purement et simplement en déclarant haut et fort : « AUCUN PAYS NE SORTIRA DE LA ZONE EURO ! » Ce qu’il était effectivement en train de faire.

C’est ce que les épistémologues de la finance appellent la « performativité » : faire quelque chose du simple fait qu’on le dit. Encore faut-il – comme M. Draghi l’apprend aujourd’hui à ses depens – que ce qu’on dit soit compris.

Au temps pour la prime de risque de convertibilité. Et quid de la prime de risque de crédit ? Suffit-il que la BCE achète des obligations italiennes et espagnoles en quantités pour faire monter leur prix et du coup, baisser mécaniquement leur taux ? Non, parce qu’il s’agit du risque de non-remboursement de ces emprunts et pour imaginer que cet aspect-là de la chose puisse se régler par l’offre et la demande pour ces emprunts, il faut vraiment ne pas comprendre grand-chose à la question.

Tout ce que je dis là, il faut que je le précise, je ne suis pas seul à le dire. Il y a en effet en Allemagne, un monsieur qui s’appelle Jens Weidmann, et qui est à la tête de la Bundesbank, la banque centrale allemande, qui le dit aussi de son coté. Vous le trouverez facilement aux nouvelles : on vous y explique en long et en large que c’est un emmerdeur, un empêcheur de danser en rond, qui manifestement ne comprend absolument rien à la crise de la zone euro.

O tempora o mores !