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Opinion

Tunisie, Nasser Kandil met en garde les islamistes contre le piège du pouvoir

Vendredi, 8 juin 2012 - 13h02

vendredi 8 juin 2012

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Nasser Kandil est un penseur et résistant libanais qui rallie aisément son auditoire à sa cause, tant il dispose de la force de l’argument et de la pertinence de l’analyse. Sa position est claire et sans équivoque : la nation arabe ne retrouvera son salut, qu’en portant très haut l’étendard de la cause palestinienne. Y renoncer signifie humiliation, déshonneur et assujettissement aux forces sionistes et occidentales.

Invité de l’union régionale du travail de Gabès, et de l’instance nationale du soutien de la résistance arabe et de la lutte contre la normalisation et le sionisme, Nasser Kandil a donné ce jeudi une conférence à la Maison de culture Ibn Khaldoun de Tunis. Il a livré son analyse sur les révolutions arabes, qui restent à ses yeux à définir, à analyser et à évaluer, et a appelé les forces idéologiques et politiques en place dans ces pays en mutation à éviter la polarisation et à s’inscrire dans une démarche de débat critique, loin de toute animosité.

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« La Tunisie a ouvert un processus dans l’histoire de notre nation, dans cette expérience qui est encore en train d’être discutée, et évaluée », souligne Nasser Kandil qui dit percevoir en Tunisie « les directions de l’avenir arabe, et le destin de la nation ».

Sa visite en Tunisie, c’est à partir des contrées du Sud qu’il l’a entamée en mettant le cap sur Gabès et al-Hamma. « Dans mes rencontres populaires dans le sud tunisien, j’ai eu le sentiment que j’étais au Sud Liban, tellement la cause palestinienne est ancrée dans les cœurs et les esprits ». Pour cet intellectuel et militant arabe, le plus grand danger pour la Oumma (Nation) est que la Palestine soit oubliée. « Le seul étendard qui doit nous unir et nous affranchir, c’est la cause palestinienne, et la libération de la Palestine », a-t-il martelé. « Il n’y aura pas de sécurité nationale pour notre nation, sans qu’elle n’adhère au front de la résistance contre l’occident et le sionisme. On ne peut pas construire des relations d’amitié avec l’Occident, si on abandonne la cause palestinienne, c’est là le fer de notre indépendance politique, économique, et culturelle ».

Nasser Kandil a appelé à sortir de la polarisation ; « la situation actuelle du monde arabe requiert urgemment le débat et l’évaluation », a-t-il suggéré. « Notre nation a connu plusieurs révolutions et soulèvements dont les résultats étaient non-souhaités. D’où l’intérêt d’un débat critique sans que cela ne dérape vers les accusations hostiles et les animosités ». Nasser Kandil reconnait l’échec des régimes nationalistes progressistes, à leur tête celui de Jamel Abdennasser, à réaliser les rêves et les aspirations des peuples en matière de libération des terres, de démocratie et de liberté, faute de cette vision et cette évaluation critique.

Il met en garde les courants islamistes en Tunisie et en Egypte, contre le piège de la compromission avec l’occident et l’abandon de la cause palestinienne. L’accession au pouvoir de ces courants mène à ses yeux, « à la perversion d’une partie de leurs dirigeants, voire à l’altération de leur Islam, l’Occident le sait, et il joue sur cela », souligne-t-il en substance. Il appelle les courants islamistes, nationaliste, laïcs, libéraux, de gauche à éviter les clivages et les conflits, et à se tenir soudés contre le projet sioniste. « Aucun conflit dans la Oumma n’a lieu d’être que celui qui est dirigé contre le projet sioniste ».

Pour Nasser Kandil, la majorité au pouvoir, allusion à la Tunisie et à l’Egypte, doit tendre la main aux autres parties pour concevoir les déterminants du consensus national, notamment sur la cause palestinienne, et la question de normalisation avec Israël.

« La nation arabe a beaucoup souffert et ne supporte plus le fardeau du militantisme. Mais, l’expérience a montré que le coût de l’assujettissement est plus élevé que le coût de la confrontation », a-t-il relevé.

« La résistance avec ses moyens et capacités ne demande pas l’ouverture de nouveaux fronts, mais a besoin d’un climat arabe sain, à travers l’organisation de caravanes, dans une action civile pacifiste avec la participation de toutes les forces. Ces caravanes convergeront de tous les pays arabes dans une marche vers la Palestine le 15 mai de chaque année », propose-t-il.

« En syrie, il y avait un début de révolution, mais un danger d’ingérence de l’Occident »
A part la Tunisie qui a surpris le monde, où il y a eu un vrai soulèvement populaire ; dans les autres pays, les révolutions n’étaient pas à l’abri de l’ingérence de l’Occident, estime Nasser Kandil, en s’arrêtant à l’imbroglio syrien. « En Syrie, le peuple se trouve au milieu de plusieurs équations, il se soulève contre l’ingérence de la police dans sa vie quotidienne, la corruption de l’administration, mais il est menacé par une ingérence étrangère. La Syrie est au cœur des mouvements de résistance qui ont fait échec à l’ingérence étrangère et sioniste, elle était la seule à dire, par la voie de Bachar al-Assad, que la guerre en Irak vise la nation, favorise son enlisement dans les scissions ethniques, et confessionnelles et cherche à donner une légitimité à Israël ».

Le militant arabe reconnait le droit du peuple syrien à plus de démocratie, de liberté, de pluralité, et à plus de fermeté dans la lutte contre la corruption, « mais quand on laisse libre cours à l’ingérence de l’Occident en Syrie c’est pour ôter au peuple syrien sa fierté et sa dignité ». Et d’ajouter : « Si Bachar al-Assad a accédé aux demandes de l’Occident d’abandonner la résistance, l’Occident n’aurait pas hésité à accoler à la Syrie l’appellation du Royaume d’al-Assad ».

Nasser Kandil prévient contre « l’utilisation par l’Occident de l’éclat de la révolution tunisienne, comme un poignard vénéneux pour porter préjudice à la Syrie. » "La Tunisie peut jouer un rôle en Syrie, en toute impartialité, en parrainant un dialogue national entre les deux camps en conflit (NDLR le pouvoir d’al-Assad et l’opposition), en tâchant de préserver l’unité de la Syrie, l’unité de l’armée, et en refusant toute ingérence étrangère. Nasser Kandil a regretté que la Tunisie ait fermé son ambassade en Syrie, car « l’ambassade est un moyen de communication et d’échange entre les peuples ».

Le conférencier dit comprendre que « les courants islamistes en Tunisie et en Egypte affectionnent l’accession des frères musulmans au pouvoir en Syrie, mais ceci n’aura pas lieu, si l’instabilité perdure, il y aura soit une occupation étrangère, soit une guerre civile », soutient-il. L’orateur prévient contre la banalisation de la division sur la question syrienne pouvant conduire à des résultats non souhaités. « Le Liban est au bord d’une guerre civile du fait de la division sur la cause syrienne », a-t-il déploré.

Pour Nasser Kandil, le monde arabe vit un mélange de révolution, de soulèvement, de printemps, de complot…seules la sagesse, l’indulgence, la patience et une approche participative permet aux pays arabes de faire triompher le positif sur le négatif.

Le printemps arabe, même s’il y adhère, il admet qu’il peut déboucher sur deux issues : soit être accompagné d’une tempête, et dans ce cas de figure, on passe directement à l’automne ; soit être un printemps calme, avec un air pur, et portera ainsi ses fruits.

H.J.