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Yemen à feu et à sang (ndlr)

Après l’attentat de Sanaa, le Yémen cherche à identifier les responsables

Mardi, 22 mai 2012 - 9h03 AM

mardi 22 mai 2012

Quotidiennement, depuis des mois, le Yemen est un véritable champ de bataille sur lequel s’affrontent des armées, des présumés membres d’Al Qaïda, des « supplétifs », des tribus, en bref des factions ou fractions de la population difficilement quantifiables et qualifiables.
Le nombre quotidien de tués est considérable et les attentats « de masse » font des victimes par centaines.
Les drones US règnent sur le ciel Yémenite et sont occupés tout particulièrement à procéder à l’exécution des meneurs eux aussi « présumés membres d’Al-Quaïda »

Les bulletins alternatifs de victoire sont quotidiens et les médias,
qui commencent enfin à s’intéresser à cette tragédie, ne savent plus
très bien à qui attribuer les responsabilités et ont du mal à comprendre le pourquoi réel d’une telle situation.
Coincé entre le Golfe d’Aden et l’Arabie Saoudite, le Yémen bi-face est
stratégiquement important car, avec ses quelques 1300 kms de frontière avec l’Arabie Saoudite au nord et ces 1500 kms de côtes donnant accès et à la Mer Rouge et à l’Océan Indien au travers du Golfe d’Aden, à l’ouest et au sud, il constitue un enjeu mais aussi une menace notamment pour le grand « frère » du nord.

Les alliés du « noyau dur » ne s’y trompent pas qui tentent de rétablir l’ordre, « leur ordre », dans un pays qui jusqu’à très récemment était sous la coupe dictatoriale d’un président qui, encore aux aguets, espère récupérer en personne ou par marionnette interposée son pouvoir ravageur et tyrannique et permettre ainsi à la botte géographique persique de retrouver son unité et de poursuivre son
implacable et impitoyable règne sur des peuples asservis, au bord de l’implosion et qui probablement dailleurs auront le dernier mot.

Le Comité de rédaction

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Le Yémen se préparait à célébrer son unité lorsqu’il a été le théâtre de l’un des attentats les plus meurtriers de son histoire : près de cent morts et des centaines de blessés, tous des militaires.

Ce lundi 21 mai, à Sanaa, au milieu de la matinée, les hommes des forces de la sécurité centrale, en tenue d’apparat, répétaient les pas d’une parade officielle. Le lendemain, comme chaque 22 mai, le Yémen devait commémorer son unification. Un jour de fête et de communion populaire. Après une année révolutionnaire marquée par les divisions et les violences, le renoncement au pouvoir d’Ali Abdallah Saleh et l’élection de Mansour Haddi à la présidence de la République, la cérémonie prenait cette fois un sens tout particulier. Elle entendait bien faire la démonstration de l’unité retrouvée d’une nation et de ses force armées. La Sabayn, la grande artère qui fend la capitale du nord au sud, était déjà parée des fanions aux couleurs nationales. Dans quelques heures, la tribune officielle accueillerait tout ce que le Yémen compte de dignitaires et de personnalités, politiciens et représentants du corps diplomatique.

Lire : « Al-Qaida revendique l’attentat-suicide meurtrier au Yémen »

A 10 heures du matin, une forte explosion a retenti au beau milieu des hommes d’une brigade des forces de la sécurité centrale. Tir de roquette ? Kamikaze ? Les deux scénarios étaient avancés par les forces de l’ordre présentes sur les lieux.

Pour Ahmad Idriss, médecin légiste arrivé tôt sur place et qui a pu recueillir les témoignages de plusieurs blessés, « un homme habillé d’un uniforme se serait glissé dans le groupe avant de déclencher une ceinture d’explosifs ». Ahmad était tout proche. Cet élève de l’académie de police, âgé de 25 ans, répétait lui aussi pour le défilé officiel. « Les hommes de la sécurité centrale faisaient face à la tribune officielle lorsqu’une explosion a retenti. Celui qui a fait ça n’a aucune conscience, il déteste autant l’unité de notre pays que l’armée. »

Les ambulances, sirène hurlantes, se frayaient difficilement un chemin dans les rues engorgées de Sanaa. Aux abords du périmètre de l’attaque, bouclé par la sécurité centrale et la garde républicaine, la foule était déjà nombreuse. A quelques centaines de mètres de la tribune officielle, dans un espace accolé à un jardin public, le bitume de la Sabayn était maculé de sang. Des membres de la police scientifique, en blouse blanche, ramassait des lambeaux de chair. Des civils les brandissaient face aux caméras de télévision accourus sur place. L’heure était à une grande confusion. Malgré les interdictions, policiers, soldats ou simples badauds circulaient au beau milieu de la scène de l’attaque comme si de rien n’était.

« IL N’Y A PLUS DE SÉCURITÉ DANS LES PROVINCES »

Les enquêteurs, déjà à l’œuvre, avaient les plus grandes difficultés à protéger la zone de souillures extérieures. « Ce sont nos collègues qui sont morts ! Laissez-nous faire notre travail ! Quittez les lieux ! », vitupérait le général Musab Al Sufi. Puis le directeur général de la police criminelle dénonçait une « action terroriste, un attentat kamikaze selon les premières constatations ». Dans une harmonie quasi parfaite, des membres de la sécurité centrale et de la garde républicaine, toujours contrôlées par les fils et neveux d’Ali Abdallah Saleh, accusaient Al-Qaida et promettaient au Yémen les pires lendemains. Ils réservaient leurs déclarations à la seule chaîne de télévision Yemen Today, notoirement acquise à Ali Abdallah Saleh. Les officiers du ministère de l’intérieur, désormais contrôlé par l’ancienne opposition, étaient bien les seuls à distiller des propos plus nuancés et prudents, se contentant d’affirmer qu’"une enquête est en cours, nous attendons une revendication officielle". Mardi, Al Qaida a revendiqué l’attentat dans un communiqué publié sur des forums djihadistes.

Sur la Sayban, lundi matin, il flottait un air favorable à l’ancien président, comme aux heures les plus tendues de la « révolution populaire et pacifique ». C’est ici que l’ancien homme du fort du Yémen avait pris l’habitude de réunir ses partisans, tout proche de son palais. Micro à la main, il enflammait alors les foules de discours menaçants, mettant en garde contre le chaos que ne manquerait pas de provoquer la chute brutale de son régime.

« Regarde, c’est l’absence de sécurité qui a provoqué tout ça. Al-Qaida en est le responsable, le mouvement terroriste est partout, à Sanaa comme dans tout le pays », assène d’un bloc le cheikh Abdul Wali. Chef tribal, policier et défenseur de l’unité de la patrie, comme il aime se présenter, Abdul Wali est une figure familière des partisans de l’ancien président. Sitôt la nouvelle de l’attaque connue, il s’est rendu sur les lieux. « Il n’y a plus de sécurité dans les provinces depuis le changement. Les milices tiennent les check-points, et elles n’hésitent pas à enlever les étrangers. » "Il y aura beaucoup de problèmes", prédit-il...

La « révolution » source de chaos, un nouveau président incapable d’imposer la sécurité et la stabilité, un ancien chef de l’Etat présenté en rempart des extrémismes... Lundi, sur la Sabayn ensanglantée, l’heure n’était pas à la célébration d’une unité retrouvée. Mais bien à l’entretien des divisions, comme si la « révolution » ne devait jamais se terminer.

François-Xavier Trégan
Source : Le Monde.fr