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Liban : opinion

« Les limites de la surenchère »

Mercredi, 16 mai 2012 - 7h06 AM

mercredi 16 mai 2012

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"Qu’est-ce qui pousse donc certains Libanais à vouloir à tout prix détruire leur pays ? Pour une fois que celui-ci jouit d’une certaine stabilité, alors que la région tout entière est en pleine zone de turbulences, voilà que des jeunes séduits par les thèses extrémistes veulent mettre Tripoli à feu et à sang et créer un conflit armé avec les soldats et les services de renseignements, pour transformer le Nord du Liban en base arrière de l’opposition syrienne.

Ce que certaines voix libanaises et internationales craignaient depuis quelques mois déjà est donc en train de se produire et le Courant du Futur qui prétend contrôler la base sunnite de tout le Liban, en se voulant le principal, sinon le seul, représentant de cette communauté, est obligé de se rallier aux thèses extrémistes pour ne pas être désavoué.

C’est en quelque sorte une nouvelle version de l’histoire de l’apprenti sorcier, contre lequel le sort s’est retourné. A force de vouloir ménager les extrémistes, le Courant du Futur ne sait plus trop où il en est et il est pris au piège de ses propres slogans. C’est devenu clair notamment lorsqu’il a fallu demander aux manifestants de se retirer de la place Abdel-Hamid Karamé à l’entrée de la ville et qu’il est apparu que le Courant du Futur n’avait aucune autorité sur les jeunes. De nombreuses mouvances extrémistes sont ainsi apparues, étroitement liées à l’opposition syrienne et, selon des sources de la ville, recevant directement des fonds de certains pays arabes actifs contre le régime syrien. Pour ne pas être totalement hors du coup, le bloc parlementaire du Courant du Futur s’est ainsi vu dans l’obligation d’appeler à la démission des ministres originaires de la ville et à la suspension de la participation des députés du Nord aux réunions parlementaires. C’est donc désormais le Courant du Futur qui suit la base et non lui qui lui dicte ses slogans. Le changement est énorme et risque non seulement de se traduire de façon dramatique aux prochaines législatives, mais aussi de faire basculer Tripoli et ses environs dans l’horreur en les liant étroitement aux développements en Syrie. Est-ce finalement le résultat voulu par ceux qui n’en finissent plus de jouer avec le feu ? La Jordanie, la Turquie, le Qatar et même l’Arabie saoudite sont hostiles au régime syrien et veulent sa chute, mais aucun de ces pays ne met en cause sa stabilité interne pour servir cet objectif. Quelle est donc la logique de ces Libanais prêts à s’entretuer pour une cause qui est de plus en controversée et qui sert visiblement les intérêts d’"Israël" ? La question mérite d’être posée et doit provoquer une réelle réflexion. Car comment justifier aux yeux des habitants de Tripoli qui ont passé un week end de terreur et qui commençaient à songer à quitter leurs maisons les affrontements et la tension grandissante dans la ville et ses environs ?

Si l’objectif est d’affaiblir le Premier ministre pour le pousser à démissionner, la réponse est venue des milieux proches de Mikati : celui-ci n’a aucune intention de quitter le gouvernement. S’il s’agit de créer une zone autonome, où les forces légales libanaises n’auraient plus le droit d’entrer, cette zone ne serait pas contrôlée par le Courant du Futur et ses partisans, mais bien par l’opposition syrienne et les mouvances extrémistes.

De toute façon, couvertes par le Conseil supérieur de Défense qui s’est réuni d’urgence à Baabda, l’armée et la Sûreté générale (cette dernière a été mise en cause dans l’arrestation du présumé membre d’Al Qaëda Chadi Maoulawi) n’ont en tout cas pas l’intention de reculer et les personnes arrêtées ont été déférées devant la justice. L’Etat ne compte pas abandonner Tripoli aux extrémistes et sa détermination vient surtout de la volonté des habitants de la ville qui aspirent au calme et à la stabilité.

Elle vient aussi du fait qu’il n’y a aucune décision internationale de déstabiliser le Liban pour le moment et enfin, elle vient du rapport des forces internes qui montre que la majorité des Libanais, quelle que soit leur position vis-à-vis du dossier syrien, veulent la paix.

Quant à ceux qui jouent avec le feu, ils devraient prendre garde de se brûler eux-mêmes les doigts…Car il y a des limites à toute surenchère surtout celle qui porte sur les thèses de l’extrême.

Par Soraya Hélou