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Source : Le Huffington Post

Bahreïn une bombe à retardement

Dimanche, 29 avril 2012 - 8h05 AM

dimanche 29 avril 2012

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Par Ardavan Amir-Aslani

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Ce pays ne connaît pas une seule nuit sans émeutes depuis plus de un an et la prétendue « paix sociale » n’a pu être instaurée qu’à coup de matraquage de la population par des troupes saoudiennes invitées par le pouvoir sunnite à y rétablir l’ordre. Les mêmes troupes y campent, un an après, sous des tentes au beau milieu de la ville véhiculant l’image d’un pays sous occupation étrangère. Or, l’explosion d’une bombe le 9 avril dernier dans le village chiite de Al-Akar visant les forces de sécurité exclusivement sunnites marque un dangereux rappel du durcissement des positions des protagonistes. La normalisation est loin d’être au rendez-vous.

Afin de justifier son extrême brutalité dans la répression ayant entrainé plus d’une centaine de morts, un millier de blessés et deux mille prisonniers politiques, le pouvoir ne cesse de brandir, sans avancer de preuves, la menace d’un complot de l’Iran chiite. Décidément, cette menace iranienne est devenue la carte blanche idéale et un laisser-passer sans limite pour justifier toutes sortes d’exactions.

Ce petit pays est dirigé par une minorité sunnite qui a instauré une sorte d’apartheid au détriment de la vaste population chiite majoritaire à 80 pour cent. Il héberge la 6e flotte américaine et semble marquer la ligne rouge aux yeux du pouvoir sunnite et de leurs alliés saoudiens. En effet, les pays arabes du golfe persique essaient de tout faire pour éviter, qu’après l’Iraq où les chiites sont également majoritaires, le Bahreïn tombe entre les mains de sa population chiite.

En effet, si les chiites sont minoritaires dans l’Islam, ils sont majoritaires sur les sites des gisements miniers d’hydrocarbures. Ainsi la totalité du pétrole saoudien est produite dans les provinces dites de l’Est où la population est à 90% chiite. Or l’Arabie Saoudite et le Bahreïn ne sont séparés que par une courte distance et reliés par un pont opportunément qualifié de « Causeway ». Aux yeux des Saoudiens il s’agit de tout faire pour empêcher un risque de contagion des revendications des chiites du Bahreïn aux chiites saoudiens. Le pouvoir Bahreïni se présente comme un bastion de résistance contre ce que les pétromonarchies du golfe-persique perçoivent comme l’inexorable avancée de l’Iran dans le monde arabe.

Pendant cette répression où torture et arrestation arbitraire sont monnaie courante, le pouvoir Bahreïni a tenté de véhiculer un sentiment d’État de droit en chargeant une commission d’enquête dite ’Baissiouni’ de faire un état des lieux et de proposer des remèdes. Les travaux de cette commission, dirigée par un Avocat égyptien du même nom, ont conclu au recours à toute sorte d’exaction par le pouvoir sunnite allant de l’usage régulier de la torture et du viol en passant par des assassinats et des arrestations politiques. En particulier, le rapport préconise toute une série de mesure dont l’arrêt de la torture et des emprisonnements injustifiés ainsi que la mise en cause des autorités responsables de ces abus. Il suggère également un rééquilibrage confessionnel des membres des forces de sécurité, aujourd’hui exclusivement composé de sunnites.

Bahreïn, en effet, est une bombe à retardement. La majorité chiite, d’après tous les observateurs, y est malmenée, et c’est un euphémisme, vivant dans une sorte d’apartheid institutionnalisé. Même si la loi martiale est théoriquement abrogée, le bruit de bottes résonne encore et les quartiers chiites sont quadrillés par des troupes en tenue de combat. Plus de mille prisonniers politiques continue de pourrir dans les geôles du pouvoir. Le très populaire et aimé militant des droits de l’homme, Abdulhadi Alkhawaja, continue de croupir en prison avec une grève de la faim qui dure depuis le 8 février. Toutes les demandes internationales en vue de sa libération sont restées lettres mortes. Aux yeux du pouvoir, il a commis le crime de lèse-majesté pour avoir demandé une égalité entre chiite et sunnite.

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Le désamorçage de cette bombe à retardement est loin d’avoir commencé.