Accueil > Sociétés Civiles à Parlement Européen > Bannie à vie !

Résistance citoyenne vaincra ! (ndlr)

Bannie à vie !

Vendredi, 27 avril 2012 - 9h04 AM

vendredi 27 avril 2012

============================================

Par Mita

C’est ma Nakba à moi. Ma catastrophe. Après 3 mois passés avec l’ISM à lutter jour après jour avec les Palestiniens contre l’occupation sioniste, je suis sortie en Jordanie pour re-rentrer et prolonger mon visa de 3 nouveaux mois. Le 18 avril, après 3 jours à Amman, je me suis présentée au poste frontière d’Aqaba, ce no man’s land hyper-surveillé. Le premier interrogatoire s’est passé à merveille. Mais ils n’avaient pas encore scanné mon passeport et c’était comme foncer dans la gueule du loup. Ils savaient tout. Mon nom, mes contacts, les lieux où j’étais allée.

Mita dans la manifestation de Qalandia, pour la Journée de la Terre, le 30 mars 2012

Quand ils ont scanné mon passeport, j’ai vu les yeux de l’employée s’exorbiter, elle a hurlé quelque chose en hébreu et un gars s’est précipité avec elle dans une pièce où j’ai dû les rejoindre. Interrogée pendant 4 heures, fouille corporelle, fouille minutieuse du moindre objet de mes affaires durant plus d’une heure. Ils ont tout décortiqué, juste pour me faire perdre mon temps. Un homme m’a interrogée, au téléphone : très désagréable, il m’a demandé si je voulais parler arabe. Très raciste et très informé à mon sujet, il m’a demandé de tout avouer. Bien sur, j’ai campé sur mes positions de touriste, du début a la fin. Rien à faire. Ils m’ont ensuite déclaré : « Vous êtes une menace pour l’Etat d’Israël ». Ils m’ont bannie à vie de Palestine. Un tampon rouge sur le passeport, et leurs applaudissements quand ils m’ont fait retourner sur mes pas...
C’était comme tomber de très, très haut. Comme le ciel qui vous tombe sur la tête et vous savez qu’il n’y a rien à faire, rien du tout.
En Cisjordanie , Ils ne m’ont jamais arrêtée, n’ont jamais scanné mon passeport. Mais ils ont des espions qui rôdent, et ils nous considèrent très dangereux : la lutte pour la justice et la paix, de manière non violente, est une grande menace pour eux. Ça veut tout dire. Et ça veut aussi dire qu’il faut des militants, encore et encore.
Ma rage est immense, ma peine aussi. Quoi de pire que de savoir que je ne vais pas revoir mes sœurs et frères, mes ami(e)s, si proches, si forts, si fiers, enfermé(e)s dans cette petite prison à ciel ouvert, où les sionistes leur font vivre un enfer.
Et je pèse mes mots.
Mais l’espoir persiste. La vérité doit éclater.
Israël est un Etat raciste, dangereux, vicieux et illégal.
Mais tant qu’ils joueront avec nos vies, qu’ils se méfient de nos sourires !

Mita et Lina pendant une manifestation à Hébron

Car maintenant, je sais ce que veut dire vivre sous occupation sioniste, et toutes proportions gardées, je sais ce que veut dire être privé du droit au retour.
C’est une douleur viscérale, coincée au fond du cœur et qui racle et qui ne lâche pas. Une injustice de plus commise par le régime sioniste, une de plus sur une longue liste.
Il y a les messages des camarades, des frères et des sœurs de lutte, qui n’y croient pas, qui ne peuvent ni ne veulent y croire. Et moi avec. C’est se dire qu’on est toujours vivant mais qu’on ne va jamais se revoir. C’est avoir la marque des damnés sur son passeport.
C’est essayer de garder le sourire, de rire avec ces gens qui m’accueillent en Jordanie, au cœur si pur et à l’hospitalité énorme, qui ont été bannis de leur propre pays, eux aussi, depuis si longtemps.
Ce sont leurs regards de compassion et aussi la rage au fond de leurs yeux, qui comprennent la mienne.
C’est n’avoir que les souvenirs dans la tête, et lutter pour garder chaque détail, chaque odeur, et en même temps trouver la force d’étouffer le sanglot qui va avec. Car mes copains qui luttent sont coincés là-bas. Et moi, ici. Et les occupants contrôlent les frontières.
Bannie. Je suis bannie de la plus belle terre au monde, qui vit une injustice des plus folles, depuis longtemps. On est loin d’un « conflit israélo-palestinien », c’est le nettoyage ethnique, l’apartheid, l’occupation du territoire, une colonisation raciste et illégale.

C’est une petite fille qui cherche son frère dans la rue : Nidal ?

Son petit frère s’appelle Résistance.

C’est une lutte qui continue, une rage immense qui est lourde et pénible pour le moment, mais qui ne me lâchera pas.

Source : ISM