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Source : Info-Palestine

Prisonniers palestiniens en Israël : la « bataille des ventres vides » a commencé

Lundi, 23 avril 2012 - 8h37 AM

lundi 23 avril 2012

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Par Khaled Amayreh

Pour lutter contre la persécution systématique, les prisonniers palestiniens en Israël recourent en masse au seul pouvoir qui leur reste, mettant leur vie en danger en refusant de s’alimenter.

La grève de la faim de 66 jours de Khader Adnan a inspiré de nombreux autres détenus palestiniens en Israël - Photo : EPA
Des milliers de prisonniers palestiniens croupissant dans les prisons et les camps de détention israéliens ont entamé une grève de la fin illimitée pour protester sur un grand nombre de griefs, notamment la tristement fameuse détention administrative, la réclusion à l’isolement, les fouilles nocturnes humiliantes et le fait de maintenir des détenus en prison après le terme de leur peine.

Mardi 17 avril dernier, quelque 2.300 détenus auraient renvoyé leur repas dans le cadre de la grève de la faim qui coïncide avec la « Journée du Prisonnier Palestinien ».

Il y a quelque 4.700 Palestiniens qui dépérissent dans les prisons israéliennes, dont beaucoup sont des prisonniers purement politiques qu’Israël punit pour s’être pacifiquement opposés à la brutale occupation israélienne de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est depuis des décennies.

Des centaines de prisonniers sont détenus sans inculpation ni procès, manifestement afin de briser leur volonté de résistance. Ces prisonniers incluent des docteurs, professeurs d’université, poètes, étudiants et législateurs élus.

Israël, qui utilise certaines des tactiques les plus dures développées pour étouffer les Palestiniens insoumis réclamant la liberté, se réfère aux détenus comme à des « terroristes » pour les stigmatiser aux yeux du monde et les priver de toute sympathie publique. Ce qui n’empêche pas l’empathie et la solidarité avec eux de prédominer car pratiquement chaque ménage a un proche, un ami ou un être cher derrière les barreaux en Israël.

Plus de 700.000 Palestiniens (20% de la population) ont vécu un emprisonnement en Israël au moins une fois depuis qu’Israël occupe la Cisjordanie, en 1967. Chaque jour des dizaines de jeunes gens continuent d’être raflés par l’armée d’occupation israélienne.

Parmi les détenus menant la bataille du ventre, il y a trois Egyptiens et plusieurs autres arabes. Quelque 50 activistes qui se sont infiltrés à travers le lourd blocus de la Cisjordanie font également le jeûne par solidarité.

Des milliers de Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza sont descendus dans les rues ou ont tenu des réunions et des sit-in pour montrer leur solidarité avec leurs camarades dans les geôles israéliennes.

La campagne contre la captivité à durée indéterminée sans inculpation ni procès (détention administrative) est montée en puissance récemment après le grève de la faim prolongée de deux prisonniers. Le premier est Khader Adnan, un jeune activiste palestinien dont la grève de la faim a duré 66 jours. Il a été relâché mardi dernier, mais rien n’assure qu’il restera libre et ne sera pas arrêté à nouveau, procédé de la politique israélienne de harcèlement des résistants palestiniens.

L’autre prisonnière, c’est Hana Al-Shalabi, 23 ans, qui a jeûné pendant 44 jours, exigeant la fin de sa détention administrative. Le mois dernier Al-Shalabi, qui vit dans le nord de la Cisjordanie, a été déportée dans la bande de Gaza.

Les autorités d’occupation ont calculé que la mort possible de prisonniers déclencherait une intifada ou un soulèvement dans les territoires occupés, ce qui pourrait déstabiliser et mettre en danger le régime du président Mahmoud Abbas, dirigeant de l’Autorité Palestinienne (AP).

Abbas a salué les prisonniers, disant que leur cause est en tête de sa liste de priorités. Nous ne dormirons pas et nous n’aurons pas l’âme en paix tant que vous ne serez pas tous retournés chez vous », déclarait le dirigeant palestinien à la télévision pour marquer le Jour du Prisonnier.

Abbas a dit qu’il approcherait les états signataires de la Quatrième Convention de Genève afin d’appliquer les clauses de l’instrument aux Palestiniens comme peuple sous occupation.

Le dirigeant palestinien a dit qu’il espérait qu’Israël serait contraint de traiter les prisonniers palestiniens comme des prisonniers de guerre.

Israël, qui viole sans vergogne le droit et les normes internationales ne se considère pas comme puissance occupante et nomme les territoires occupés « zones contestées ». Après plus de 44 ans d’occupation militaire, des millions de Palestiniens se voient toujours privés de leurs droits humains et de leurs libertés civiles.

La communauté palestinienne n’en montre pas moins une unité exemplaire face aux tentatives israéliennes d’écraser la lutte pour la liberté des prisonniers.

« Nous sommes unis et sans divisions quand il s’agit des prisonniers, et nous veillerons sur nos frères et sœurs dans les geôles israéliennes tant que leurs exigences ne sont pas satisfaites » dit le cadre de l’AP Qaddura Fares, président du Club des Prisonniers.

« Je pense que de plus en plus de prisonniers se joindront à la grève de la faim. Il s’agit d’un combat pour la vie et la dignité » ajoute-t-il.

La grève a été qualifiée de « grève de Karama », du mot arabe qui signifie « dignité ».

Outre leur demande de mettre un terme à la détention administrative et à la réclusion solitaire, les prisonniers exigent la fin des inspections et rafles nocturnes. Il demandent aussi la levée des lourdes amendes et de toutes les actions découlant de la loi dite « Loi Shalit », qui impose de lourdes restrictions aux prisonniers affiliés au groupe palestinien de résistance Hamas.

Selon le « Rapport sur Israël et les Territoires palestiniens occupés » d’Amnesty Internationl pour 2011 : « Cette année encore, des Palestiniens des territoires occupés soumis au système de justice militaire israélien ont subi toute une série de violations de leur droit à un procès équitable. Ils étaient régulièrement interrogés en l’absence d’un avocat, et étaient, malgré leur statut de civils, déférés devant des tribunaux militaires et non civils ».

Ce même rapport d’Amnesty déclare : « De nombreuses informations ont fait état d’actes de torture et de mauvais traitements, infligés notamment à des enfants. Parmi les méthodes le plus souvent signalées figuraient les passages à tabac, les menaces contre le détenu ou ses proches, la privation de sommeil et le maintien prolongé dans des positions douloureuses. Des « aveux » qui auraient été obtenus sous la contrainte étaient retenus à titre de preuve par les tribunaux militaires et civils israéliens ».

Il est probable que le gouvernement israélien ignorera la grève de la faim massive, du moins au stade initial. Israël pourrait aussi recourir à des tactiques draconiennes, comme l’alimentation forcée des détenus.

Dans le passé, des cadres et dirigeants israéliens arguaient que les grèves de la faim palestiniennes constituent une menace existentielle pour la survie d’Israël. Ce genre de réaction a refait surface récemment dans la façon dont les autorités israéliennes ont (mal)traité des activistes étrangers venus en Israël pour montrer leur solidarité avec les Palestiniens.

Mais les Palestiniens, eux, n’ont pas le choix. Leur lutte n’est pas seulement pour la dignité. Ils luttent aussi pour leur vie.