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Perversité et persécution au quotidien

Israël fait tout pour empêcher les Palestiniens de se servir de sources d’énergie renouvelable

Samedi, 10 mars 2012 - 16h48

samedi 10 mars 2012

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Charlotte Alfred - Ma’an News

MASAFER YATTA (Ma’an) - Dans les collines au sud d’Hébron, il y a un bunker souterrain camouflé par des fougères et des sacs pesants : c’est là qu’un minuscule village palestinien abrite un secret.

Le village de Dkaika, dans les collines au sud d’Hébron, est menacé de 74 ordres de démolition. Les panneaux photovoltaïques nouvellement installés sont la première source d’électricité du village, qui se sert de lampes à gaz et de batteries de voitures pour les nécessités quotidiennes. (MaanImages/Charlotte Alfred)Construisant tranquillement la nuit, avec l’aval de gouvernements étrangers, des experts travaillent en partageant ce secret avec des communautés de la région.

Quelle est cette activité illicite ? L’énergie renouvelable.

Des centaines de Palestiniens vivant dans ces collines doucement vallonnées appelées localement Masafer Yatta n’ont pas la possibilité de se connecter à un réseau électrique. A présent, voici qu’une révolution énergétique « verte » est menacée par une série de démolitions annoncées.

Masafer Yatta se situe quasi entièrement dans la Zone C, les 62% de la Cisjordanie qui sont placés sous la pleine juridiction civile et sécuritaire d’Israël depuis les Accords d’Oslo en 1993.

Mardi 31 janvier, les forces israéliennes ont délivré des « ordres d’arrêt » - le premier pas avant la démolition - à l’encontre des systèmes d’énergie solaire dans quatre des villages de Masafer Yatta.

Ces menaces font suite à plusieurs mois de démolitions et d’avertissements officiels visant les efforts des villageois pour procurer du courant à leurs communautés.

Depuis la mi-juin 2011, l’armée a démoli les pylônes électriques de deux villages, menacé de détruire les système d’énergie solaire dans six autres, et sectionné les câbles électriques dans un autre village, arguant de l’absence de permis légaux.

Un seul village à Masafer Yatta a pu un jour se connecter au réseau électrique palestinien, après une décennie de tractations avec les militaires.

Masafer Yatta possède un réseau électrique auquel sont connectées les quatre colonies approuvées par le gouvernement israélien ainsi que six implantations non autorisées construites en 1981 et qui bénéficient de l’électricité fournie par Israël.

Les villages palestiniens se sont vu refuser l’accès à ces lignes électriques qui sillonnent leur pays et l’armée a anéanti au moins trois tentatives de connexion à l’électricité fournie par l’Autorité palestinienne.

Le COGAT, coordinateur des activités gouvernementales israéliennes dans les Territoires palestiniens, insiste pour que les autorités israéliennes approuvent la construction électrique « basée sur les besoins de la population afin de permettre un mode de vie décent », selon son porte-parole, Guy Inbar.

Mais il ajoute que les questions « de sécurité et d’hygiène » sont fondamentales et « qu’aucune infrastructure ne devrait être liée à des constructions illégales et à celles qui sont construites hors la loi d’aménagement et de construction ».

Une jungle de réglementations légales imposées par les militaires israéliens, et qui comprennent des lois jordaniennes datant d’avant l’occupation israélienne de la Cisjordanie, requiert que les Palestiniens en Zone C demandent aux autorités palestiniennes l’autorisation de construire sur leurs propres terres.

Les fonctionnaires de l’AP, les organisations de développement et les résidents des villages s’accordent à dire que les permis de bâtir sont pratiquement impossibles à obtenir. Le Bureau de Coordination aux Affaires Humanitaires de l’ONU dit que les permis ne sont accessibles que sur 1% de la Zone C qui a un plan d’aménagement du territoire approuvé par les Israéliens, et qui est déjà construit.

Tout comme en matière d’eau et de routes, les réglementations militaires israéliennes rendent donc le réseau électrique de l’Autorité Palestinienne inaccessible aux 150.000 résidents palestiniens de la Zone C [même si toute l’électricité cisjordanienne doit être achetée à Israël - NdT ].

Une campagne bien tranquille pour électrifier les communautés rurales de Masafer Yatta en utilisant l’énergie éolienne et photovoltaïque espérait contourner le problème des permis grâce à des projets d’infrastructure modestes et nichés au coeur des villages.

« Notre mode de vie ici nous pousse à inventer quelque chose de neuf » dit un militant du village.

Mais les villageois craignent que la recrudescence récente des ordres de démolition israéliens des systèmes d’énergie ne soient le début d’une attaque en règle contre leur auto-suffisance.

« L’électricité est un gros problème, il fait peur aux Israéliens » déclare à Ma’an le gouverneur de Hébron, Kamel Hemaid. « Je ne sais pas pourquoi, peut-être aiment-ils l’obscurité ».

En Cisjordanie, les démolitions par l’armée ont doublé en 2011, selon l’ONU. Le gouverneur Hamaid dit qu’Israël envoie un message à l’AP, comme quoi il tiendra bon dans ces zones, après que les négociateurs ont conditionné le retour aux pourparlers au gel israélien des constructions de colonies.

Les démolitions font partie d’une campagne pour « mettre la pression sur l’Autorité Palestinienne », dit-il.

L’an dernier, tous les types de démolitions ont doublé ... montrant qu’il s’agit d’une nouvelle politique, basée sur des motifs politiques. Il ne s’agit pas des autorisations légales ni de l’illégalité » ajoute Hamaid.

Selon un rapport de l’UE fuité, l’escalade des démolitions en Zone C est le résultat du « transfert forcé de la population autochtone » et elle clôt la possibilité d’une solution à deux états au conflit.

D’autres villages ont dit à Ma’an que leurs courbes de développement font partie d’une campagne qui dure depuis des décennies en vue de faire partir les résidents locaux de cette zone près de la frontière sud repeuplée de quelque 2.000 colons israéliens.

« Si nous déplaçons la moindre pierre, c’est interdit, parce qu’ils veulent nous voir partir » dit Mohammed Ahmed Nawaja, à la tête du conseil municipal de Susiya.

Légalité, politique et négligence

Les autorités israéliennes disent qu’elles doivent démolir les constructions faites sans permis, conformément à la loi qui est d’application, mais pour les villages confrontés à un ordre de démolition pour la moindre structure de leur communauté, la loi n’a rien à y voir.

Juste à côté de l’emplacement prévu pour le Mur de séparation israélien dans le sud, le village de Dhaika est menacé de 74 ordres de démolition.

« Jamais aucune construction n’a obtenu de permis, aussi loin que je me souvienne » dit le principal de l’école, Moussa Najada. « Il n’y a pas d’immeuble, pas de traitement des eaux usées, pas d’eau, pas d’électricité ».

Il ajoute : « Dès les années ’80 les Israéliens ont tenté de nous faire partir, peu leur importe où nous pouvons aller. Il essaient de nous frustrer, et ils nous suivront au prochain endroit ».

Photo : Le principal de l’école Moussa Najada. (MaanImages/Charlotte Alfred)Un hameau proche, Amniyr, a été complètement rasé à trois reprises en 2011, les villageois étant obligés de se réfugier dans des grottes ou d’aller chez des parents à Yatta.

Aucun villageois rencontré par Ma’an ne doute que les démolitions et les restrictions au développement sont la continuation d’une histoire entamée en 1948 et se poursuivant au début des années ’80 puis à la fin des années ’90.

Ces villages sont un mélange de communautés d’avant 1948 comprimées par leur proximité avec la ligne de cessez-le-feu avec le nouvel Etat israélien, de terres agricoles cultivées par des résidents de Yatta qui ont déménagé pour vivre sur leurs champs, et de campements bédouins établis par les bédouins déplacés du désert du Neguev du fait de la guerre d’établissement d’Israël.

Quand Israël a commencé à construire des colonies dans la zone au début des années ’80, les villageois disent que l’armée leur a mis la pression pour qu’ils quittent Masafer Yatta.

En 1999, toute la population au sud de Tuwani a été évacuée par l’armée israélienne. Après une bataille devant la Cour suprême d’israël, les résidents ont obtenu une autorisation « temporaire » de retour.

« La Cour a admis que ceci est notre terre, mais ils ne nous donneront pas l’autorisation d’y construire » dit Mohammed Ahmed Nawaja.

Photo : Les enfants de l’école de Dhaika rentrent chez eux après la classe. (MaanImages/Charlotte Alfred)Les juristes internationaux disent que la Quatrième Convention de Genève oblige Israël à veiller aux besoins de la population palestinienne sous occupation, et lui dénie le droit de démolir aucune infrastructure ayant une fonction civile.

Le gouverneur de Hébron Kamel Hemaid, croit que les démolitions sont un outil politique pour permettre aux autorités israéliennes d’empêcher les gens de vivre près de la frontière avec Israël et les colonies israéliennes, mais visent aussi à semer la discorde sociale pour nuire à l’AP.

Quand les Bédouins et les autres communautés rurales en Zone C parlent à la presse et aux organisations internationales, ils créent l’impression que l’AP est discriminatoire pour les gens, dit-il.

« Quand ils viennent à Hébron ils voient nettement la différence entre Zones A, B et C » estime Hamaid.

« Nous discutons du processus de paix, de la construction d’un Etat, de frontières et d’indépendance, et en même temps nous ne pouvons aider un Palestinien qui a perdu sa maison, sa voiture, son arbre ou sa ferme. Vous voyez la différence ».

« Les Israéliens désirent un Abou Mazen (le Président Mahmoud Abbas) faible, occupé, qui ne refuse pas, qui obéit aux ordres et à toute la politique d’Israël... et ils veulent aussi renforcer les autres segments opposés à l’AP, comme le Hamas et les autres ».

Mais pour l’ancien du village de Bir al-Idd, Moussa Jibrin Rabai, les luttes entre Fatah, Hamas et Israël ne changent rien au fait que l’on a laissé tomber Masafer Yatta.

« Le gouvernement ne peut et ne veut rien faire. Les médias viennent ... et personne ne fait rien. Personne ne fait rien pour nous tous ici ».