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Source : Info-Palestine

La cécité de l’écrivain US Paul Auster sur les agressions contre les journalistes, la liberté d’expression

Jeudi, 16 février 2012 - 7h26 AM

jeudi 16 février 2012

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Que cache la cécité d’Auster (écrivain américain vivant à Brooklyn) quand il affirme que « la liberté d’expression existe (en Israël) et qu’aucun écrivain ou journaliste n’y est en prison » ? Avant d’aborder cette question, il nous faut connaître les faits - à propos desquels il s’avère qu’Auster n’est pas la source la plus fiable.

Dans un article de Ha’aretz intitulé, Paul Auster à Erdogan : contrairement à la Turquie, Israël a encore la liberté d’expression, Auster cite une association mondiale d’écrivains (appelée PEN) et ses données concernant des journalistes dans les prisons turques. Pour une quelconque raison, il ne prend pas la peine de regarder les statistiques fournies par Reporters sans frontières, dont le dernier rapport vient d’être publié il y a juste deux semaines. Ce rapport place à deux reprises Israël dans des positions affreusement basses dans son classement annuel mondial sur la liberté de la presse. Sur 179 pays, Israël est classé 92è, mais il apparaît aussi à la 133è place, cette fois en tant qu’entité gouvernant la Cisjordanie. Deux raisons sont données pour justifier le premier classement, qui concerne Israël proprement dit : les menaces de poursuites contre Uri Blau du journal Ha’aretz, et le vote des amendements de la « Loi sur la diffamation ». Mais rien ne vient expliquer le second classement, encore plus bas. Je vais donc tenter de combler ce vide.

Un examen minutieux des rapports périodiques publiés par Reporters sans frontières montre qu’en novembre dernier, l’organisation a exprimé sa préoccupation devant la vague d’arrestations de journalistes en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Entre autres, l’arrestation d’Isra Salhab, présentateur d’une émission télévisée sur les prisonniers palestiniens, et sur le prolongement de la détention de Walid Khaled, rédacteur en chef du journal Filisteen. Dans le rapport d’août l’organisation listait les arrestations, parmi d’autres, celles d’Usaid Abd Al Majid Amarana de la télévision Al-Aqsa, d’Amar Abu Urfa de l’agence d’informations Shahab et du présentateur de la télévision Al-Quds, Nawad Al-Amer.

Arrêter et blesser des journalistes et des photographes de presse lors des manifestations hebdomadaires du vendredi en Cisjordanie (non violentes - ndt) est chose courante. Cette semaine, des journalistes ont été arrêtés lors de la manifestation de Nabi Saleh (au nord-ouest de Ramallah), et un photographe a été blessé lors d’une autre manifestation, à Qaddoum (au nord-est de Qalqilya) (voir la partie 2 des rapports hebdomadaires du PCHR : Usage d’une force démesurée contre les manifestations non violentes). RSF a vigoureusement condamné la manière violente avec laquelle les forces israéliennes traitent les journalistes, citant, entre autres, deux photographes - Mahib Al-Barghouti et Hazem Bader - blessés au visage et aux jambes pendant leur reportage. (voir aussi de RSF : Les journalistes palestiniens à nouveau sous le feu de l’armée israélienne ) Bader, photographe d’Associated Press, a été arrêté alors qu’il couvrait une manifestation dans le village d’al-Tawani (au sud d’Hébron), au moment où une grenade assourdissante explosait juste devant lui. Il souffre toujours aujourd’hui de multiples brûlures. Al-Barghouti a récemment été blessé alors qu’il couvrait la manifestation de Bil’in (au nord-ouest de Ramallah). Il a pris deux balles dans une jambe, bien qu’il se soit trouvé à l’écart et même à une certaine distance des participants à la manifestation.

Le Comité pour la protection des Journalistes a adressé une lettre de protestation en termes vigoureux au Premier ministre Benjamin Netanyahu il y a environ un mois, protestant contre la démarche violente d’Israël envers les journalistes qui couvrent les évènements en Cisjordanie. Cette lettre expose aussi une grande partie des faits et chiffres sur les détentions administratives, les agressions physiques et le harcèlement permanent contre des journalistes durant leur mission.

On pourrait continuer l’énumération de tels faits, et y ajouter l’arrestation et l’emprisonnement d’écrivains, - comme Ahmed Katamish, présentement en détention administrative, un cas bien connu - mais telle n’est pas mon intention ici. Mon objectif, comme indiqué ci-dessus, est de m’efforcer de montrer ce qui provoque la cécité d’Auster. Dans les classements de Reporters sans frontières, la Turquie apparaît à la 148è position, plus bas qu’Israël (133è). Mais est-ce qu’une différence de 15 places entre Israël/territoires occupés et la Turquie peut justifier la différence de jugements d’Auster vis-à-vis de l’un et de l’autre ? Bien sûr que non.

Le fait est qu’Auster, comme beaucoup d’autres intellectuels en Occident, ignore tout ce qui se passe à l’extérieur des frontières formelles d’Israël - comme si tout ce qui concerne l’occupation n’affectait pas l’identité d’Israël comme pays libéral et éclairé. On trouve la même tendance chez ceux qui veulent jouer les innocents et qui nient l’existence d’un apartheid ici. Comme nous l’avons vu, même les classements de Reporters sans frontières font une distinction artificielle entre Israël et Israël/occupant. C’est vrai, si vous tenez résolument à ne pas voir ce qui se passe dans le jardin en terrasse, maculé de sang, vous pouvez effectivement vous réjouir de la liberté qui caractérise ce qui est à l’intérieur du palais, où Auster passe son temps quand il vient en Terres sainte.

La démarche violente d’Israël envers les journalistes qui couvrent les évènements en Cisjordanie

A propos de l’article d’Uri Blau, dans Ha’aretz...

Moi, journaliste et "ennemi de l’Etat" - Uri Blau - Ha’aretz

Une journaliste israélienne placée en résidence surveillée secrète (et suite) - Ma’an News Agency

et aussi...

Un journaliste italien : ma carte de crédit a été utilisée après m’avoir été confisquée par l’armée israélienne - Dimi Reider - Ha’aretz
Guerre de Gaza : Israël a empêché les journalistes de couvrir ces évènements importants - Ma’an News Agency
Israël expulse un journaliste américain travaillant pour Ma’an News - Ayman Mohyeldin - Al Jazeera
Un journaliste humilié et battu - Un an après - Mohammed Omer - AgenceGlobal.com
Israël va indemniser la famille du cinéaste britannique, James Miller, tué par les FDI - Barak Ravid - Ha’aretz
On a besoin de journalistes israéliens à Gaza - Gideon Levy - Ha’aretz

Anat Matar est maître de conférence au département Philosophie de l’université de Tel Aviv, militant depuis longtemps contre l’occupation. Elle est actuellement au comité de pilotage de Qui Profits ?, présentation de l’industrie israélienne d’occupation et elle est présidente du Comité israélien pour les prisonniers palestiniens. Elle a récemment publié, avec l’avocat maître Abeer Baker, une série d’analyses et de témoignages sur les prisonniers politiques palestiniens, titrée Une menace - les prisonniers politiques palestiniens en Israël. Cet article a d’abord été publié en hébreu sur Haokets. Il a été traduit en anglais par Sol Salbe.

9 février 2012 - +972 Magazine - traduction de l’anglais : Info-Palestine.net/JPP