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Printemps arabe (suivi NDLR)

Tunisie - La face cachée de la jeunesse d’Ennahdha

Jeudi, 16 février 2012 - 7h03 AM

jeudi 16 février 2012

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Plusieurs questions se posent, depuis le lancement de la campagne électorale pour l’Assemblée nationale constituante, sur les stratégies, principes fondamentaux et objectifs réels du mouvement Ennahdha.

Ce mouvement, qui a su et pu s’accaparer 89 sièges au sein de la Constituante, a longtemps été accusé de double langage. Il a même était boudé, voire délaissé par les sympathisants de son aile dure, suite à la publication d’un communiqué qui défendait la liberté d’expression et de presse, dans le cadre du procès de Nessma TV. Même les pages Facebook qui défendaient, auparavant, le mouvement, se sont mises à le critiquer, sévèrement, pour son éloignement de la Chariâa.

Aujourd’hui, Ennahdha se trouve confronté à deux défis, suivre un régime démocratique qui défend les bases d’un Islam modéré et gagner une base électorale des Tunisiens traditionnalistes, ou alors répondre aux principes prônés par son aile dure. Le parti semble ne pas avoir tranché puisque, jusqu’à ce jour, la question reste toujours d’actualité.

Après avoir annoncé, le 14 décembre 2011, l’officialisation du statut de leur organisation, sous la dénomination « les jeunes d’Ennahdha à l’université », ces jeunes étudiants organisent une série de manifestations qui toucheront toutes les institutions universitaires du pays. Cette série a démarré mercredi 15 février 2012, à la faculté des sciences de Tunis El Manar (Campus).

Le choix s’est porté sur cette faculté, selon l’un des organisateurs, puisque le premier noyau de l’institution organisationnelle islamique a vu le jour dans cette même université, en 1977. « Nous revenons aujourd’hui pour annoncer, sur le terrain, la renaissance de l’aile universitaire des jeunes du mouvement Ennahdha » souligne Seif Eddine Kaouech, un des membres du bureau des jeunes du mouvement Ennahdha au Campus El Manar.

Près de 200 personnes ont été accueillies sur la Place Rouge de la faculté, où il y avait une exposition de photos des prédicateurs les plus reconnus par le mouvement Ennahdha et des photos des révolutions du Printemps arabe, notamment celle tunisienne où, bizarrement, une seule femme (voilée) figurait.
Les présents ont eu droit à un discours prônant l’exploit d’Ennahdha lors des élections du 23 octobre.2011.

On pouvait voir des écrans plasma qui diffusaient un spot publicitaire d’Ennahdha, des baffles géants, des dépliants… des moyens financiers dignes d’un vrai parti politique qui nous ont poussé à nous interroger sur le financement de ces manifestations. Mohamed Lamine Saâdaoui, responsable de l’aile estudiantine du mouvement Ennahdha à l’IPSI (Manouba), nous a précisé qu’une partie est financée par les donations des membres, l’autre provient de la caisse du parti politique.
Le noyau « purement politique » selon M. Saâdaoui, participera même à la définition des « politiques d’avenir du pays »
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A ce propos, l’enracinement de l’identité arabo-musulmane, surtout « après plus d’un siècle de colonialisme militaire et culturel » a été souligné par Zied Boumakhla, étudiant en 2ème cycle à la faculté des sciences et militant du mouvement des jeunes d’Ennahdha. « Il est temps de rétablir en Tunisie ses anciennes valeurs culturelles et civiques et d’enraciner chez ses jeunes l’esprit d’appartenance à cet environnement arabo-musulman », a-t-il ajouté.

Concernant la participation à l’amélioration des programmes d’enseignement universitaire, Zied Boumakhla, indique que l’aile des jeunes du mouvement refuse les programmes d’enseignement actuels, dictés, selon lui, par l’ancien régime ainsi que des « forces étrangères occidentales… « Il faudra penser à instaurer des programmes d’enseignement nationaux qui répondent aux exigences du marché de l’emploi tunisien » explique-t-il.

L’appui des révolutions arabes et mouvements de libération internationaux, avec, en tête de liste, la libération de la Palestine, constituent, également, l’une des premières revendications de la population tunisienne après la révolution, selon M. Boumakhla. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle une délégation du mouvement Hamas a été invitée en Tunisie pour assister à cette manifestation et présenter l’expérience palestinienne du militantisme. Notons tout de même que les drapeaux palestiniens ont été bien plus visibles dans le décor que le drapeau tunisien

Zied Boumakhla, qui a l’habitude de s’emporter dans ses discours (comme dans la dernière conférence de presse du bureau, organisée le 14 décembre 2011), estime que la révolution tunisienne n’est toujours pas achevée et demeure menacée par les « restes de l’ancien régime et les forces qui partagent les mêmes intérêts qu’eux ». Ces forces, ajoute-t-il, veulent prouver que notre pays ne peut pas être dirigé par l’Islam.

C’est dans ce même sens que Mohamed Lamine Saâdaoui nous a confié « que la Constitution tunisienne devrait être, comme l’a annoncé Rached Ghannouchi lors d’une conférence à Monastir, inspirée à 90% de la Chariâa ». « Nous n’hésiterons pas à critiquer le parti Ennahdha s’il s’éloigne de ses principes fondamentaux », ajoute-t-il.

« Pour ce qui concerne la démocratie, ce n’est qu’un mécanisme qu’on utilise pour contrer la gauche, même si on n’en est pas totalement convaincu » ajoute-t-il avant d’être interrompu par un de ses collègues. « Il ne faut pas mal interpréter ce qu’il vient de dire, il voulait dire que la démocratie n’est qu’un mécanisme qui équivaut, en quelque sorte, à la Choura dans l’Islam, et qu’elle signifie que le peuple choisit par lui-même son président », explique-t-il.
Interrogé sur sa position du mouvement salafiste naissant en Tunisie, M. Saâdaoui nous déclare : « Ce sont nos frères, ils font partie de notre mouvement… c’est juste qu’ils s’éloignent parfois de la réalité en voulant appliquer la Chariâa à la lettre ».

Quant à l’invitation de Wajdi Ghenim, elle aurait été, selon lui, appuyée par Ennahdha, qui encourage ce genre de manifestations. « L’intervention d’Abdelfattah Mourou sur TV7 est une erreur et nous pensons qu’il va bientôt s’excuser pour ses déclarations », précise-t-il.
« Si le mouvement Ennahdha se trouvait en Egypte, on l’aurait considéré comme un pôle démocratique » ajoute ce jeune étudiant de 21 ans, avant de souligner que « la politique des étapes est un principe fondamental d’Ennahdha et que rien ne peut être entrepris d’un seul coup ».

La jeunesse du Mouvement Ennahdha révèle ses desseins. La démocratie n’est qu’un moyen pour combattre l’adversaire… un moyen pour arriver à ses fins, l’établissement d’un Etat islamique basé en grande majorité sur la Chariâa ou du moins l’interprétation qu’ils en font. Une qualité que l’on peut leur attribuer néanmoins, celle de la clarté du discours, qui tranche avec l’emploi de la langue de bois caractérisant une grande partie des dirigeants du Mouvement.

Zeyneb Dridi